De nombreux villages et lieux de randonnée mériteraient d’être visités au Japon, mais il faudrait des mois, voire des années pour découvrir ne serait-ce que les plus beaux. Notre court séjour nous a quand même permis d’entrevoir le Japon traditionnel.
Magome

Magome-juku, à 620 m d’altitude, est à 1h45 au nord de Nagoya, avec un train jusqu’à Nakatsugawa puis le bus Kita Ena.
Magome signifie ‘panier cheval’, car durant l’époque féodale on y laissait ses chevaux avant de continuer sur le sentier de Nakasendô trop escarpé pour eux.
Nakasendô, autrefois connu sous le nom de Kiso Kaidô, ‘la route de la montagne centrale’, est l’ancienne route commerciale qui reliait Kyoto à Tokyo en traversant la vallée de Kiso et ses forêts montagneuses des Alpes japonaises. Ce sentier, sous la surveillance de samouraïs, fut particulièrement emprunté durant l’époque Edo (1603-1868), il était ponctué de 69 villes-relais permettant de se restaurer et de dormir.
Magome était une des villes-relais, c’est désormais la première de la vallée de Kiso. De Magome à Tsumago, la deuxième ville-relais vers Tokyo, il faut parcourir 8 kms ; c’est une randonnée d’une journée très appréciée, car ces deux villages sont particulièrement bien préservés ; il est possible de revenir à Magome avec un bus. Nous n’avons, hélas, pas pu rejoindre Tsumago, notre train ayant pris 3 heures de retard à cause des pluies abondantes, toutefois nous n’avons pas regretté d’être venus à Magome respirer le Japon traditionnel, arpenter sa rue pavée, admirer ses maisons en bois, ses roues à eau, et les petits espaces verts bien entretenus un peu partout.


La vallée de Kiso est réputée pour la qualité de son bois, c’est pourquoi le long d’une façade sont exposés les cinq arbres sacrés de cette vallée, ils forment le groupe Kiso Goboku ou Goshinboku : Koyamaki, pin parasol du Japon, Sciadopitys verticillata – Sawara, faux-cyprès du Japon, Chamaecyparis pisifera – Hinoki, cyprès (faux-cyprès) du Japon, Chamaecyparis obtusa – Asunaro, thuya hiba, Thujopsis dolabrata – Nezuko, thuya du Japon, Thuja standishii.

Un panneau auprès du Kiso Goboku rapporte un des écrits des nobles de la branche Owari du clan Tokugawa à l’époque Edo, avertissant celui qui ne respectait pas l’interdiction d’utiliser ces arbres dont le bois était réservé au gouvernement, aux nobles, et aux sanctuaires, pour construire des bâtiments, fabriquer des baignoires dégageant un délicieux parfum au contact de l’eau chaude… Et l’on peut constater que ça ne rigolait pas à cette époque !

Toutefois cette interdiction d’exploitation permit la régénération de la forêt de Kiso. L’utilisation des chutes de bois fut toutefois autorisée, et permit le développement d’un artisanat encore prisé à l’heure actuelle : magemono, petits objets en bois cintré, boites à riz, peignes, objets laqués… Le musée du jouet de la ville de Kiso propose bien sûr des jouets en bois, mais surtout une éducation et une sensibilisation au bois.
Magome est désormais une ville touristique, mais les commerces ne sont pas omniprésents, et surtout bien intégrés dans le paysage.

En empruntant les ruelles transversales, on découvre un Magome rural avec ses cultures de légumes, de riz…

Les habitants de Magome favorisent la venue des hirondelles en installant des plateformes leur permettant de nicher sur le haut des façades ; ce sont probablement des hirondelles de fenêtre, Delichon urbicum.

Le sentier de Nakasendô fut toujours réputé pour sa beauté, et de 1835 à 1838 les artistes Utagawa Hiroshige et Keisai Eisen en firent une série d’estampes, ukiyo-e, nommée ‘Les soixante-neufs Stations du Kiso Kaidô’.
Pour les amateurs de randonnée, il est possible de louer, sur le sentier de Nakasendô, une chambre dans un ryokan, assurant des souvenirs inoubliables sur ce magnifique parcours offrant une nature variée sur plus de 500 kms, mais aussi des sites religieux et historiques, sans oublier la pause relaxante dans un onsen de certains relais. Avec le pèlerinage sur l’île de Shikoku, c’est, sans aucun doute, un parcours à faire.


Gero
Cette ville thermale se situe dans la préfecture de Gifu, dans les Alpes japonaises, à 1h40 au nord de Nagoya avec le JR Limited express Wide View Hida.
Depuis 1 000 ans, sa source d’eau chaude fait partie des trois plus célèbres du Japon avec Kusatsu au nord-ouest de Tokyo et Arima au nord de Kobe.
La ville de Gero Onsen, autrefois appelée Yushima, aurait été construite entre 947 à 956, à 1 000 m d’altitude, à l’endroit où une source d’eau chaude, issue d’un ancien volcan, jaillissait, mais cette source se serait tarie au XIIIe siècle après un violent tremblement de terre, au grand désespoir des habitants ; quelques années plus tard, une aigrette blanche blessée vint chaque jour soigner ses blessures en contrebas dans la rivière Hida, c’est là que les habitants découvrirent une source, ce qui les incita à construire leur nouvelle ville dans la vallée. La légende raconte que ce héron blanc était en fait une réincarnation du Bouddha de la médecine, Yakushi Nyorai, Bhaisajyaguru, qui informa ainsi les habitants de l’emplacement de la souce chaude ; l’oiseau guéri s’envola vers la montagne sur un grand arbre consacré au Bouddha, alors les villageois y construirent le temple Onsen-ji.

L’aigrette est devenue le symbole de Gero, on la retrouve en statue devant la gare, et même sur les plaques d’égouts, toutefois elle partage son succès avec la mascotte de Gero, la grenouille que l’on retrouve un peu partout en statues, et aussi en plaques d’égouts. Le mot grenouille en japonais se prononce comme le mot retour : retour de l’âme dans un lieu, retour à la maison sain et sauf, retour d’argent dans un portefeuille, c’est un symbole de bonne fortune.


Installé dans la vallée, le village connu un grand succès avec ses bains de pieds, ashiyu, et ses nombreux onsen, grands bains souvent installés dans un environnement naturel ; des auberges de style ryokan virent le jour avec leur propre onsen ; la ville créa un pass qui permet d’aller d’un onsen à l’autre.

Le temple Onsen-ji se mérite après avoir gravi 173 marches au milieu d’un cimetière.

Ce temple bouddhiste de l’école Myoshinji de la secte Rinzaï est voué au Bouddha de la guérison, Yakushi Nyorai qui s’était transformé en aigrette à Gero ; on retrouve, comme souvent dans les temples bouddhistes, les statues des bodhisattva Jizô et Kannon.



Du côté ouest de Gero, au bord de la route, on découvre derrière une clôture en pierre des ‘cèdres’ centenaires, Cryptomeria japonica, puis un torii en pierre, porte d’entrée du sanctuaire Wakamiya Hachiman qui abrite aussi le sanctuaire Wakamiya Inari.

Hachiman est le dieu de la guerre et protecteur des samouraïs ; ce sanctuaire est gardé par deux chiens-lions, Komainu.
Sur les plaquettes en bois entourant le cœur devant la salle de culte, il est noté sur la droite ‘Un grand rêve devenu réalité’ et sur la gauche ‘Bonne santé et accouchement en tout sécurité’, tout un programme !

Dans le bâtiment à côté de la salle de culte, on a aperçu par une petite fente un dragon entreposé ; dormait-il jusqu’à sa prochaine sortie en aôut à l’occasion du festival du Feu du Dragon qui se déroule à Gero pendant 4 jours ?

Dans ce sanctuaire shintoïste, il y a comme souvent, un sanctuaire voué à Inari, la divinité du riz, de l’agriculture, du commerce… protégée par ses gardiens-renards, les Kitsune ; ici, les statues des renards sont blanches, symbole d’invisibilité et de métamorphose, rappelant leur intelligence et leur ruse, la couleur blanche est aussi la couleur du riz, symbole de pureté et de bon présage.

Japon, juillet 2025.
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