Records des arbres
En fin de document : d’autres Records du Monde Végétal
Introduction
Plus que jamais, l’être humain raffole de records et s’ingénie à faire le buzz avec une information époustouflante, ou une photo d’un arbre soi-disant le plus haut, le plus gros, le plus vieux du ‘Monde’ !
On retrouve ce besoin de records dans la devise de Coubertin : « Plus vite, plus haut, plus fort », et ces records sportifs sont tout à l’honneur de ceux qui, par leurs efforts, tentent de les dépasser.
Les réseaux sociaux sont truffés de records et de photos anthropomorphiques, ainsi que d’informations, hélas, souvent erronées ou plutôt approximatives. L’approximation, une notion que l’on retrouve, actuellement, dans tous les domaines, et qui est en rapport avec la masse de données ingurgitées par un seul homme en une seule journée. Plus on en sait, moins on en sait.
La botanique n’avait pas besoin de cela, car par essence elle est devenue, bien malgré elle, la science la plus approximative pour les non-initiés. Cet aspect lui vient de son évolution historique ; au fil du temps, les hommes voyageaient et découvraient de nouvelles plantes, des données étaient avancées ; une même plante pouvait être découverte à différents endroits du globe, affublée de noms populaires différents, participant ainsi à la confusion. Le latin devint la langue officielle des botanistes ce qui atténua un peu toutes ces confusions, mais le commun des mortels, peu enclin à s’infliger le latin, continua l’utilisation des noms populaires. C’est pourquoi des sources d’informations à priori très fiables peuvent véhiculer de grosses erreurs, par exemples (parmi des centaines) on trouve l’appellation ‘red cedar’ (cèdre rouge) dans le commerce du bois, mais il s’agit en fait du bois du Thuja plicata – thuya géant de Californie appelé aussi ‘cèdre de l’ouest’, alors qu’il n’existe aucun cèdre originaire d’Amérique, ou encore cette confusion au sujet du miel d’acacia qui, comme les beignets d’acacia, n’est absolument pas un produit de l’acacia (Acacia ex Mimosa) mais du robinier (Robinia – faux-acacia) ; ce type d’erreurs est aussi véhiculé dans des reportages de grandes qualités !
L’approximation touche aussi la signification des mots employés. Par exemple, en botanique qu’appelle-t-on un arbre ? qu’appelle-t-on un arbre clonal ? D’emblée, la réponse parait évidente, et pourtant les records annoncés dans différentes sources surfent sur cette ambiguïté, et comparent sans hésitation les records d’un arbre et d’une colonie clonale.
Les arbres détenant tous les records sont majoritairement des conifères. Ce sont les premières plantes de très grande taille produites par la nature et, pour le moins que l’on puisse dire, la nature n’a pas lésiné sur la qualité. Elle les a créés de manière à être solide et à vivre longtemps. Avec le temps, Dame Nature a diversifié sa production, et ainsi sont nées les plantes à fleurs (les angiospermes) de plus en plus spécialisées en matière de sexualité dans l’utilisation d’auxiliaires comme les insectes, rendant la reproduction sexuée beaucoup plus rentable : moins de pollens produits à perte, moins d’organes femelles restant vieilles filles ! Mais la production de fleurs coûte cher, et ce que l’on dépense d’un côté on le perd d’un autre, de ce fait les plantes à fleurs (sauf quelques exceptions) vivent moins longtemps et sont de tailles plus modérées.
On peut y voir une corrélation avec notre façon de produire : autrefois un meuble pouvait se transmettre à travers plusieurs générations, à l’heure actuelle la production de masse ne fournit en majorité que des objets de faible qualité donc de faible durabilité ! Et puisque nous sommes dans les records, sachez qu’en France, un des meubles en bois les plus anciens serait le repose-pieds de Radegonde (Reine des Francs devenue religieuse – 519-587), probablement en buis, daté du VIe siècle, on peut évoquer aussi l’armoire d’Aubazine dans le Limousin, armoire liturgique en chêne datée de la seconde moitié du XIIe siècle. On peut difficilement s’imaginer un avenir aussi lointain pour un meuble confectionné actuellement par certaines marques européennes…
Arbre et colonie clonale
Afin de statuer sur la hauteur, la largeur ou l’âge d’un végétal, il est important de définir un individu arbre et une colonie de clones.
Le mot ‘Arbre’ est un nom masculin, du latin arbor – arboris désignant une haute plante ; autrefois du genre féminin, en langue romane il devint masculin ! En grec, l’arbre se nomme dendron.
Généralement, on définit un arbre comme un végétal comportant un tronc d’où des branches se ramifient et portent des feuilles. Certains considèrent qu’un arbre est un végétal dépassant les 6 m, en-dessous ce serait un arbuste ; d’autres pensent qu’un arbuste ne possède pas de tronc principal mais de multi troncs, d’autres appellent cela un buisson ; en fait, tout dépend de l’architecture prévu par le végétal qui développera en premier soit ses bourgeons apicaux (au sommet) formant plutôt un arbre, soit ses bourgeons axillaires (apical avorté) formant des arbustes et des buissons. Quant au grand botaniste français Francis Hallé, il répond, ironiquement, qu’un arbre est un végétal capable de plier ta voiture si tu lui rentres dedans !
L’arbre est un individu constitué de la ‘Sainte Trinité Botanique’ : racine – tige – feuille. Promesse de futur, cette trinité va se multiplier tout au long de la vie de la plante grâce à ses bourgeons réguliers : apicaux et axillaires ; la racine de ces bourgeons est alors ancrée dans la tige qui les porte.
Toutes les trinités de l’arbre se développent selon un modèle architecturale propre à chaque espèce : type de ramifications, position des bourgeons à bois ou à fleurs etc.
24 modèles architecturaux de plantes sont, actuellement, étudiés par des botanistes éminents, Francis Hallé et Roland Keller en proposent une très intéressante illustration dans leur livre ‘Mais d’où viennent les plantes’.
Un arbre est donc un individu collectif ce qui, à proprement parler, semble contradictoire, et pourtant ce collectif œuvre pour l’unité.
Il existe deux types d’arbres : l’arbre unitaire et l’arbre coloniaire.
– L’arbre unitaire est archaïque, et sa simplicité ne lui permet pas d’atteindre des hauteurs étonnantes ni des âges canoniques, hormis l’Araucaria avec ses 80 à 90 m, ou le palmier Ceroxylon quindiuense avec ses 65 m. L’arbre unitaire ne réitère pratiquement pas ou très rarement (mécanisme de l’unité architecturale d’une plante à partir de laquelle se met en place des unités équivalentes).
– Majoritairement les arbres sont coloniaires.
L’arbre coloniaire obéit à la trinité et au modèle architecturale, mais c’est surtout un arbre prudent qui s’équipe d’une armée de bourgeons réservistes, des bourgeons latents qui se réveilleront lors de conditions exceptionnelles vécues par l’arbre : apport nouveau de luminosité et de ressource énergétique pour les bourgeons proventifs (bourgeons latents), traumatisme ou stress pour les bourgeons adventifs (bourgeons en position atypique).
À contrario des bourgeons réguliers qui obéissent à la loi commune et suivent le schéma défini pour chacun, les réservistes ont la possibilité de se développer n’importe où et de devenir un nouvel individu en réitérant l’architecture du pied mère. Les réservistes peuvent produire de nouveaux troncs, de nouvelles branches conjointement au développement du pied mère, ils forment alors avec lui un édifice solide et pérenne.
Certaines espèces de végétaux pratiquent largement la réitération, mais ce sont surtout des lianes et des arbustes, et ce propos nous permet d’évoquer le record de 45 m de long de la glycine du parc floral d’Ashikago au Japon, ainsi que le stipe le plus long du rotin Calamus manan mesuré à 240 m dans le jardin botanique de Bogor en Indonésie !
Plusieurs espèces d’arbres (particulièrement des angiospermes, des plantes à fleurs), suite à divers traumatismes, développent sur leur tronc de nombreux bourgeons latents anormaux qui peuvent former des masses de bois appelées broussins.
Les individus développés par voie végétative sont identiques au pied mère, ce sont des clones issus d’une tige aérienne ou souterraine, de la souche (rejet) ou d’une branche (marcotte/bouture).
∙ Les clones issus de tiges aériennes participent toute leur vie à la structure de l’individu ; ils se développent en tige qui dans un premier temps poussera à la verticale de son support.
∙ Les clones issus de souche peuvent détourner à leur avantage la ressource en eau et en nutriments ce qui présente un inconvénient pour le collectif, et certains arbres les neutralisent assez rapidement, mais cela peut être aussi un atout que l’olivier, par exemple, utilise en favorisant leur développement, les nouvelles unités rapprochées consolident la structure primaire et lui assurent l’éternité (enfin presque) ; parfois même, selon l’espèce, les rejets développés en tronc fusionnent, c’est le cas de nombreux arbres, mais le plus impressionnant est le baobab qui peut atteindre ainsi des diamètres imposants.
Ce que l’arbre dépense dans l’entretien de ses rejets ne lui permet pas d’atteindre des hauteurs inouïes, c’est pourquoi le pied mère de l’olivier ne peut espérer qu’un petit record de hauteur et de vieillesse, tout comme le baobab.
∙ Certains arbres assurent une reproduction végétative via une branche qui se marcotte ou qui, tombée au sol, fera office de bouture, ou encore via une tige souterraine (drageon) ; ce type de reproductions leur permet de créer des colonies d’unités marginales éloignées du pied mère donc divisibles (la marginalité génère souvent l’indépendance !) ; c’est la raison pour laquelle on ne peut pas les comparer avec un individu sexuel censément indivisible.
D’autres arbres développent des racines adventives sur leurs tiges (exemple le figuier) leur permettant aussi de fonder une colonie plus ou moins rapprochée.
⁎ Records d’arbres individuels ⁎
‘Arbre individuel’ est un terme impropre mais cela permet, dans cet article, de distinguer un individu reproduit sexuellement (même s’il est coloniaire) d’un ensemble clonal. En fait la seule différence entre un arbre coloniaire et un ensemble clonal est la distance qui sépare l’individu primordial de ses clones.
Plus haut
Il est difficile d’attribuer les médailles de records de hauteur étant donné la difficulté de mesure, toutefois les tailles supposées ou parfois vérifiées avec les moyens actuels donnent le vertige…
⁎ Médailles d’or pour l’Eucalyptus et le Sequoia sempervirens :
– Eucalyptus
En 1872, le forestier William Ferguson découvrit en Australie un Eucalyptus regnans qui aurait été évalué à 132,6 m, mais cet arbre trouva la mort lors d’un incendie, et sa hauteur ne put être validée officiellement. De nombreux eucalyptus voisinaient alors avec ce type de hauteur, mais ils ont été consciencieusement mis à mort pour l’exploitation de leur bois ; à l’heure actuelle, l’eucalyptus le plus grand se trouverait en Tasmanie avec une hauteur vérifiée de 100,5 m ; il est nommé Centurion.
– Actuellement, les arbres vivants les plus hauts sur terre sont les Sequoia sempervirens – séquoia toujours vert.
Le spécimen Hypérion a été découvert en 2006 en Californie. Il atteint plus de 115 m et n’aurait que 600 à 800 ans ce qui laisse envisager de nouveaux records de hauteur si « les petits cochons ne le mangent pas », mais il faut quand même apprécier les efforts de conservation mis en place pour protéger certains arbres.
Les voisins d’Hyperion ont pour certains des hauteurs avoisinantes.
⁎ Médaille d’argent attribuée à un cyprès, ainsi qu’au sapin de Douglas, et à une espèce tropicale du genre Shorea :
– Cyprès du Tibet dont l’espèce n’est pas certaine, soit torulosa, soit gigantea. Cet arbre fut découvert en 2023 dans la réserve du canyon Yarlung Tsangpo auTibet, le canyon le plus long et le plus profond du monde ; mesuré à l’aide d’un drone, il atteint 102,3 m avec un diamètre de presque 3 m, ce qui fait de lui le plus grand arbre d’ Asie, et le deuxième arbre actuel le plus haut du monde.
– Shorea faguetiana – poko gergasi – est une plante à fleurs originaire de Bornéo, de la famille des Dipterocarpaceae. Le spécimen Menara (signifiant ‘tour’ en malaisien) fut découvert en 2018, et mesuré plus tard à 100,8 m. D’autres spécimens de la même région ne mesurent que 90 m !
– Pseudotsuga menziezii – sapin de Douglas – et particulièrement le spécimen Doerner Fir dans l’Oregon aux USA a été mesuré officiellement à 100,3 m. D’autres spécimens auraient atteint les 120 m, mais les sources d’informations semblent confuses. On peut aussi citer le plus grand Douglas du Canada en Colombie-britannique avec ses 94 m.
⁎ Médailles de bronze pour un épicéa ainsi qu’au séquoia géant :
– Picea sitchensis – un épicéa nommé Carmana giant culmine à 95 m à Vancouver au Canada.
– Sequoiadendron giganteum – le spécimen Général Scherman, bien connu, atteint plus de 83 m en Californie. Il ne faut pas le confondre avec le Sequoia sempervirens (pour les différencier, consulter cet article).
– D’autres espèces d’arbres dans des conditions exceptionnellement bonnes peuvent atteindre les 80 à 90 m, mais il faut crapahuter pour les découvrir, de plus ils ne sont pas légion.
Plus gros
Normalement, on évalue un arbre à son volume de bois mais, ici, nous allons nous intéresser au diamètre le plus imposant pour un tronc d’arbre.
Le record de diamètre d’un arbre est souvent dû à la formation de multi troncs soudés au tronc principal qui avec l’âge n’en forment qu’un.
Les médailles reviennent au faux-cyprès, au séquoia géant, et au baobab :
– Taxodium : au Mexique dans l’état d’Oaxaca se trouve un spécimen de l’espèce mucronatum – le faux-cyprès Arbol del Tule, Arbre de Tule nommé Ahuehuete qui mesurait, en 2005, 36 m de haut pour un diamètre de 9,38 m à 11,4 m selon les mesures utilisées, en effet cet arbre étant très étayé (racines adventives et/ou rejets ?) si on mesure vraiment la partie centrale du tronc, il ne mesure que 9,38 m ce qui est déjà remarquable. Actuellement, il souffrirait du réchauffement climatique.
– Sequoiadendron giganteum : le diamètre imposant du tronc du spécimen Général Scherman en Californie diffère selon les mesures : 11 m à la base – un peu plus de 8 m à 1,50 m du sol – 5 m à 18 m du sol. Avec ses 1487 m3, il représente l’arbre le plus volumineux du monde, et il n’a que 2 200 ans !
– Adansonia : les baobabs sont connus pour leur tronc immense dont un des plus gros, le Platland baobab, vit en Afrique du Sud, et s’enorgueillit d’un diamètre de 10 m mais en fait, les baobabs sont constitués comme n’importe quel arbre d’un tronc unique et après une dizaine d’années, ils ont tendance à développer de multi troncs qui fusionnent formant au centre d’entre eux un cœur creux, une fausse-cavité d’un volume impressionnant ; de l’extérieur leur apparence est celle d’un arbre individuel.
Plus vieux et Plus haute altitude
Concernant l’âge, il faut là aussi différencier un individu coloniaire et un ensemble de clones. Chez les individus coloniaires, les conifères sont à l’honneur.
⁎ Médailles d’or au pin et au cyprès :
– Pinus longaeva – pin de Bristelcone : Prometheus vivait dans le Nevada aux USA, ce pin fut évalué à plus de 4 900 ans, mais il en est mort par erreur ou par cupidité humaine puisqu’il fut abattu en 1964 ! Cette folie entraina des mesures de protection, et Mathusalem, le végétal actuel le plus vieux du Monde, se trouve dans un endroit tenu secret dans les montagnes blanches de la Californie. Il porte bien son nom Mathusalem (personnage de l’Ancien Testament décédé à 969 ans) puisqu’en 1957 son âge fut estimé à 4 789 ans.
Tout comme certains cyprès du Tibet, cet arbre fait partie des plantes qui se développent aux plus hautes altitudes répertoriées, soit plus de 3 000 m, ce qui fait sourire les toutes petites plantes de quelques centimètres découvertes sur les flancs de l’Everest entre 6 350 et 6 400 m d’altitude : il s’agit de Saussurea gnaphalodes – Lepidostemon everestianus – Arenaria bryophylla – Saxifraga lychnitis var. everestianus – Androsace khumbuensis ; notre petite saxifrage européenne, Saxifraga oppositifolia, a quand même été observée à 4 504 m d’altitude en Suisse, et à 4 070 m dans le Parc national des Écrins des Alpes, ce qui est déjà pas si mal !
– Cupressus sempervirens : dans la province de Yazd en Iran, le cyprès d’Abarqu appelé Zoroastrian Sarv atteindrait minimum l’âge vénérable de 4 000 ans. Il mesure environ 25 m, et s’impose surtout par sa circonférence qui atteindrait les 11,50 m. Il est considéré comme un des monuments nationaux de l’Iran ainsi que l’arbre le plus vieux d’Asie.
⁎ Médaille d’argent au cyprès de Patagonie – Fitzroya cupressoides de la famille des Cupressaceae :
Le spécimen ‘Gran abuelo’ (arrière-grand-père en espagnol) se développe dans un parc national du Chili. En 1993, son âge a été estimé à 3 622 ans, mais il est supposé que d’autres voisins, certainement plus âgés, ont été abattus. Business is business !
Dernièrement (mai 2022) un chercheur du CNRS aurait estimé un de ces arbres à plus de 5 000 ans venant ainsi détrôné le pin de Bristelcone, mais à l’heure actuelle aucune revue scientifique n’a validé cette information.
⁎ Médailles de bronze pour plusieurs Sequoiadendron :
Le plus âgé est notre fameux Général Scherman évalué, en 1957, à 2 200 ans.
⁎ Aux places des ‘bouquets de fleurs’ on retrouve en tête les conifères avec des Taxodium, des Pinus aristata, des Cryptomeria… mais difficile d’affirmer des âges précis. Le plus ancien angiosperme est un baobab africain au Zimbabwe estimé à 2419 ans.
⁎ Records de colonies clonales ⁎
Sans intervention de l’homme, un individu végétal est indivisible (c’est le principe d’un individu), mais les arbres ont plus d’un atout en poche et certains baissent leurs branches jusqu’au sol favorisant un enracinement potentiellement créateur de nouveaux individus ; les racines de certains arbres sont aussi capables de produire de nouveaux individus qui, avec le temps, pourront se désolidariser de l’ensemble.
Chez les arbres clonaux, la notion de hauteur et de grosseur n’est plus pertinente, en revanche, on s’intéresse à l’âge et à la superficie occupée par l’ensemble.
Les records dans le monde des arbres clonaux sont remportés aussi bien chez les conifères que chez les plantes à fleurs (voire plus pour ces dernières).
Les ensembles clonaux ne sont pas tous des végétaux atteignant la taille d’arbres et certains, malgré leur petitesse, raflent les records.
– La posidonie – Posidonia oceanica – est une herbe marine faisant partie des plantes à fleurs qui peut se développer végétativement par rhizomes. En Méditerranée où elle est endémique, elle représente un atout écologique indispensable. En 2012, une étude parue dans la revue numérique Plos One Public Librairy of Science dévoile la présence d’un herbier de 700 km2 entre Formentera et Ibiza, dont l’âge aurait été estimé de 80 000 à 200 000 ans. À ce jour, aucune autre étude n’aurait confirmé ce fait.
– Le peuplier faux-tremble – Populus tremuloides – est l’arbre à fleurs qui a développé le plus ancien et le plus étendu ensemble clonal sur terre ; depuis 2006, cet ensemble est classé dans les 40 merveilles de l’Amérique. Son nom populaire Pando signifie ‘je m’étends’, et en effet cette colonie s’étend en Utah (USA) sur 43 ha, son âge est estimé à 80 000 ans. Elle se multiplie végétativement par drageons, et compterait actuellement 47 000 arbres dont les plus vieux n’auraient que 130 ans.
Pando a soulevé le problème du loup dans cette région, et nous oblige à réfléchir à notre intervention sur la nature : les loups ont été exterminés, et la chasse aux cerfs fut interdite, Pando a alors subi les conséquences de ces décisions car la population des cerfs et des wapitis se renforça au détriment des peupliers-trembles qui leur servent de nourriture. Il a donc fallu mettre des clôtures : des murs pour séparer !
– Le houx royal de Tasmanie – Lomatia tasmanica – est une plante contemporaine de Neandertal. Actuellement, il n’existerait qu’une seule colonie d’environ 500 plants stériles qui ne se reproduisent que végétativement (rejets, marcottes), sa superficie s’étend sur 1,2 km au sud-ouest de la Tasmanie. Les clones ressemblent à des arbrisseaux ; en moyenne, chaque clone serait âgé de 300 ans, mais des fossiles ont permis d’évaluer cet organisme à 43 600 ans !
– Chêne Jurupa : en Californie, un buisson de chênes de Palmer – Quercus palmeri – se reproduirait végétativement par rejets depuis un âge estimé à 13 000 ans.
– Eucalyptus : en Australie, une colonie de clones de l’arbuste Eucalyptus recurva pourrait avoir 13 000 ans.
– Larrea tridentata, le dangereux ‘arbre à créosote’ est un poison pour les autres végétaux. Il développe des clones via ses racines. Dans le désert de Mojave en Californie, une colonie clonale nommée King Clone Créosote forme des anneaux dont le plus grand fait 22 m sur 8 m, il a été évalué au carbone 14 à 11 700 ans ; chaque clone pourrait vivre 200 ans.
– Lagarostrobos franklinii porte le nom populaire de Pin Huon, mais ce n’est pas un pin puisque ce conifère fait partie de la famille des Podocarpaceae. En 1955, il a été découvert dans l’ouest de la Tasmanie un ensemble clonal dont le système racinaire a été estimé à 10 000 ans ; ce sont des spécimens mâles qui pourraient atteindre chacun de 600 à plus de 1 000 ans.
– Épicéa : en 2004, il a été découvert en Suède un spécimen de Picea abies – épicéa commun, qui fut nommé Old Tjikko – vieux Tjikko. Ce clone s’élève seulement à 4 m et n’aurait que quelques centaines d’années, mais son système racinaire a été daté au carbone 14 à 9 550 ans tout comme un de ses voisins nommé Old Rasmus qui vit sur un autre mont, mais dans la même région.
Pour la petite histoire, tous deux portent des noms de chiens ayant appartenus à ceux qui les ont nommés.
– S’ils occupent une certaine superficie et s’ils peuvent atteindre des âges vénérables, l’olivier et le figuier ne se trouvent pas en tête des records, néanmoins il est impossible de ne pas évoquer certains spécimens étonnants :
∙ Certains oliviers sont estimés de 1 600 à plus de 2 000 ans. Cette longévité leur vient, bien souvent, des rejets de souche qui se développent en formant ainsi de nouveaux troncs plus ou moins soudés ou éloignés de la souche. L’olivier millénaire de Rouquebrune Cap Martin dans les Alpes Maritimes en est une belle illustration.
∙ Les figuiers (Ficus) ont un désir de vie incommensurable, ils utilisent tous les moyens mis à la disposition du règne végétal pour s’imposer durablement sous de nombreuses conditions.
Sous les tropiques, les figuiers mettent en avant leur côté épiphyte (développement sur un autre végétal ou sur de la roche) pour s’installer par graines n’importe où dans une forêt inextricable, mais en Europe, le figuier commun n’est pas en reste et utilise le moindre interstice disponible pour en faire de même.
Il n’est pas rare, même en Europe, de découvrir la taille imposante de certains ficus grâce aux rejets de souche et aux racines adventives.
Une fois bien installées, certaines espèces de figuiers passent à l’étape supérieure afin d’atteindre la pérennité. À partir de leurs branches, elles développent des racines adventives qui finissent par atteindre le sol, avec le temps ces racines forment des sortes de troncs de soutien, et offrent des ressources permettant aux branches de réitérer à volonté. Certains ficus arrivent même à créer tout seul des forêts, c’est le cas le plus connu du banian – Ficus benghalensis – du jardin botanique de Howrah à Calcutta, âgé d’au moins 200 à 250 ans. Le tronc initial est mort, mais il a développé plus de 2 000 racines adventives qui forment une forêt. Sa circonférence couvre un demi-kilomètre et son diamètre est de 130 m.
Alexandre le Grand aurait campé avec son armée entière à l’ombre d’un de ces banians-forêts.
Au Sri Lanka, dans l’ancienne capitale Anuradhapura, se trouve Jaya Sri Maha Bodhi, un ficus âgé de plus de 2 300 ans. Il serait issu d’une bouture prélevée par la princesse indienne Sanghamitta sur le Ficus religiosa de Bodh Gaya en Inde, arbre sous lequel Bouddha eut l’illumination (arbre qui n’existe plus depuis longtemps suite à de nombreuses péripéties, mais qui fut renouvelé à chaque destruction par la plantation de nouveaux arbres). Au Sri Lanka, cet arbre serait encore visible avec ses branches soutenues par des échafaudages.
Autres Records du Monde Végétal
Plus petit
La plante à fleurs la plus petite est la Wolfia, et particulièrement l’espèce globosa originaire d’Asie. Cette lentille d’eau de la famille des Araceae mesure moins d’1 mm. Le genre Wolfia détiendrait aussi le record de croissance, mais elle est si petite qu’il est difficile de s’en rendre compte à l’œil nu.
Le plus petit arbrisseau de 10 à 25 cm (rarement 50 cm) serait un saule, Salix artica.
Plus rapide
Les bambous de différents genres sont connus pour leur croissance rapide. Le plus rapide est le bambou Moso, Phyllostachys edulis (ex pubescens) qui détient le record de croissance d’au moins 1 m par 24 h. C’est le bambou le plus haut et le plus gros d’Europe que l’on peut admirer à la Bambouseraie d’Anduze dans le Gard.
Plus grande fleur
– Symbole de l’Indonésie, la Rafflesia arnoldii détient le record de la fleur la plus grande avec son mètre de diamètre, mais aussi son poids de 11 kg. C’est une plante parasite sans feuilles, de la famille des Rafflesiaceae, qui attire les mouches par son odeur de viande avariée afin d’assurer la pollinisation, ce qui lui vaut le nom de fleur-cadavre. Dioïque, mâle et femelle sur des plantes séparées, elle ne fleurit que tous les deux ans, temps pour produire ces monstruosités qui ne s’épanouiront que quelques jours, mais encore faut-il que les deux sexes soient à proximité pour espérer une fructification. À part son record et hormis son incroyable couleur rouge, elle n’a rien de bien ragoutant !
– La plante ayant le record de grandeur d’inflorescence (grappe de fleurs) appartient aux palmiers, et plus particulièrement au palmier talipot, Corypha umbraculifera (Inde – Sri Lanka) avec son inflorescence de 6 à 9 m. Voir l’article sur les Fleurs de palmiers.
– La plus étonnante est cette plante indonésienne (Sumatra) de taille assez modeste par rapport aux palmiers ; cette plante est le ‘phallus titan’ ou ‘arum titan’, Amorphophallus titanum de la famille des Araceae. Elle se développe à partir d’un tubercule qui, à maturité, peut quand même peser 10 kg pour 70 cm de diamètre. Son spadice (type d’inflorescence en épi) peut atteindre de 1,50 m à 3,50 m, d’où son nom ; il porte de minuscules fleurs, les mâles au-dessus et les femelles en-dessous. Cette plante fleurit rarement, tous les 3 à 10 ans, et cela se comprend au vu de l’énergie nécessaire pour le déploiement d’in tel volume ! Elle dégage une odeur de cadavre mêlée à du poisson pourri afin d’attirer certains insectes, et particulièrement un gros coléoptère, pour la pollinisation. Après une floraison de 72 h, le tubercule produit une feuille composée géante de 4 à 6 m qui sera renouvelée chaque année.
Plus gros fruit
– De la famille des Moraceae, le jacquier, Artocarpus heterophyllus, est un arbre de 20 à 30 m de l’Asie du Sud-Est, dont le fruit comestible peut peser de 30 jusqu’à 42 kg pour 50 à 90 cm de long. Le jacquier est très connu par l’épisode historique de la mutinerie du Bounty.
– Le fruit non comestible du palmier Lodoica maldivica, surnommé coco-fesses, serait le fruit le plus gros avec un record de 45 kg, mais en général il ne pèse que 20 à 25 kg, en revanche sa graine détient le record du monde avec ses 10 à 25 kg.
– Certains légumes, et particulièrement des choux, peuvent battre les records de poids, mais il ne faut pas oublier que l’on parle alors de productions créées par l’homme.
Rien ne dure et l’impermanence gère nos vies d’équilibristes…
Cet article a tenté de se rapprocher au plus près de la réalité actuelle des connaissances ; les records avancés ont pour sources des informations livresques ou numériques, vérifiées certes avec rigueur mais n’ayant de valeur qu’indicative.
Dans les années à venir, de nouvelles découvertes et de nouveaux moyens pour les aborder devraient probablement chambouler tous ces acquis.
Mise à jour novembre 2024.
Pour en savoir plus sur certains arbres cités dans cet article : Cliquez !
Araucaria – Cyprès chauve – Épicéa – Eucalyptus – Figuier – Olivier – Sequoia…
Belle mise au point, claire, détaillée, documentée.