Les chênes sont considérés comme des plantes à fleurs – des angiospermes, et pourtant, on ne peut pas dire qu’ils se font remarquer par leurs fleurs femelles insignifiantes et difficiles à repérer ou par leurs fleurs mâles beaucoup plus visibles mais qui sont loin de provoquer l’admiration !
Ils font partie du genre Quercus, de la famille des Fagaceae, famille du châtaignier – Castanea et du hêtre – Fagus, pour les plus connus. Les Fagaceae se sont diversifiés, il y a 65 millions d’années, durant le Paléocène ; on trouve la présence des premiers chênes à glands durant l’Éocène, il y a 54 millions d’années, ce qui est relativement tardif à l’échelle de l’apparition des premières plantes sur terre (470 MA) mais suffisamment ancien pour présenter des caractères archaïques.
Sous-genres : voir à la fin du document.
Cette famille est facilement reconnaissable par son fruit à cupule (petite coupe ligneuse ou écailleuse entourant la fleur puis le fruit) d’où le nom de Cupulifère qui lui est aussi attribué.
Jusqu’en 2017, le genre Quercus était composé de 2 sous-genres – Euquercus et Cyclobalanus mais une nouvelle classification a vu le jour grâce au travail d’un collectif de scientifiques mené par le suédois Thomas Denk qui ont déterminé deux sous-genres différents : Quercus et Cerris (voir en fin de document).
Le genre comprendrait 423 espèces (classification 2017).
Ils se développent dans les régions tempérées à subtropicales de l’hémisphère Nord.
Les plateaux du Mexique et de l’Amérique Centrale regroupent une grande diversité d’espèces ce qui est probablement dû aux anciennes variations climatiques rigoureuses. En Europe, lors de la dernière glaciation, à la fin du Pléistocène (2,588 Ma à 11 700 ans), les chênes se sont réfugiés dans la péninsule ibérique, l’Italie et le sud des Balkans. On doit leur réintroduction en France grâce aux geais des chênes – Garrulus glandarius. 7 000 ans plus tard, l’hybridation interspécifique leur a permis à nouveau de coloniser l’Europe entière.
Des chênes chevelus, des chênes verts et des chênes blancs sont originaires d’Europe ou apparentés :
alnifolia – aucheri – brantii – canariensis – castaneifolia – cerris – coccifera – dalechampii – faginea – frainetto – hartwissiana – ilex – infectoria – ithaburensis – libani – look – lusitanica – macranthera – petraea – pontica – pubescens – pyrenaica – robur – rotundifolia – suber – trojana – vulcanica.
Quelques exemples : en Europe, Quercus rubra est une des premières espèces américaines à être introduite, probablement vers 1691 ; les premiers importateurs de cette espèce en France seraient Barin de la Galissonnière et Duhamel du Monceau. Les espèces nigra et phellos ont été introduites en Europe en 1723/4. De nombreux chênes américains ont été décrits par André Michaux puis introduits en Europe (et particulièrement en France) par son fils François André Michaux vers 1800 ; d’autres botanistes participèrent aux introductions européennes tel le botaniste écossais John Fraser qui herborisa en Amérique en 1785 (imbricaria) mais aussi par le botaniste allemand Karl Theodor Hartweg (agrifolia) en 1849 et bien d’autres…
– Quercus L.
Quercus est un nom issu du vieux latin désignant le chêne, nom donné par Linné en 1753.
Certains pensent que l’origine du nom vient du celte ‘kaerquez’ signifiant ‘bel arbre’ ou ‘arbre par excellence’. Une autre version parle d’une racine latine venant du mot indo-européen ‘perkwus’ du lituanien ‘Perkunias’ qui est considéré comme le dieu de l’orage mais aussi des chênes.
– Chêne est le nom de l’ancien français ‘chasne’ du gaulois cassanos qui viendrait d’une langue préceltique désignant cet arbre.
– Certains arbres portent le nom vernaculaire de chêne alors qu’ils n’appartiennent pas à ce genre mais souvent en référence à une qualité du bois similaire, tels le Grevillea robusta ou le filao…
– Oak est le nom anglophone du sanskrit signifiant ‘porte’ en référence à la symbolique du chêne : une porte ouvrant sur les deux extrémités de l’année, bouclant ainsi le cycle annuel ou bien une porte reliant le monde du haut par sa cime et le monde du bas par ses racines profondes. Certains noms vernaculaires font référence à l’animal qu’il nourrit : bear oak – turkey oak…
– Encino est le nom espagnol le désignant.
Les noms vernaculaires (populaires) français, anglais et espagnol sont similaires pour différents chênes mexicains.
Encino de asta est le nom espagnol signifiant littéralement ‘chêne à corne’ ? ou parfois écrit ‘Encino del Asta’ et de ce fait pourrait être en référence à une montagne mexicaine du même nom située sur la partie occidentale du Mexique.
– En botanique, on ne modifie jamais un nom (genre ou espèce) qui a été officialisé même s’il comporte des erreurs orthographiques ou des caractéristiques erronées. On retrouve ce genre d’erreurs chez les chênes et pour exemple le Quercus canariensis, chêne des Canaries dont le nom donné en 1809 par Carl Ludwig von Willdenow rappelle une origine géographique erronée due à une erreur d’étiquetage, d’ailleurs ce chêne, à l’heure actuelle, du fait des activités humaines, n’est même plus présent aux Canaries où il s’était naturalisé ; autre exemple avec Quercus rysophylla que certains auteurs souhaiteraient orthographier rhysophylla avec un h comme il se devrait mais en botanique l’orthographe initiale est toujours conservée même erronée !
Souvent présents dans les plaines et les collines, on les retrouve toutefois dans toutes les situations : montagnes, dunes de sable, tourbières, garrigues, bords d’étang, de marécage…
En France, le chêne est l’arbre le plus répandu, 30 à 40% des forêts ; hormis en région méditerranéenne, les chênes forment souvent des forêts mixtes avec d’autres feuillus.
Généralement, ils s’exposent en plein soleil mais certains tolèrent une ombre partielle ; ils préfèrent des sols neutres à acides, profonds, souvent pauvres, bien drainés ; certaines espèces tolèrent un sol calcaire : coccifera – buckleyi – canariensis – faginea – gambelii – ilex – leucotrichophora – macranthera – macrocarpa – pubescens…
Les conditions actuelles de déforestation, de changements climatiques et l’apparition de nouvelles maladies mettent en danger les végétaux ; les chênes malgré leur bonne implantation dans le monde ne sont pas à l’abri et 31% des espèces seraient actuellement menacées d’extinction.
– Leur croissance est en général lente mais certaines espèces ont un développement plus rapide surtout à l’état juvénile. La longévité peut varier de 200 à 2 000 ans selon l’espèce.
– De tailles variées, on trouve de petits buissons d’à peine 0,30 cm sur 1,50 m tel l’espèce vaccinifolia ou des arbustes tel coccifera avec 3 à 6 m ou des arbres jusqu’à 55 m au maximum pour les plus grands tel Quercus robur – le chêne pédonculé des régions tempérées d’Europe.
– De nombreuses espèces ont un tronc assez court avec des branches basses persistantes.
Plusieurs espèces, selon les conditions, peuvent développer de multi-troncs (ilex – buckleyi…).
– Les branches des grands arbres sont souvent massives.
– L’écorce est généralement grise et sillonnée, plus ou moins crevassée.
L’écorce liégeuse de l’espèce suber est remarquable ; l’espèce variabilis (bungeana) produit aussi une écorce liégeuse, gris argenté.
– Certaines espèces produisent des racines à pivot puissant et un chevelu racinaire peu abondant mais d’autres développent de nombreuses racines superficielles qui empêchent toute transplantation.
Les radicelles vivent en symbiose avec des champignons ce qui explique leur tolérance pour des sols pauvres.
– Ils rejettent de la souche et du tronc ; quelques rares espèces sont drageonnantes (tige souterraine pouvant développer des bourgeons aériens) telles coccifera – pyreanica – faginea… et peuvent repartir après un incendie.
– Les bourgeons sont protégés par des écailles brunes recouvertes d’un enduit cireux – la propolis qui limite la déshydratation et toutes infections. La propolis est une résine antiseptique et cicatrisante recouvrant les bourgeons de certains arbres, les abeilles la récoltent et la déposent sur le devant de la ruche pour l’assainir et la calfeutrer.
– Le feuillage est caduc ou persistant pour les chênes sclérophylles (tolèrant la sécheresse) et dans ce cas renouvelé petit à petit tous les 2 à 3 ans. Les feuilles caduques sont souvent marcescentes (demeurent sèches et brunes sur la plante pendant l’hiver). Les stipules (appendices membraneux) sont généralement rapidement caduques. En position alterne ou spiralée, elles présentent un aspect très différent selon l’espèce : entières ou plus ou moins lobées, crénelées (crantées, découpées), dentées et/ou épineuses ou pas, et enfin de textures variées. Cette diversité se retrouve dans les noms populaires attribués à certains chênes : chêne à feuilles de châtaignier, d’érable, de hêtre, de houx, de saule, de bambou, de laurier, de myrte, d’aulne, de néflier, de myrtille…
Feuillage caduc Feuillage persistant
Climats tempérés Régions tropicales et subtropicales, méditerranéennes
Tailles plus grandes Tailles plus petites
Feuilles divisées Feuilles entières
en lobes ou crénelées parfois dentées et/ou à dents épineuses
Le chêne asiatique Quercus dentata possède les plus grandes feuilles dans le monde de chênes, de 10 à 40 cm de long (40 cm pour la variété grandifolia) ; toutefois l’espèce macrocarpa d’Amérique du Nord n’est pas mal non plus avec ses 15 à 30 cm de long.
À l’automne, certaines espèces (souvent américaines) arborent de magnifiques couleurs rouges.
– Les fleurs se développent au printemps, en même temps que la feuillaison pour les chênes caducs.
Les fleurs mâles et femelles vivent séparées mais sur la même plante – on les dit monoïques. Généralement la maturité sexuelle est atteinte à l’âge de 20 à 25 ans, voire 50 ans.
D’aspect insignifiant, les fleurs ne font rien pour attirer le client – les insectes ou les oiseaux – et se contentent du vent pour assurer la pollinisation dite anémophile (vent), toutefois certaines espèces peuvent être pollinisées par des insectes – entomophiles, c’est le cas par exemple de l’espèce ilex.
∙ Les inflorescences (grappes de fleurs) mâles sont en chatons regroupés, pendants, plus ou moins longs, à l’aisselle des feuilles de l’extrémité des rameaux de l’année précédente. Les fleurs mâles tout d’abord protégées par des bractées (organes intermédiaires entre la feuille et le pétale) caduques sont minuscules et jaunâtres ; elles sont apétales et réduites à un calice membraneux d’une seule pièce qui se divise en 4 ou 5 dents, et à 4 à 10 étamines courtes ; le nombre d’étamines est un critère d’identification.
∙ Les fleurs femelles généralement solitaires ou parfois regroupées par 2 ou 3, sont dressées à l’aisselle des feuilles sur la partie supérieure des rameaux de l’année. Elles apparaissent après les inflorescences mâles ce qui exclue ainsi une autofécondation – les plantes ont horreur de la consanguinité et l’évitent au maximum. Elles sont minuscules et protégées par une sorte d’involucre (collerette d’écailles ou de bractées) accrescent (après fécondation, continue de se développer jusqu’à faire partie du fruit) formé d’écailles imbriquées, qui deviendra la future cupule du gland fixée ou pas sur un pédoncule (axe portant une fleur ou une inflorescence). Verdâtres, elles sont apétales et réduites à un calice gamosépale (sépales soudés) et à un pistil à 3 à 6 carpelles (loges) portant 3 à 6 styles (tiges reliant l’ovaire au stigmate) rougeâtres plus ou moins longs, l’ovaire est infère (pièces florales insérées au-dessus de lui). On peut parfois trouver la présence de staminodes (étamines atypiques et surtout stériles).
En savoir plus sur la Sexualité des plantes.
– Le fruit est un akène (fruit sec indéhiscent dont la graine unique n’est pas soudée à son enveloppe) appelé gland, fixé dans une cupule composée des écailles de la fleur ; il est pédonculé ou pas. Il est mature en 6 ou 18 mois selon l’espèce, André Michaux dans son ouvrage ‘Histoire des chênes d’Amérique’ nous explique avoir constaté que les fleurs femelles de certaines espèces de chênes ne sont prêtes à la fécondation que l’année suivante de leur apparition d’où la formation de gland en 18 mois au contraire de la fructification annuelle en 6 mois. Le gland contient 1 graine. La dissémination est endozoochore (après un transit intestinal chez les animaux) et dyszoochore (stockés, parfois oubliés par les animaux). En Europe, avec le geai, l’écureuil roux assure une bonne propagation naturelle.
Les écailles de la cupule peuvent être petites et appliquées, d’autres chênes proposent de longues écailles assez épaisses.
– La production de graines est variable, il se produit une très bonne récolte tous les 2 ou 3 ans ou tous les 4 à 7 ans ; durant ce laps de temps, l’arbre peut ne pas produire de semences ou très peu. Certains botanistes pensent que ce genre d’arbre (comme d’autres d’ailleurs) aurait adapté la production de glands en régulant ainsi les populations de mammifères tels les sangliers et les cochons friands de leurs fruits ; après des années de disette, la population des sangliers s’étant amoindrie, l’arbre produit une grosse quantité de glands qui ne seront donc pas tous consommés faute de convives suffisants et auront ainsi une chance de se développer. D’après Jean Henri Fabre, les arbres dépensent énormément d’énergie pour produire des fruits au détriment d’une production de bois nécessaire à l’édifice ; l’alternance permet donc d’équilibrer les besoins de l’arbre et son but de procréer. La régulation des sangliers devient donc une conséquence positive.
– Multiplication par graines qui germent très rapidement, bien souvent dès avoir touché le sol. Toutefois, au vu du laps de temps entre deux productions de semences, on peut favoriser le bouturage et le greffage. Les glands de l’espèce nigra, contrairement aux autres espèces, ne germent pas facilement.
– Hybrides, sous-espèces, nombreuses variétés et cultivars.
Plusieurs variétés et sous-espèces de chênes ont été déterminées par les botanistes mais il s’est révélé qu’elles n’étaient en fait que des formes géographiques légèrement différentes et qu’il n’était donc pas judicieux de les distinguer.
Les chênes de sections différentes ne s’hybrident pas contrairement à ceux d’une même section. Les scientifiques ont remarqué que malgré leur facilité à s’autoféconder entre espèces d’une même section, les chênes avaient tendance à conserver la morphologie propre à l’espèce ; en 1918, Johannes Paulus Losty nomma cette caractéristique le syngaméon, du grec ‘syngamein’ – se marier avec. Cette tendance à l’hybridation chronique entre les parents et les croisements permet l’échange de gènes réguliers facilitant leur adaptation tout en conservant leurs caractéristiques propres.
– Ennemis
∙ Sa forte teneur en tanin le protège assez souvent des insectes et des champignons, toutefois il peut subir des attaques de champignons : oïdium provoqué par Microsphera alphitoides et flétrissement dû à Ceratocystis fagacearum, la ‘mort subite du chêne’ est due à Phytophthora ramorum.
∙ Le chêne peut subir aussi des attaques d’insectes suceurs ou fouineurs qui peuvent dangereusement le sensibiliser.
∙ C’est la nourriture de nombreuses larves de papillons.
∙ La présence de galles sur les différentes parties de l’arbre est due aux piqûres d’insectes du type cynips, sorte de petites guêpes de la taille d’un moucheron. À chaque espèce de cynips correspond une sorte de galle : en sphères – en petites lentilles visqueuses… Le but de l’insecte est de pondre ses œufs dans la zone de piqûre ; une réaction chimique entre le tissu végétal et la larve de ces guêpes produit un tissu anormal et rond ; les larves sont ainsi protégées dans la galle et s’en nourriront !
Les utilisations sont différentes selon l’espèce.
– Sylviculture
∙ Une forêt de chênes est une chênaie. Elles ont partout été contrôlées par l’homme, souvent par la gestion d’incendies.
Une forêt de chêne-liège s’appelle une suberaie (voir l’article sur cette espèce en bas de document).
∙ Plusieurs espèces permettent la restauration des sols.
∙ Le bois est dense, très résistant et très dur. En France, c’est le bois le plus durable.
La France serait le second producteur mondial après les USA, talonné par l’Ukraine.
Jugé imputrescible, son bois était autrefois utilisé pour la marine et pour les roues des moulins à eau ; il est idéal pour les pilotis.
En 1669, en France, Colbert lança un vaste programme de plantation afin de subvenir aux besoins de bois pour la marine, et particulièrement avec les espèces robur et petraea.
Au Québec, les forêts de chênes pâtirent de l’exploitation de leur bois pour la construction des bateaux destinés à la couronne d’Angleterre et pour la fabrication des parquets de nobles anglais.
Selon la qualité, il est utilisé pour la charpente et les clôtures ; les bois de meilleure qualité sont réservés en ébénisterie, en menuiserie et en tonnellerie – les propriétés chimiques du bois de chêne ont un effet sur la vinification – chêne pédonculé (robur) et chêne rouvre (petraea) sont les deux espèces favorisées. On l’a beaucoup utilisé pour les traverses de chemin de fer. Les bois de qualité médiocre sont transformés en cagettes (nigra).
Avec l’écorce de Quercus suber, on fabrique des bouchons et des semelles de chaussures en liège. La culture de l’espèce variabilis à l’écorce liégeuse est limitée en Chine sur de petites étendues car son rendement est nettement moins important et de qualité inférieure à celui du chêne liège, Quercus suber.
Le bois intéresse les sculpteurs mais aussi les musiciens, les Japonais confectionnent des tambours avec leurs baguettes.
Les copeaux de bois servent au fumage d’aliments tels les poissons, la viande, les fromages…
C’est un bois de chauffage excellent. Certaines espèces comme Quercus cerris ont un bois de qualité médiocre mais fournissent un bon bois de chauffage.
Autrefois, on confectionnait des charbonnières pour la production de charbon de bois. 20 tonnes de bois procuraient 3 à 4 tonnes de charbon de bois.
La charbonnière proposée sur la photo de gauche n’est pas terminée dans un but éducatif ; elle a été créée par un des derniers charbonniers, Armand Terebinto. On découvre au fond en son centre la cheminée centrale, autour les empilements de bûches ; cette charbonnière devait être protégée à l’extérieur par une couverture végétale. La photo de droite présente un ancien four à bois vu dans l’Estérel, en effet les charbonnières étaient toujours placées au plus près des lieux forestiers.
– Teintures, encres et tannage
∙ Teinture ‘kermes’ : selon l’insecte utilisé la couleur est brune, beige ou rouge vif pour Kermes vermillo – le kermes des teinturiers. Ce rouge écarlate est obtenu avec les femelles de la cochenille Kermes vermilio qui parasite l’espèce coccifera, cette espèce de la garrigue a d’ailleurs donné le nom populaire au chêne kermès ; au Moyen-Àge, Montpellier était réputé pour ce type de teinture, au XIIIe siècle elle fit la renommée des drapiers de Narbonne.
L’écorce et la racine de l’espèce coccifera étaient utilisées pour fabriquer une teinture orange pour la laine.
L’écorce interne du chêne des teinturiers, Quercus velutina (tinctoria, originaire d’Amérique du Nord) permet la fabrication d’une teinture jaune avec un pigment contenant de la quercitrine ; elle a surtout été commercialisée dans les années 1940 pour teindre la laine, la soie et les papiers à tenture ; cette teinture était bon marché.
∙ L’écorce séchée contient des produits tannants utilisés pour le cuir. Celle de l’espèce coccifera donne au cuir une couleur acajou. Autrefois, l’écorce du chêne vert réduite en poudre rendait les cuirs imputrescibles.
∙ Confection d’encre avec la galle du chêne qui est une excroissance des feuilles due aux piqûres de la micro guêpe cynips – Dryocosmus kuriphilus.
– Médicinales : l’écorce possède de nombreuses propriétés anti-inflammatoires, hémostatiques… Astringente, c’est un bon remède pour les maladies cutanées tel l’eczéma.
Il est raconté qu’autrefois les tanneurs qui utilisaient l’écorce de chêne pour transformer le cuir étaient rarement atteints de tuberculose.
– La litière des feuilles sèches de l’espèce libani se révèle être un bon antiparasitaire biologique alors que les jeunes feuilles vertes sont allélopathiques en inhibant la croissance des autres végétaux.
– Cosmétologie.
– Alimentaire
∙ La truffe – Tuber melanosporum vit en symbiose avec les racines du chêne et particulièrement les espèces pubescens et ilex qui sont favorisées pour la culture. Toutefois, les espèces robur, cerris et suber sont parfois aussi utilisées.
La présence de truffes est le signe de bonne santé de l’arbre.
∙ Les glands et la farine de glands nourrissent les porcs. L’expression ‘aller à la glandée’ ou ‘glander’ provient de l’époque où l’on emmenait les cochons dans les forêts de chênes pour les nourrir ; le sens a légèrement changé !
Dans son ouvrage ’Histoire des chênes d’Amérique’, André Michaux nous explique qu’autrefois le nom ‘gland’ était attribué à divers autres fruits (dattes – châtaignes…) tout comme son nom grec ‘balanos’ issu du latin balanus, les ouvriers attribués à la récolte étaient des balanistes.
∙ Certaines espèces sont comestibles par l’homme après lessivage ou cuisson telles ilex subsp. ballota, gambelii ou macrocarpa… mais toutes ne proposent pas un goût extraordinaire.
Sous François Ier, en 1548, lors d’une disette, on confectionna des pains à la farine de glands. Cette pratique perdura jusqu’à la fin du XVIIIe siècle même si on y eut recours lors de la guerre de 14/18.
Les glands des espèces comestibles sont soigneusement lessivés et utilisés comme épaississant dans les ragouts, pour faire du pain avec d’autres céréales ou torréfiés comme substitut de café.
En Corée, la farine de glands de l’espèce dentata rentre dans la composition d’une gelée poivrée, Dotorimuk qui accompagne différents plats. Au Japon, les feuilles de cette espèce constituent l’emballage des mochi, petits gâteaux de riz gluant fourrés de purée de haricots rouges appelés alors Kashiwa Moshi et servis traditionnellement lors de la fête nationale du 5 mai, fête des enfants et historiquement plus particulièrement des garçons.
– Écologie : c’est une plante hôte d’oiseaux, de parasites, d’insectes (ex : la cigale du garric – Tibicina garricola sur l’espèce coccifera), et particulièrement des larves d’un papillon, le bombyx du chêne – Lasiocampa quercus ; les chênes rouges des marais, shumardii et palustris, sont la seule nourriture de la chenille du papillon de nuit Bucculatrix domicola…
Les chênes assurent une abondante nourriture pour des oiseaux, des écureuils, des chevreuils, des cerfs, des sangliers, des ours…
Attention, les glands de certaines espèces – en France robur et petraea – sont nocifs pour les équidés et les bovins.
– Ornementales
∙ En isolé ou en forêts.
∙ Bonsaï : les 2 espèces les plus adaptées sont ilex et coccifera.
– La forêt de Tronçais dans l’Allier, en France, est la plus belle chênaie d’Europe. Elle fait partie des plus anciennes forêts implantées à la demande de Colbert pour les besoins de la navigation. Ces chênes sont interdits d’exploitation depuis 1899.
– Symboles
∙ Symbolise la sagesse et la force ainsi que l’immortalité.
∙ Mythologie classique : c’est l’arbre consacré à Jupiter (Zeus en Grèce). Il est raconté que Zeus communiquait avec les humains en décryptant le bruissement des feuilles de chêne, c’est ce que l’on appelle la dendromancie.
∙ Mythologie slave : arbre sacré du dieu du tonnerre.
∙ Mythologie nordique : arbre sacré de Thor – dieu du tonnerre.
– Dans certaines forêts d’Europe du Nord, on peut découvrir des arbres à clous. Ce sont souvent des chênes ou des tilleuls mais aussi des épicéas ou des robiniers, considérés comme des arbres guérisseurs. Après certains rituels, le mal était extirpé du corps humain grâce à un clou que l’on plantait dans le tronc d’un arbre sacré, assurant ainsi la guérison.
– Arbre sacré des druides celtiques : les druides – prêtres gaulois – étaient nommés ‘hommes des chênes’; lors de rites, ils cueillaient le gui sur les chênes.
– En France, dans les Landes, une superstition locale promettait la malédiction au bûcheron qui osait couper le chêne Tauzin – Quercus pyrenaica.
– À Rome, le ‘chêne civique‘ était une couronne de feuilles de chêne donnée à celui qui avait sauvé une vie lors d’une bataille.
À propos de la couronne civique Pline l’Ancien écrivait :
« La couronne civique est la plus illustre décoration du courage militaire, et depuis longtemps l’emblème de la clémence impériale, alors que, au milieu de l’impiété des guerres civiles, on a commencé à regarder comme une belle action de ne pas tuer un citoyen. »
– À Vincennes, Saint Louis rendait la justice sous un chêne.
– C’est sous un chêne dans le village de Domrémy que Jeanne d’Arc aurait entendu les voix.
– Arbre souvent cité dans la Bible. Dans la tradition orthodoxe, un chêne serait abattu tôt le matin au réveillon de Noël. Quercus ithaburensis est évoqué dans le livre ‘La vie de Saul (premier roi d’Israël) et de Juda’. L’espèce libani est citée dans le Livre d’Osée, bible hébraïque : « …Je serai comme la rosée pour Israël, il fleurira comme le lis, il enfoncera ses racines comme le chêne du Liban… »
– Robin des bois s’est réfugié dans la forêt de Sherwood, forêt riche en chênes, dans le comté du Nottinghamshire. Le ‘Major oak tree’, un chêne vénérable se situe dans un lieu considéré comme un des repaires de Robin de bois.
À savoir que Robin des bois devrait plutôt s’appeler Robin à la capuche car en anglais, il s’appelle Robin Hood et une erreur de prononciation l’a transformé en Robin Wood !
– Le ‘chêne de Marie-Antoinette‘ avait été planté en 1681. La Reine aimait profiter de son ombrage lors de ses séjours au Trianon. Cet arbre, doyen du parc du château de Versailles, avait échappé à la régénération ordonnée par Louis XVI mais, beaucoup plus tard, il subit la terrible tempête de 1999 qui l’exposa fortement au soleil et le fit souffrir ; il ne se remit pas de la canicule de 2003 et les jardiniers finirent par le couper en 2005 à l’âge de 324 ans, plus de 30 m et 5,50 m de circonférence. Ils replantèrent à sa place un autre chêne de l’espèce robur ; certains disent qu’il s’agit d’un de ses ‘fils’ car les dix dernières années, des glands avaient été récoltés afin d’assurer la descendance de ce fameux arbre.
– Le Baron Pierre de Coubertin, fondateur des jeux olympiques modernes (et du logo actuel) a été invité à planter un chêne aux jeux sportifs organisés en 1890 à Much Wenlock dans le Shropshire en Angleterre. Pour célébrer les jeux olympiques de 2012 à Londres, les étudiants de Much Wenlock plantèrent 40 chênes (glands issus du premier chêne) de Much Wenlock jusqu’au parc olympique.
– Noces de chêne : 80 ans.
– Arbres officiels
∙ Quercus alba arbre officiel du Connecticut, de l’Illinois et du Maryland.
∙ Quercus coccinea arbre officiel de Washington.
∙ Quercus virginiana arbre officiel de la Géorgie.
∙ Quercus rubra arbre officiel du New-Jersey et de la province canadienne Île-du-Prince-Édouard.
∙ Quercus macrocarpa arbre officiel de l’Iowa.
∙ Kashiwa en japonais désigne le chêne Quercus dentata. La ville de Kashiwa de la préfecture de Chiba est en référence au nom de ce chêne qui est d’ailleurs l’arbre symbole de cette ville.
– Les représentations de l’arbre, la branche ou le gland apparaissent sur des armoiries ou des pièces de monnaie. Les képis des généraux français sont ornés de feuilles de chêne.
– Le 6 janvier 2016, un spécimen de l’espèce cerris a été planté à Paris place de la République à l’angle du Boulevard Magenta en mémoire des victimes des attentats terroristes du 13 novembre 2015.
– Littérature : dans le roman ‘Le baron perché’ d’Italo Calvino, le baron se réfugie dans une yeuse – Quercus ilex.
– Peinture
∙ Le peintre Simon Vouet a représenté une ‘vierge au rameau de chêne’ comme symbole de puissance et de noblesse.
∙ Gustave Courbet, en 1843, peignit une œuvre intitulée ‘Le gros chêne’.
La classification des chênes a souvent subi de nombreuses modifications selon les auteurs. La dernière classification reconnue en France avait été définie par les botanistes français Paul Robert Hickel et Aimée Antoinette Camus mais de nouveaux moyens de recherches ont permis, en 2017, à un collectif de scientifiques (Denk et al.) de préciser les liens de parentés et ainsi de proposer une nouvelle classification.
Hickel et Camus définissaient 2 sous-genres : Euquercus et Cyclobalanus.
Le sous-genre Euquercus était divisé en 5 sections : Cerris – Lobatae (ou Erythrobalanus) – Protobalanus – Mesobalanus – Quercus (ou Lepidobalanus ou Leucobalanus).
Le collectif de scientifiques Denk et al. reconnait 2 sous-genres (divisés en sections) : Quercus et Cerris.
– Le sous-genre Quercus comprend 5 sections :
L’ancêtre de ce sous-genre serait originaire du Nord de l’Amérique.
∙ Lobatae : 124 espèces de chênes rouges en Amérique du Nord, au Mexique, en Amérique centrale et en Colombie.
Lobatae vient du grec signifiant ‘avec lobes’ en référence à la forme des feuilles de certaines espèces ; toutefois certaines espèces présentent des feuilles très peu lobées, voire entières.
Autrefois, cette section portait aussi le nom de Erythrobalanus, nom issu du grec signifiant ‘arbre à gland rouge ‘. Les espèces de cette section sont généralement commercialisées sous le nom de ‘chêne rouge’.
Feuilles dont l’apex (sommet) des lobes est nettement acuminé (la pointe s’amenuise fortement) – glands matures en 12 ou 18 mois – cupule à écailles triangulaires, fusionnées tout comme le pédoncule – bois interne brun rouge avec une texture grossière.
∙ Protabalanus : 5 espèces de chênes intermédiaires en Amérique du Nord et au Nord-Ouest du Mexique.
Le nom Protobalanus a été donné par William Trelease qui le considérait comme un sous-genre. Nom confirmé dans la section en 1938 par Aimée Antoinette Camus.
Ce nom est issu du grec ancien ‘protos’ – premier et ‘balanus’ – gland. En effet, l’espèce chrysolepis serait la première espèce ‘moderne’ découverte et serait datée du Miocène, il y a 23,8 millions d’années.
Les lobes de feuilles se terminent en pointes épineuses – glands matures en 18 mois – cupule à écailles fusionnées et triangulaires.
∙ Ponticae : 2 espèces de chênes à l’Ouest de l’Eurasie (pontica) et au Nord-Ouest de l’Amérique (sadleriana).
Le nom Ponticae rappelle une région d’Asie mineure.
Feuilles dentées – glands matures la 1ère année, en 6 mois – cupule à écailles fines, triangulaires.
∙ Virentes : 7 espèces de chênes verts au Sud-Est de l’Amérique du Nord, à Cuba et en Amérique centrale.
Le nom Virentes signifie florissant, vigoureux.
Feuilles persistantes ou semi-persistantes, sans dents épineuses – glands matures la 1ère année – cupule à écailles fines, triangulaires, soudées à la base ou pas.
∙ Quercus : 146 espèces de chênes blancs en Amérique du Nord, au Mexique, en Amérique centrale, à l’ouest de l’Eurasie, en Asie de l’Est et en Afrique du Nord.
Autrefois cette section portait les noms de Lepidobalanus nom donné par Stephan Ladislaus Endlicher. Du grec ancien ‘lepis’ – écaille et ‘balanus’ – gland en référence aux écailles de la cupule du gland, ou de Leucobalanus nom du grec ‘leuco’ – blanc, désignant la couleur interne du bois des chênes blancs.
Toutes les espèces de cette section sont commercialisées sous le nom de ‘chêne blanc’.
Feuilles lobées – glands matures en 6 ou 12 mois – cupule à écailles triangulaires, soudées à la base ou pas.
Chênes européens ou apparentés dans cette section : canariensis – dalechampii – faginea – frainetto – hartwissiana – infectoria – lusitanica – macranthera – petraea – pubescens – pyrenaica – robur – vulcanica.
– Le sous-genre Cerris comprend 3 sections :
L’ancêtre de ce sous-genre serait originaire d’Asie.
∙ Cerris : 13 espèces de chênes en Eurasie et en Afrique du Nord.
Le nom Cerris provient de l’ancien nom latin cerrus qui désignait un chêne originaire de Turquie, espèce type dont la cupule est recouverte de trichomes (fines excroissances ou appendices) ressemblant à des cheveux.
Feuilles caduques ou semi-persistantes selon les conditions (libani – suber…) à lobes ou à dents fortement acuminés – glands matures en 18 mois (hormis suber) – cupule à écailles récurvées.
Chênes européens ou apparentés dans cette section : brantii – cerris – ithaburensis – libani – look – suber – trojana.
∙ Cyclobalanus : 90 espèces de chênes en Asie tropicale et subtropicale et au sud de l’Himalaya.
Autrefois cette section était élevée au rang de sous-genre mais l’organisme ‘Flora of China’ le considérait comme un genre à part entière. C’est désormais une section.
Le nom Cyclobalanus vient du grec signifiant ‘gland de forme circulaire’. Ce nom a été donné en 1867 par Anders Sandoe Oersted en référence à la cupule, de certaines espèces, constituée d’écailles fusionnées en anneaux concentriques.
Feuilles persistantes dont l’apex des lobes est acuminé ou pas – glands matures de 12 ou 18 mois – cupule en écailles concentriques.
∙ Ilex : 36 espèces de chênes en Eurasie et en Afrique du Nord.
Ilex est un nom issu du latin désignant le houx.
Feuilles persistantes, épineuses (comme le houx) ou longuement acuminées – glands matures en 12 ou 18 mois – cupule à écailles triangulaires, libres ou soudées à la base.
Chênes européens ou apparentés dans cette section : alnifolia – auchery – coccifera – ilex – rotundifolia.
Mise à jour août 2024.