Le genre Picea est inclus dans la famille des Pinaceae et dans la sous-famille des Piceoideae dont il est le seul représentant.
Pinaceae est divisée en 4 sous-familles selon les caractères des cônes femelles et des graines : Pinoideae – Piceoideae – Laricioideae – Abietoideae.
La sous-famille Piceoideae se distingue par des cônes sans umbo (protubérance), aux écailles à base large.
En 1753, Carl von Linné classa les sapins – Abies, les épicéas – Picea et les pins – Pinus, dans le genre Pinus mais ces espèces sont devenues des genres à part entière.
Ce genre compte environ 35 espèces (chiffre très controversé) assez semblables qui sont souvent confondues avec celles du genre Abies même si les parents les plus proches seraient les Pinus et les Cathaya.
Hémisphère Nord dans des régions montagneuses tempérées et des régions boréales.
Cette famille de conifères est apparue sur terre au Crétacé (145 à 66 millions d’années), quant à la sous-famille des Piceoideae, les plus anciens fossiles de pollen trouvés en Amérique du Nord dans le Montana sont datés du Paléocène (66 à 56 millions d’années).
Le genre Picea est monophylétique (issu d’un seul ancêtre) et des recherches de phylogénie (classification selon leur histoire évolutive) moléculaire et de biogéographie effectuées en 2006 ont constaté que les espèces breweriana puis sitchensis seraient à la base des épicéas ce qui confirme une origine nord-américaine.
En France, on ne trouve naturellement que Picea abies – l’épicéa commun ou épicéa de Norvège, dans les montagnes des Alpes, du Jura et des Vosges où il occuperait 5% des forêts.
– Picea A.Dietr.
Ce genre fut décrit et nommé en 1824 par le botaniste allemand Albert Gottfried Dietrich.
Le nom vient du latin pix signifiant ‘poix’ – ‘arbre à poix’ en référence à la résine.
– Autrefois, on le nommait ‘pesse’ de l’ancien français pèce puis on le nomma épicéa du latin Picea, nom commun utilisé en Europe.
– Épinette est le nom employé au Canada en référence aux aiguilles épineuses, piquantes.
– Sapinette est le nom commun de certaines espèces d’épicéas. Certaines sont même appelées ‘sapin’ ce qui apporte un peu plus de confusion entre ces deux genres et pour exemple le sapin bleu – Picea pungens, le sapin de Norvège – Picea abies.
– Spruce est le nom anglais.
Essence principale de la forêt boréale, ils occupent aussi la majorité de la forêt alpine dans des montagnes de 1 500 à 2 200 m d’altitude (côté ubac, versant nord s’opposant à l’adret) ; aux USA dans le Colorado, Picea engelmannii croît jusqu’à 3 à 3 500 m ; en Himalaya, Picea smithiana se développe entre 2 000 à 3 600 m.
Même s’ils apprécient les sols frais et acides, certaines espèces tolèrent aussi les sols calcaires.
On les trouve généralement de l’ombre au mi-soleil mais à l’âge adulte ils sont plutôt héliophiles (ami du soleil). Les jeunes plantules ont besoin d’ombre pour bien se développer.
Ils supportent mal la sécheresse et la pollution hormis exceptions tel Picea pungens concernant la pollution.
Leurs racines traçantes les rendent sensibles aux grands vents.
Ils présentent une grande tolérance au gel et même jusqu’à -40°C pour certaines espèces telle Picea pungens, toutefois les épicéas se révèlent assez sensibles aux gelées printanières.
Le genre Picea se différencie des Abies par la forme et la fixation des aiguilles et par les cônes femelles pendants qui à maturité ne se désagrègent pas sur l’arbre mais tombent entièrement au sol après toutefois avoir ouvert les écailles pour laisser échapper les graines.
Les épicéas sont des arbres très résineux.
– La croissance souvent assez rapide se révèle lente pour certaines espèces telles glauca, rubens, pungens ‘Kosteriana’…
La longévité de 150 ans peut atteindre jusqu’à 400 ans, voire plus, elle est due à une régénération végétative très active ; un Picea engelmannii aurait été répertorié à environ 850 ans ce qui est un record.
Certains pensent que le plus vieil épicéa se trouve en Suède, il est nommé Old Tjikko et on lui attribue l’âge de 9500 ans mais il s’agit en fait d’un spécimen issu d’un bosquet de clones (issus d’une reproduction végétative) et si la souche initiale porte bien cet âge ce n’est pas le cas des clones issus de cette souche. Voir l’article sur le record des arbres.
– Ces arbres atteignent de 30 à 70 m et rarement 90 m. Les plus grands, avec plus de 95 m, ont été répertoriés aux USA dans le parc d’état de ‘Prairie Creek Redwoods’. Le plus volumineux des USA serait l’épinette de Sitka – Picea sitchensis avec plus de 75 m et un diamètre de 4,55 m, il se trouve non loin de la ville de Seattle ; en volume de bois, c’est le deuxième plus imposant de la famille des Pinaceae après le sapin de Douglas – Pseudotsuga menziesii. Au Canada, au Sud-Ouest de l’île de Vancouver, une épinette de Sitka culmine à plus de 95 m avec un diamètre de 2 m, elle est surnommée ‘le géant de Carmanah’ et aurait de 700 à 800 ans.
Le tronc est droit, le port conique ou colonnaire (particulièrement dans les régions très froides). Contrairement aux sapins, la cime à dominance apicale (sommet) conserve sa flèche. Le tronc dépasse rarement les 1,50 m de diamètre.
– L’enracinement est traçant.
– L’écorce devient épaisse et écailleuse à maturité, grise à brun-rougeâtre avec parfois des vésicules résineuses.
– Chaque année des branches se développent en verticilles (organes insérés autour d’un axe) à partir de bourgeons (6 en général) situés sur un nœud à la base de la tige principale terminée par un bourgeon. Le nombre d’embranchements permet donc d’estimer l’âge de l’arbre. Selon les conditions d’environnement, les embranchements sont plus ou moins espacés.
Les branches généralement assez courtes sont horizontales, aux extrémités souvent redressées. Les branches basses parfois se marcottent.
– Un seul type de rameau – auxiblaste (rameau long à croissance indéfinie), aux canaux sécréteurs de résine.
Les rameaux peuvent être retombants tels Picea breweriana et Picea smithiana (l’épicéa pleureur de l’Himalaya). Ils peuvent être pubescents tels Picea orientalis, Picea smithiana var. nepalensis…
Selon l’espèce, les jeunes rameaux présentent des couleurs différentes : jaunes, rosés… Le bourgeon terminal est protégé par un ensemble d’écailles qui forme comme un petit chapeau avant de tomber lors du déploiement du rameau et donc des feuilles.
– Les feuilles persistantes de 5 à 10 ans sont des aiguilles sessiles (directement sur un axe), plus ou moins longues – de 6 à 8 mm pour les plus petites avec Picea orientalis, aux plus grandes de 3 à 5 cm avec Picea smithiana. Disposées autour du rameau, elles sont plus ou moins carrées, rigides, du vert au bleu selon l’espèce, avec présence ou pas de stomates (petits orifices sur l’épiderme), elles sont parfumées. Les aiguilles de Picea se terminent par une pointe plus ou moins piquante alors qu’Abies a deux pointes (en général) qui ne piquent pas.
Les aiguilles sont attachées à la tige par un petit segment foliaire qui vient avec si l’on arrache l’aiguille contrairement au sapin – Abies dont les aiguilles enlevées laissent une marque ronde en forme de ventouse sur la tige.
– Ce sont des arbres monoïques (fleurs mâles et femelles séparées sur la même plante) qui initient leurs organes sexuels l’année précédente de leur développement. Les conifères en tant que gymnospermes sont des plantes à graines nues, c’est-à-dire que l’ovule n’est pas enclos dans un ovaire contrairement aux plantes à fleurs, les angiospermes. C’est pourquoi le terme fleur ou inflorescence (grappe de fleurs) chez les conifères sont inappropriés. Les éléments reproducteurs se développent sur des feuilles modifiées, des écailles et des bractées (organes intermédiaires entre la feuille et le pétale) appelées sporophylles. Ces écailles se regroupent autour d’un axe et forment ce que l’on appelle un strobile.
Leur maturité sexuelle se situe entre 20 à 30 ans.
∙ Les cônes mâles regroupés se développent en position axillaire en strobiles rouges en général devenant jaune-orangé. Ils sont matures au printemps et après l’émission de pollen ailé les ‘inflorescences’ mâles tombent. La pollinisation est assuré par le vent – anémophile.
∙ Les longs cônes femelles (jusqu’à 18 cm pour smithiana) se trouvent sur les branches supérieures en position de bourgeon terminal. Les bractées généralement persistantes sont cachées entre les écailles.
En savoir plus sur leur Sexualité.
– D’abord dressés, les cônes sont pendants à maturité à l’automne de la même année, de couleur jaune ou rouge parfois bleu clair (d’où les noms vernaculaires de différentes espèces). Les écailles coriaces en forme de losange s’ouvrent pour laisser tomber la graine mais restent sur l’arbre au moins jusqu’à l’hiver puis le cône tombe d’une seule pièce.
Selon l’espèce, la taille des cônes est bien différentes : 2 cm pour mariana – 5 cm pour glauca – 8 cm pour pungens – de 15 à 20 cm pour abies…
– Les petites graines ailées sont dépourvues de vésicules résinifères. Les semences issues d’autofécondation sont rarement viables. La dissémination est assurée par le vent ou les animaux et particulièrement les oiseaux.
– Multiplication par graines et marcottages.
– Les différentes espèces d’épicéas sont parfois difficiles à distinguer et d’autant plus qu’elles s’hybrident facilement.
– Différentes variétés et au moins 150 cultivars au port nain (tels Picea pungens ‘Glauca globosa’ et Picea glauca ‘Conica’) ou pleureur et aux aiguilles parfois bleutées tel le cultivar le plus populaire Picea pungens ‘Glauca Koster’ obtenu par le pépiniériste néerlandais Arie Koster en 1885.
– De nombreux champignons vivent en symbiose avec les épicéas et pour les plus connus : les bolets – Boletus edulis – Boletus pinophilus.
– Ennemis : araignées rouges, pucerons, charançons, champignons… Les maladies sont souvent dues à de mauvaises implantations dans des zones trop chaudes, trop sèches ou manquant d’altitude.
∙ L’Ips typographus – le bostryche typographe est un insecte coléoptère de la famille des scolytidés particulièrement redouté dans les pessières qu’il affectionne afin de pondre ses œufs sous l’écorce des arbres qui deviennent ainsi sensibles aux champignons. Dans le parc national de la Bavaroise en Allemagne, il avait été planté des épicéas en monoculture : erreur fatale, la nature aime la diversité ! Une attaque importante de bostryches a décimé les populations d’épicéas apportant un spectacle désolant. Certains souhaitaient éradiquer absolument l’insecte, d’autres préféraient laisser faire l’œuvre destructrice de l’insecte afin de mettre fin à cette monoculture ; c’est cette deuxième option qui fut choisie avec grande sagesse car quelques années plus tard, ce qui était devenu un désert se repeupla de nouvelles essences diverses comme il se doit dans une forêt naturelle.
∙ Le chermès de l’épicéa est une sorte de puceron du genre Adelges dont les nymphes se nourrissent à la base des aiguilles provoquant des gonflements de tissus qui forment un pseudo-cône ressemblant à un ananas ; la croissance de la tige peut continuer au-delà du pseudo-cône mais l’infection par de nombreuses galles peut nettement sensibiliser l’aspect et la santé de l’arbre.
Un peuplement d’épicéas est une pessière.
– Sylviculture
C’est un arbre de reboisement.
L’épicéa est considéré par les forestiers comme un arbre financièrement rentable, en Europe c’est le conifère le plus important économiquement. Picea sitchensis et Picea abies sont les espèces les plus utilisées, dans certaines régions françaises abies a été remplacé par sitchensis qui est plus productif.
Malgré un pouvoir calorifique convenable, les résineux ne sont pas conseillés comme bois de chauffage et si l’on doit vraiment choisir entre sapin et épicéa, on choisira le sapin moins résineux.
Le bois blanc à blanc rosé, odorant, est de qualité : résistance et élasticité. Une fois coupée sa couleur blanche ne se distingue pas de celle du sapin et il est d’ailleurs parfois ainsi nommé commercialement.
Charpenterie – menuiserie – panneaux de fibres – coffrage – poteaux électriques…
Les coffres des horloges comtoises dans le Jura sont confectionnées avec le bois de l’épicéa commun – Picea abies.
Toujours dans le Jura, le fromage Mont d’Or, très coulant, est ceinturé par de l’écorce d’épicéa et vendu dans des boîtes en bois d’épicéa.
Très souvent employé pour l’industrie papetière.
Avant l’aluminium, le bois de l’épinette de Sitka servait pour la fabrication d’avions militaires aux USA. Les racines étaient autrefois utilisées pour fabriquer des chapeaux et des paniers.
En archerie, on en fabrique des flèches.
Leur bois est apprécié en lutherie (piano – guitare – violon). Pour fabriquer la table d’harmonie de ses violons, il est raconté que Antonio Stradivari allait taper sur le tronc des arbres pour repérer celui qui aurait le meilleur son, l’épinette rouge – Picea rubens – était son bois de prédilection, cette espèce est d’ailleurs appelée ‘épicéa de résonance’.
– La distillation de la résine, la poix, est obtenue par incision de l’écorce et fournit l’essence de térébenthine utilisée comme solvant. Cette résine molle, raffinée par chauffage est connue sous le nom de ‘térébenthine du Jura’ ou ‘poix de Bourgogne’ – Pix burgundica, elle offre aussi diverses utilisations médicinales.
– Médicinales
Antiseptique – antibiotique – antiscorbutique – antirhumatismale.
Le miel très foncé obtenu par les abeilles à partir du miellat de pucerons est reconnu comme un très bon antiseptique des voies respiratoires ainsi que les huiles essentielles.
La résine favorise la digestion et évite le mal de mer.
Un bain accompagné d’une décoction d’aiguilles est stimulant, dépuratif et soigne les troubles nerveux et rhumatismaux.
Autrefois une bière préparée avec les bourgeons pouvait aider à soigner la tuberculose.
– Alimentaire
Les Amérindiens consommaient la résine de l’épinette noire – Picea mariana – comme gomme à mâcher, les colons préféraient l’épinette blanche – Picea glauca. L’écorce était consommée fraîche ou pas. Les jeunes pousses consommées crues étaient mélangées à de la salade.
Au Québec, il est encore fabriqué de la bière d’épinette et la plus connue est la bière ‘Marco’.
– Écologie
De nombreux oiseaux sont friands de leurs graines. Les lapins et les écureuils peuvent s’attaquer à l’écorce des jeunes arbres. Les jeunes pousses sont source de vitamine C et sont appréciées du wapiti – Cervus canadensis.
Sites de nidification.
– Ornementales
En forêt, en isolé ou en bonsaï.
Il est très utilisé comme sapin de Noël même si on lui préfère de plus en plus souvent le sapin – Abies qui perd moins rapidement ses aiguilles mais qui ne sent pas aussi bon. (voir : sapin de Noël en fin d’article sur le sapin)
– Symboles
∙ Les Celtes le considéraient comme un ‘Arbre de vie’, d’autres comme un arbre protecteur.
Dans le calendrier celtique, Picea abies représente le 24 décembre, symbolisant la naissance.
∙ Les Grecs le consacraient à Artémis, déesse-lune des enfantements et de la protection de la femme.
∙ Ils symbolisent le solstice d’hiver.
– Arbres officiels
∙ Picea sitchensis : arbre officiel de l’Alaska.
∙ Picea pungens : arbre officiel de l’état du Colorado en 1939.
– Certaines espèces rares sont sur la liste rouge des espèces menacées tel l’épicéa de Serbie – Picea omorika.
– Envahissant : dans une forêt, tôt ou tard, l’épicéa va remplacer les essences existantes. Il va grandir sous leur protection mais un jour, il les supplante souvent en taille. D’autre part, avec ses épines qui tombent au sol, il a tendance à l’acidifier, il a été constaté que les lombrics y sont 25 fois moins nombreux que sous des chênes.
Ces inconvénients ont fait une mauvaise réputation à l’épicéa concernant la biodiversité mais ses nombreuses qualités en font une essence très appréciée.
– En Alaska, il a été constaté que les épicéas poussent trois fois plus vite qu’ailleurs ; le responsable est l’ours brun qui délaisse jusqu’à 3 tonnes de cadavres de saumons !
Mise à jour le 14 juin 2023.