Ce quartier populaire de Tokyo entraîne de suite les voyageurs dans l’esprit japonais, mêlant l’ancien à l’époque moderne. La présence du passé et son évocation est omniprésente. Son emplacement propose les différentes facettes du Japon.

Au Nord, le quartier Asakusa est bordé par un petit parc d’attraction (un peu désuet, il faut l’avouer).
La rivière Sumida longe le côté Est ; c’est la modernité avec la tour de radiodiffusion du Japon, haute de 634m, la Tokyo Sky Tree, la nuit elle s’éclaire de leds de différentes couleurs. À côté, des immeubles de l’ère moderne s’élèvent, mais ils datent un peu (souvent au Japon), et surtout un monument emblématique, le Asahi Beer Hall conçu par le designer français Philippe Starck, représentant un verre de bière avec sa mousse surmonté d’une ‘Flamme d’or’, parfois surnommé l’étron d’or !

À l’Ouest d’Asakusa, c’est le quartier de Ueno, sa gare et son immense parc où de nombreux édificices proposent différentes attractions.
Entre Ueno et Asakusa, on déambule dans le quartier des ustensiles de cuisine, et particulièrement dans la rue Kappabashi où certains magasins sont hauts en couleur.

On peut aussi jouer les affreux touristes en louant un pousse-pousse ; toutefois, ce sont plus souvent de jeunes Japonaises en tenue d’époque qui utilisent ce genre de transport.

Au coeur de ce quartier très vivant, on trouve dans différentes rues et allées de nombreuses boutiques très diverses, des restaurants… La plus conue de ces allées est la rue marchande Nakamise dori, encadrée par la porte Kaminari-mon et la porte Hozo-mon ; d’autres allées sont couvertes.

Le sanctuaire Asakusa, 浅草 – ‘plaine peu profonde’, est au cœur de ce quartier, ce serait le complexe religieux le plus visité au monde avec 30 millions de visiteurs annuels, et vu le monde qui y circule toute la journée, cela semble vraisemblable.
Au Sud, il commence par la majestueuse porte extérieure Kaminari-mon, la porte du tonnerre avec ses 11,7 m de haut ; cette porte de la foudre fut souvent détruite, la dernière reconstruction date de 1960. Sa lanterne rouge, chôchin, pèse 670 kg, c’est une réplique datée de 2003 ; elle serait renouvelée tous les dix ans ; certains affirment que c’est la plus grande lanterne du Japon.
Généralement, un chôchin abrite une bougie, il est constitué d’une structure en bambou recouverte de papier.

La porte intérieure du sanctuaire, au bout de la Nakamise dori, est la porte de la salle aux trésors, le Hozo-mon (ou Nio-mon), qui abrite les sutras sacrés du temple Sensô-ji. Elle fut reconstruite en 1964.

Au Japon, les sanctuaires et les temples se côtoient, mais quelle est la différence ?
On pénètre dans un sanctuaire par un tori, une porte, souvent vermillon, qui annonce l’accès à un lieu sacré. On la traverse par les côtés intérieurs, l’entrée par le centre étant réservé aux kami, les divinités ; ce passage du profane au sacré est important, et certains Japonais sachant qu’ils ne reviendront pas par une même porte, préfère la contourner.
Les sanctuaires shintoïstes, appelés jinjas, sont des lieux de culte où sont vénérés les kami, des divinités qui peuvent être un élément de la nature, un animal, une force créatrice, mais aussi l’esprit d’une personne décédée.
Les sanctuaires et parfois les temples sont protégés, gardés à l’entrée ou à l’intérieur, par une paire de komainu, des statues ressemblant à des lions, parfois simplement à des chiens. La présence de ces féroces gardiens aux muscles saillants est née dans l’Inde ancienne, puis a suivi la route de la soie jusqu’en Chine ; ils seraient apparus au Japon durant la prériode Nara (710-794).
Généralement, un des komainu a la bouche ouverte, ‘a-gyô’, l’autre fermée, ‘un-gyô’, ceci représente le début et la fin de toute chose, imageant le son ‘a-un’, en sanskrit le ‘om’. Ils symbolisent les principes du yin et du yang, la vie et la mort.
Dans d’autres régions, les chiens-lions sont remplacés par des renards, des sangliers, ou des tigres. On le verra sur les articles de Kyoto.
Dans les temples bouddhistes, les gardiens, les niô, sont souvent représentés par des êtres surhumains.

Le sanctuaire Asakusa, Asakusa-jinja ou Sanja-sama (à proprement parlé), est le sanctuaire shinto le plus célèbre de Tokyo ; il a été construit en 1649. Il rend hommage aux trois fondateurs du temple bouddhiste Sensô-ji à côté.


Durant les festivals, de nombreux Japonais viennent prier, et faire des offrandes d’encens ou d’argent, beaucoup en habit traditionnel, que ce soit dans les salles shintoïstes ou les temples bouddhistes.
Il n’est donc pas étonnant de voir ces deux jeunes Japonaises aller prier dans la salle Awashimado construite pendant la période Genroku (1688-1704), dédiée à la déesse shintoïste Awashima Myojin, divinité de la gynécologie.

Le shintoïsme se mêle au bouddhisme, et au milieu d’un sanctuaire shintoïste, on peut aussi admirer différents temples dédiés à différents bouddhas.
Les temples abritent des représentations et des statues bouddhiques. Contrairement au sanctuaire, on ne passe pas par un tori, mais on rentre dans les grands temples par un portique imposant à deux niveaux, le sanmon.
Le temple Sensô-ji, au cœur du sanctuaire Asakusa, est le plus vieux temple bouddhiste de Tokyo ; il a été créé par des pêcheurs qui, en 628, trouvèrent dans leurs filets de pêche une statue de Kannon (nom japonais), le Bodhisattva de la compassion (en Inde, appelé Avalokiteshvara), ils la rejetèrent à plusieurs reprises dans la rivière Sumida, mais ils la repêchaient à chaque fois, ce qui les convertit au culte de Kannon, ils décidèrent alors de lui ériger un temple, qui fut souvent détruit et reconstruit.
‘Kan’ signifie observer et ‘on’ le son, ce bouddha de la compassion est donc à l’écoute des cris du monde. À Sensô-ji, la statue est invisible.


Souvent, les temples ou les objets bouddhistes qui s’y trouvent sont ornés de ce que l’on pourrait penser être une croix gammée, mais c’est en fait un symbole de sagesse et d’harmonie appelé manji, les pas de Bouddha.

De nombreuses offrandes sont versées dans des caisses rectangles en bois ou en métal dont le dessus est ouvert par de nombreux volets afin d’y jeter la monnaie. Plus traditionnel, devant le temple Sensô-ji, on peut admirer une ancienne jarre à offrandes.

Un peu partout dans le sanctuaire ont été érigés d’autres petits temples ou autels bouddhiques.
Ici, c’est le temple Hashimoto Yakusi-Do dédié à Yakushi Nyorai, en sanskrit Bhaisajyaguru, le ‘Maître aux remèdes’ ou le ‘Physicien de l’âme’. C’est le bouddha thérapeute, son culte apparut au Japon au VIIe siècle ; il fait partie des 13 bouddhas de la secte Shingon.

Des statues rendent hommage à certains bouddhas, comme ce Bodhisattva Kannon assis, en bronze, le ‘Bouddha commémoratif des mille jours’. Cette statue a été réalisée en 1720. En Inde, Kannon est souvent représenté avec de multibras, preuve de sa grande compassion.

Caresser la tête du Bouddha Nadi Botokesan est censé apporter guérison et bonnes augures ! Je n’ai pas essayé.

À côté du temple Sensô-ji trône une pagode à cinq étages de 53 m, gojunoto, le temple aux cinq toits. Construite en bois en 942, elle fut maintes fois détruite, la dernière reconstruction remonte à 1973 ; elle est consacrée à la déesse de la miséricorde, Kannon Bosatsu.
Les pagodes à cinq étages sont des temples, chaque étage symbolise un élément du bouddhisme : terre – eau – feu – vent – vide. Résistantes au tremblement de terre, elles sont vulnérables au feu.
On peut aussi découvrir à côté une version réduite, une mini pagode destinée à la copie des sutras. Leurs sommets sont identiques.

Dans ce sanctuaire, on peut admirer, ce qui serait le plus vieux pont de pierre de Tokyo, construit en 618. Dans le ruisseau vivent les fameuses carpes koï, symboles de force et de persévérance par leur aptitude à remonter les cours d’eau et à sauter au-dessus des cascades, elles apportent aussi la paix et la sérénité.

Dans les temples, des prières sont psalmodiées, de l’encens est brûlé dans un jokoro afin de se purifier. Il est conseillé d’y planter ses bâtons d’encens, et avec la main d’attirer les vapeurs vers soi, ces dernières auraient aussi des vertus thérapeutiques.
Le jokoro en cuivre de Sensô-ji est remarquable, il est alimenté en encens toute la journée par les pélerins qui achètent une poignée de bâtons d’encens à un stand à côté.

À l’entrée des sanctuaires shintoïstes et des temples bouddhistes, on trouve toujours une fontaine de purification par l’eau, un chôzuya (ou temizua, temizu signifie ‘eau pour les mains’) ; outre le côté hygiénique du lavage de mains et du rinçage de la bouche, c’est surtout une transition entre le monde profane et le monde sacré.

Le spirituel et le religieux sont, comme souvent, rattachés à un certain ésotérisme, une divination, une lecture du hasard…
Lors des fêtes, des papiers de voeux sont accrochés à des tiges de bambous séchées.

De nombreuses boîtes à tiroirs, l’omikuji, la prédiction, sont placées près des temples, des sanctuaires ; on remue une boîte (souvent en bambou ou en métal) afin d’en faire sortir un papier enroulé qui donne le numéro de la boîte à tiroirs qu’il faut consulter, moyennant une offrande ; si le résultat ne correspond pas à ce que l’on attendait, après avoir fait une prière, on peut plier le papier et l’attacher à une branche de pin à côté ! Le Japon dans sa spiritualité joyeuse.

Le sanctuaire est un lieu idéal pour prendre de belles photos. De nombreuses Japonaises, ainsi que des touristes, louent des yucatas ou des kimonos à la journée, et deviennent l’espace d’une journée une ‘geisha’.

Le 9 et 10 juillet, le sanctuaire Asakusa est très animé car c’est la fête de l’été, le Shiman-rokusen-nichi, durant laquelle une prière en vaut 46 000 ; cette fête est aussi appelée le marché Hoozuki car on y vend des plantes lanternes, des amours en cage, Physalis. On en profite aussi pour se restaurer dans les échoppes installées pour l’occasion.


Le Peuple d’à Côté ne pouvait pas terminer cet article sans évoquer les magnifiques arbres du sanctuaire, et particulièrement le Ginkgo sacré du temple Sensô-ji.
Cet arbre serait issu d’une branche plantée par Minamoto no Yoritomo (1147-1199), le fondateur et le premier shogun du shogunat de Kamakura, adepte de Kannon. Ce ginkgo biloba aurait donc plus de 800 ans, même s’il a été gravement touché lors de la guerre de 1945. On peut distinguer des ‘chichis’ signifiant téton en référence à leur forme, d’où le nom de chichi-no-ki, l’arbre aux mamelles, donné aux vieux ginkgos ; c’est probablement ce qui a donné lieu à des superstitions populaires concernant l’allaitement.


Japon, juillet 2025.
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