Depuis la nuit des temps, les êtres vivants sont animés du désir le plus ultime : se reproduire. Plantes et animaux, prêts à tout pour y arriver, ne lésinent pas sur les moyens afin de s’adapter au mieux à toutes conditions de vie, alors ce désir primordial, viscéral, irrésistible de procréer peut se réaliser et cela passe par la sexualité, élément clef pour atteindre l’immortalité.
Êtres unisexués
Tout comme nous (entendre : les animaux), les premiers arbres apparus sur terre – le ginkgo, les cycas, certains araucarias et autres conifères… – ont optés pour des individus unisexués : mâle et femelle vivant séparés ; on les dit ‘dioïques’. Certaines plantes plus tardives ont aussi conservé ce système unisexué, c’est le cas de l’if, de certains genévriers, des peupliers, des saules, du kiwi…
Entre parenthèses, il est à noter que les êtres humains sont restés limités au pouvoir de reproduction des premiers arbres : deux individus de sexe différent.
Les animaux et les plantes forment des classifications par genres qui se révèlent n’être pratiquement jamais compatibles sexuellement entre eux ; on ne verra jamais un humain se multiplier avec un gorille, on ne verra jamais non plus aucun chêne tenter une aventure sexuelle avec un châtaignier alors qu’ils sont de la même famille.
La notion d’individu chez une plante est différente de celle des animaux chez qui un individu est à proprement parlé un organe sexuel à lui seul alors qu’un individu-arbre porte de nombreux organes sexuels.
On retrouve aussi une grande différence au niveau de l’espace temps puisque l’individu-arbre peut vivre (pour certains) jusqu’à plus de 3 à 4 000 ans ; il en dérive d’ailleurs cette fausse apparence d’immobilité des végétaux.
En extrapolant de manière vaste, si un arbre peut être comparé à une planète portant des individus sexués, une forêt peut alors être envisagée comme une voie lactée végétale, on peut alors s’imaginer qu’ailleurs dans le cosmos existent des planètes peuplées d’êtres qui pourraient être sexuellement compatibles avec nous… à méditer !
Mais revenons aux arbres. Dame Nature les a pourvus de la possibilité de s’adapter, d’évoluer, d’expérimenter, – une certaine liberté quoi ! – et ils ne s’en sont pas privés laissant libre court à de grandes innovations pas toujours réussies d’ailleurs, on peut ici noter le cas du ginkgo et des cycas qui dépensent une fortune dans l’élaboration d’un faux-fruit – garde-manger bien pourvu qui ne servira peut-être pas à une future progéniture (voir la fiche du ginkgo). Cette expérimentation n’a jamais été reprise car qui dit expérience dit aussi échec, c’est ce qui donne toute son importance à la notion d’échec – considéré alors comme une marche de l’escalier menant vers la réussite.
Êtres bisexués
Certains arbres ont tenté une manœuvre de rapprochement de leurs organes sexuels. Les chênes, les châtaigniers (parfois polygames), les bouleaux, les hêtres, la majorité des conifères et bien d’autres… se sont accordés pour créer un individu-arbre portant des mâles et des femelles mais toutefois toujours séparés ; on les dit ‘monoïques’. Soit les femelles en haut de la plante et les mâles vers le bas, soit les deux sexes sur une même branche… Afin d’éviter toute consanguinité, ils ont même mis en place le décalage de maturité entre les deux sexes.
La fleur hermaphrodite
Enfin, le monde végétal a créé la fleur hermaphrodite : mâle et femelle vivent dans le même petit nid douillet mais ne nous y trompons pas si les sexes cohabitent c’est par mesure d’économie et leur relation s’assimile à la notion de frère et sœur qui s’évitent à tout prix (sexuellement parlant) sauf dans certains cas désespérés afin que la femelle ne devienne pas qu’une vieille fille avant de mourir et ceci uniquement dans un souci de rentabilité car une fleur coûte cher en matières premières.
Il existe bien sur chez les hermaphrodites des plantes intégristes, des jusqu’au-boutistes qui ont mis en place la tolérance zéro de la consanguinité, c’est le cas par exemple de l’avocatier, du maïs… qui pratiquent la dichogamie : les organes femelles sont opérationnels soit le matin soit l’après-midi et l’inverse pour les organes mâles, la plante opte dés le départ de sa vie pour une stratégie du matin/femelle ou matin/mâle ; il faut donc obligatoirement deux plantes de stratégies différentes pour qu’il y ait un mariage possible ; en fait ces plantes se comportent comme des plantes dioïques mais sexuées différemment selon le moment de la journée. Il fallait quand même y penser !
À noter que certains animaux comme les mollusques ou les poissons peuvent aussi être hermaphrodites.
Un des premiers à réaliser la prouesse de la fleur hermaphrodite fut un des descendants d’une famille très ancienne de plantes à fleur : le magnolia. La constitution de sa fleur rappelle son archaïsme : tout est résolument très costaud, le magnolia ne fait pas dans la dentelle : les tépales (compromis entre sépales et pétales) sont épais et coriaces, prêts à résister à l’assaut de gros insectes un peu balourds comme les coléoptères ; les organes sexuels – étamines et pistils – font aussi dans le mastoc.
D’autres plantes qui copièrent ce modèle (cela concernerait 90% des plantes à fleurs – les angiospermes), excellèrent dans plus de raffinement et certaines proposèrent des fleurs d’une élégance délicate.
Êtres polygames
Certaines plantes réunirent toutes les possibilités sexuelles et ce sur un même individu au sein duquel on peut découvrir des fleurs hermaphrodites, des fleurs mâles et/ou des fleurs femelles ; ce sont les plantes polygames. C’est le cas des marronniers, de certaines espèces de frênes, parfois du mélia… Les fleurs mâles possèdent alors des attributs femelles mais avortés, idem pour les fleurs femelles aux attributs mâles avortés ou stériles.
Les indécis
Il existe aussi des genres de plantes qui n’arrivent pas à se fixer sur un type de sexualité. C’est le cas des hêtres ou particulièrement des érables chez qui, selon l’espèce, l’on peut rencontrer tous les cas de figure, ou bien du faux-poivrier – Schinus molle qui généralement dioïque peut parfois se transformer en plante polygame.
Un original
Bien sûr il y a des cas particuliers, des originaux comme les figuiers (Ficus) dont la sexualité n’a rien d’étonnant mais la façon d’y arriver est du plus surprenant. Si quelqu’un vous affirme avoir vu et senti une fleur de figuier, n’ayez aucun doute c’est un mytho ! L’histoire est un peu compliquée à résumer donc je vous renvoie sur l’article dédié aux figuiers et pour plus d’informations essayez de vous procurer cet excellent livre très explicite : ‘Le Figuier’ édité par ‘Les écologistes de l’Euzière’.
Les bons élèves
Évidemment, il existe aussi les bons élèves chez les végétaux, c’est le cas des orchidées, le nec le plus ultra de ‘La’ fleur. Mais à vouloir être parfait, on franchit parfois des limites extrêmes (et on le sait, les extrêmes ne sont jamais gage de perfection) et pour le comprendre il faut remonter un peu dans le temps.
Les arbres ne pouvant se déplacer ont fait appel à un entremetteur pour assurer leurs rencontres sexuelles : tout d’abord ce fut le vent puis les insectes, les oiseaux et certains mammifères prirent part au festin, volontaires involontaires.
Les premiers arbres choisirent le vent comme entremetteur. C’était pratique, cela ne leur coûtait rien, par contre cela nécessitait une grosse production de pollen qui n’arrivait pas toujours à destination, ceci s’est avéré être un gros gâchis, c’est pourquoi les plantes lors de leurs différentes expérimentations se rapprochèrent des animaux et particulièrement des insectes qui jouaient le même rôle que le vent mais avec beaucoup plus de précision et donc moins de perte. Sage décision mais il leur fallut investir : elles apportèrent un soin particulier à l’apparence de leurs organes sexuels – il faut bien attirer le client – et c’est ainsi que la fleur prit de belles formes diversement colorées ; certaines plantes investirent lourdement dans une production de nectar délicieux – il n’y a pas mieux que la ‘bouffe’ pour fidéliser – ou encore de parfums irrésistibles.
L’imagination des végétaux n’eut pas de limites et les plus doués finirent par donner naissance aux orchidées dont le pouvoir de séduction n’a pas son égal mais (car il y a un Mais) certaines comme la vanille ont pêché par excès de zèle. Je vous invite à découvrir l’article qui y fait référence.
Les transgenres
Là où les plantes nous laissent loin derrière, c’est qu’elles ont su créer des transgenres sexuellement efficaces ! Certains araucarias, les papayers… changent de sexe au cours de leur vie.
Certains animaux aussi peuvent développer ce qu’on appelle un hermaphrodisme séquentiel ; c’est le cas de certains poissons (le mérou), d’huitres, de tortues…
Actuellement, le plus connu du monde végétal est l’if de Fortingall en Écosse. En 2015 la BBC annonçait que cet arbre dioïque de sexe mâle avait une petite branche qui était en train de changer de sexe et développait donc des pseudo-baies rouges ! Le docteur Max Coleman du Royal Botanic Garden Edinburgh, tout en s’étonnant, ajoute que d’autres ifs et conifères ont aussi été observés dans ce changement de sexe.
On peut (peut-être) rapprocher cette capacité à changer de sexe avec celle des arbres à produire d’avantage de fleurs la dernière année de leur vie ou au contraire à réduire la production pendant des périodes difficiles.
La régulation des naissances
Le monde végétal utilise la régulation des naissances et l’on pourrait peut être en prendre de la graine.
Le grand avantage des végétaux (que nous considérons comme un énorme inconvénient) est de n’avoir pas de cerveau, pas d’intellect. Leurs ‘cerveaux’ sont partout dans tous les organes de la plante et les végétaux n’ont qu’à obéir et harmoniser les signaux et perceptions de leurs propres organes. Bref, ils sont totalement à l’écoute de leur corps et peuvent déceler toutes sortes de dangers sans y réfléchir mais en y réagissant promptement.
Certains botanistes pensent que certains arbres adaptent leur production de fruits en régulant les populations de mammifère ; par exemple les sangliers et les cochons sont friands des fruits du chêne, après des années de disette imposée par le chêne, la population des sangliers s’étant amoindrie faute de nourriture, l’arbre produit une grosse quantité de glands qui ne seront donc pas tous consommés faute de convives suffisants et assure ainsi à sa progéniture une chance de se développer.
Si l’on peut comprendre qu’une plante possède la notion d’environnement et soit sensible aux variations qui en découlent, comment appréhender cette capacité à analyser la régulation d’animaux ? Cela me laisse coite ! On peut supposer que des milliers d’années d’expériences ont affiné leur capacité à traduire les informations données par les organes de leur structure…
Le cyprès de Tassili adepte de la GPA
Le plus sidérant de tous (et le plus d’actualité) est le cyprès de Tassili – Cupressus sempervirens var. dupreziana – qui acculé à des conditions de vie extrêmes et restreint à un mini-peuplement, a su rebondir en testant la GPA. Au vu de son isolement, ce cyprès s’est dirigé vers une reproduction d’apomixie mâle, c’est une sorte de parthénogénèse, et particulièrement un développement génétique uniquement issu du pollen, la part des cônes femelles ne se limitant qu’aux substances nutritives offertes par les ovules ‘mères porteuses’.
Cette apomixie permet d’éviter la consanguinité bannie au maximum par les plantes (tares génétiques) et de procréer des individus issus de graines-clones particulièrement bien adaptés à leurs conditions de vie difficiles.
Dans toutes ces expériences sexuelles, on reste toutefois sur une condition inexorable dans le monde végétal :
c’est toujours l’individu femelle qui porte le fruit !
Le clonage
Toutefois les plantes ont plus d’un tour dans leurs poches et ont mis au point une autre façon de se reproduire, c’est la multiplication végétative – le clonage, mais cela soulève une difficulté insurmontable : le passage du temps, l’évolution des conditions auxquelles les clones, tôt ou tard, ne sont plus adaptés. C’est pourquoi les plantes misèrent toute leur inventivité sur la sexualité tout en gardant la possibilité du clonage.
Bien évidemment on trouve des irréductibles qui emploient de gros moyens pour bénéficier de cette marge de survie supplémentaire ; l’un des plus connus est le bambou, cette herbe géante qui pour certaines espèces, grâce à leurs rhizomes, peuvent atteindre les 30 m et former des bosquets, d’autres un peu plus petits – de 20 à 25 m quand même – se développent carrément en forêts !
On peut aussi signaler le figuier et particulièrement le banian Ficus benghalensis du jardin botanique de Howrah à Calcutta qui a développé plus de 2 000 racines adventives formant ainsi une forêt dont la circonférence couvre un demi-kilomètre pour un diamètre de 130 m.
Nous avons largement utilisé ce procédé de clonage chez les végétaux en les multipliant aussi par bouturage et marcottage.
L’idée de se reproduire par clonage, suite à des recherches incessantes, s’exprime bien sûr chez les humains et si la seule opposition à ce clonage n’est pour l’instant que d’ordre moral, il serait utile que l’humain s’interroge sur le frein émis par les végétaux : un clone n’est jamais qu’un individu viable dans des conditions à un temps T. Bref…
Petit aparté : on ne sait pas si les plantes vivent un orgasme lors de la pollinisation, on ne connaît pas non plus le ressenti du scarabée qui copule ?
De telles expérimentations seraient difficiles à réaliser et à prouver, alors il me plaît de penser que les végétaux ou le scarabée sont aussi récompensés de tous leurs efforts …
À bientôt…
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