Le hasard m’a menée sur le seuil de la galerie ‘Azimut Concept‘ à Nice. En réalité, c’est une souche d’arbre qui a attiré mon regard et d’un mot à l’autre, le patron m’a fait visiter ce surprenant local avec sa deuxième salle dont le plafond arbore une très belle charpente.
Invitée à ce voyage, je me suis laissée guider dans la découverte inattendue de l’utilisation de ce matériau incontournable qu’est le bois.
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La reconversion des pieux de la lagune de Venise.
Une légende veut que Venise soit née officiellement le 25 mars 421 mais ce n’est qu’une légende ! En fait, c’est entre le 2e et le 9e siècle que les habitants de la plaine du Pô attaqués de toutes parts, sont venus petit à petit se réfugier sur la centaine d’îles de la lagune de Venise qui étaient déjà, plus ou moins, habitées par des pêcheurs et des extracteurs de sel. Ce serait surtout vers la fin du VIe siècle que des installations stables virent le jour; des ponts et des canaux commencèrent à relier les 118 îles (le nombre varie selon les sources). Au final, Venise devint un des plus grands ports de commerce du Moyen-âge !
Venise repose en partie sur des briques installées sur des planches en mélèze soutenues par des millions de pieux de 2 à 4 m de long, enfoncés dans la couche argileuse, la tourbe ou le limon.
Parfois en bois d’aulne ou en pin, la forêt souterraine de Venise fut surtout constituée de bois de chêne rouvre et de mélèze provenant des Alpes et des Balkans, qui était transporté par voie fluviale. À l’heure actuelle, les pieux des maisons sont souvent remplacés par du béton.
Les pieux immergés et enfoncés dans la boue résistent presque éternellement mais ceux, le long de la lagune, les ‘bricole’ émergent au-dessus de l’eau afin de servir de repères de navigation et subissent l’érosion de l’eau salée tout en se dégradant au contact de l’air. Ils seraient remplacés tous les vingt ans et heureusement, ils ne sont pas perdus pour tout le monde…
Azimut Concept utilise les outrages du temps en les rendant esthétiques. Les pieux sont transformés en panneaux où apparaissent les sillons fait par les vers et sur l’extérieur, les traces des coquillages qui s’y accrochaient. Ces panneaux sont traités et utilisés tels quels ou coulés dans de la résine formant de très jolis panneaux muraux. Voilà une manière élégante de finir sa vie…
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Shou Sugi Ban – Méthode du bois brûlé
焼杉板
Shou Sugi Ban ou Yakisugi littéralement ‘cèdre brûlé’ est une méthode ancestrale de conservation du bois utilisée dans le Japon occidental, qui s’est développée à partir du XVIIIe siècle et qui, à l’heure actuelle, est très tendance, qui plus est écologique.
L’art du Yakisugi est lié à un concept esthétique japonais – le wabi-sabi. Wabi représente la plénitude (mélancolique) et la modestie face aux phénomènes de la nature et sabi, c’est l’altération par le temps, la reconnaissance du travail du temps. Dans la même idée, les jardins de pierres sont wabi-sabi dans leur beauté modeste et humble.
Pour obtenir ce bois brûlé, on peut utiliser un chalumeau mais dans la méthode traditionnelle japonaise, on dispose les panneaux de bois séchés en triangle formant un puits dans lequel on brûle une boule de papier journal ou bien ce tunnel est posé sur une petite source de flammes. Ensuite, les résidus de charbon sont grattés à la brosse; le bois est lavé, séché et recouvert d’une bonne couche d’enduit de type huile de lin.
La carbonisation protège le bois de la lumière (protection contre les UV) et lui permet de résister aux insectes, aux intempéries ainsi qu’au feu, et ce pendant 80 ans !
Les panneaux sont plus ou moins carbonisés et offrent ainsi une palette de couleurs et d’effets différents. Ils sont utilisés dans le bardage de maisons, en intérieur, pour des meubles et en éléments de décoration.
Malgré le nom de ‘cèdre brûlé’, il ne s’agit pas de cèdre (qui n’existe pas au Japon) mais du plus grand conifère japonais, le Cryptomeria japonica, espèce assez proche du sequoiadendron, son équivalent américain.
Cette confusion vient de l’utilisation du nom populaire de ‘cèdre japonais’ pour le désigner. Il n’y a pas à dire, rien ne vaut le latin pour se comprendre dans le monde des plantes…
Cette pratique de bois brûlé peut s’appliquer à d’autres bois tels le pin, le chêne, l’érable, le tilleul… mais le cryptomeria requiert les meilleurs qualités.
À bientôt
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