Les marronniers ont souvent la délicatesse de prévenir les insectes qui les visitent que le ‘bar’ à nectar est fermé en changeant la couleur de leurs pétales une fois la pollinisation assurée, il n’y a donc plus aucune raison pour l’arbre de produire de nectar. Par contre, d’autres tel le marronnier californien – Aesculus californica, sont adeptes du protectionnisme et produisent un nectar toxique pour tout insecte qui ne serait pas indigène de leur région ! Dur, dur… Ce n’est pas le cas du marronnier de l’Himalaya – Aesculus indica qui, en Europe, fait l’unanimité chez les abeilles en ouvrant sa table (développement tardif des fleurs) alors que les autres espèces ont déjà terminé les réjouissances (fleurs fanées). Alors, découvrons un peu mieux, cet arbre si familier.
Les plantes à fleurs du genre Aesculus – les marronniers – appartenaient à la famille des Hippocastanaceae mais dans la nouvelle classification phylogénétique, cette famille a été incorporée dans la famille des Sapindaceae, famille des érables – Acer, des savonniers – Koelreuteria et des Sapindus… Ah, la précision de la botanique !
Le genre Aesculus regroupe plus d’une trentaine d’espèces dont certains cousins nord-américains, les paviers qui étaient autrefois classés dans le genre Pavia. Ces espèces sont divisées en 5 sections : hippocastanum – calothyrsus – pavia – macrothyrsus – parryanae. Vous pouvez découvrir les différentes sections et certaines de ces espèces à la fin de cet article.
Hémisphère Nord : Eurasie et Amérique du Nord.
– Aesculus L.
En 1719, Joseph Pitton de Tournefort crée le genre Hippocastanum mais en 1737, Linné ne valide pas ce nom et le remplace par Aesculus, nom attribué par Pline à un chêne à glands comestibles appelé Quercus aesculus – esca signifiant nourriture, cet arbre correspondant probablement au chêne actuel : Quercus robur subsp. robur.
– Marronnier : en 1565, Mathiolus nomme le marronnier d’Inde, Castanea equina en référence au nom de ‘châtaigne des chevaux’ utilisé par les habitants de Constantinople. Charles de l’Écluse probablement influencé par ce nom donné par Mathiolus et trouvant une ressemblance du fruit du marronnier avec le fruit de la châtaigne (appelée marron et introduite beaucoup plus tôt), il lui donna le même nom de ‘marron’ ce qui entraîna une vaste confusion entre ces deux genres différents; confusion qui perdure, botanique oblige !
∙ Marron pourrait provenir du mot ligure ma – caillou, rocher, pour l’apparence de la graine lisse, ronde et dure; la marelle a la même origine en référence au caillou avec lequel on joue.
∙ Dans le dictionnaire universel de la langue française, un maron (avec un seul r) est un cœur non calciné d’une pierre à chaux; l’origine initiale reste inconnue. Dans des textes anciens, on retrouve parfois le nom de maronnier avec un seul r ?
∙ En langage populaire, ‘mettre un gnon’ à quelqu’un se dit aussi ‘mettre un marron ou une châtaigne’. On comprend aisément la similitude de forme et de couleur.
– Chestnut et buckeye sont les noms anglophones faisant référence à l’apparence de la graine.
– Leur croissance est très rapide et leur longévité de 150 à 200 ans peut atteindre les 300 ans.
– Les marronniers sont des arbres de 15 à 30 m, pouvant atteindre jusqu’à 40 m, ou plus rarement des arbustes de quelques mètres tel le pavier blanc ou marronnier nain – Aesculus parviflora avec ses 3 à 5 m. Ils développent un port globuleux et présentent une écorce plus ou moins lisse ou fissurée selon l’espèce.
– Le marronnier supporte de fortes tailles et se régénère facilement grâce à ses bourgeons épicormiques (bourgeons latents repoussés à la périphérie par la croissance) qui peuvent se développer en rejets ou former de nombreux broussins (excroissances ligneuses sur le tronc ou les branches).
Les bourgeons hivernaux, brun-rougeâtre, souvent visqueux ou pas selon l’espèce, ont une croissance généralement monopodiale (développement à partir du bourgeon terminal) pour Aesculus hippocastanum ou parfois sympodiale (développement à partir des bourgeons axillaires) pour Aesculus x carnea. Face au rigueur de l’hiver, le marronnier protège bien ses bourgeons en accumulant deux couches d’écailles, il va même jusqu’à rajouter de la bourre (sorte de duvet) qui entoure les futures jeunes feuilles recroquevillées.
– Les feuilles sont caduques, opposées, longuement pétiolées (axe reliant la feuille à la tige), palmées, composées de 5 à 7 folioles (divisions d’une feuille composée) pétiolées ou sessiles (directement sur un axe), oblongues à elliptiques, souvent dentelées, plus ou moins acuminées (la pointe s’amenuise fortement), au revers souvent glabre avec des nervures poilues; les folioles centrales sont plus grandes que les latérales; la forme des folioles est souvent comparée à des doigts. À l’automne, les feuilles avant de tomber virent du jaune à l’orange parfois au rouge selon l’espèce.
– Les inflorescences (grappes de fleurs), en général printanières, se développent en grands thyrses (grappes de cymes (1 fleur terminale et 2 secondaires)) pyramidaux et dressés. Sur un même pied, on peut découvrir des fleurs hermaphrodites (bisexuées) mais aussi des fleurs mâles et des fleurs femelles – c’est la trimonécie : les fleurs mâles possèdent des organes femelles mais avortés et les femelles possèdent des organes mâles mais stériles ou avortés; on peut supposer que les plantes développant une trimonécie limitent ainsi les coûts de production ! Les plantes n’hésitent pas sur la production mais toujours dans un souci de rentabilité, cela me rappelle un autre peuple… Les inflorescences sont longuement pédonculées (axe les reliant à la tige) et les fleurs longuement pédicellées.
Comme beaucoup de plantes à fleurs – les angiospermes, la pollinisation est entomophile (insectes) et les fleurs sont donc parfumées et nectarifères afin d’attirer les insectes.
∙ Calice gamosépale (sépales soudés) en forme de cloche caduque à 5 dents inégales.
∙ 4 à 6 pétales inégaux, insérés à leur base sur un disque nectarifère ; ils sont chiffonnés, blancs, jaunes, roses ou rouges et souvent particulièrement tachetés pour deux d’entre eux; les taches jaunes des pétales deviennent rouges (sens interdit) quand la fleur est pollinisée et à ce moment-là, elle ne produit plus de nectar. La collaboration ancestrale entre plantes et insectes a permis de renseigner les marronniers sur le fait que les insectes sont attirés par la couleur jaune et sont indifférents au rouge.
∙ 5 à 9 étamines (pièces florales mâles) incurvées, plus ou moins longues selon l’espèce.
∙ 1 pistil à 3 carpelles (loges) biovulés, soudés et surmontés généralement d’un seul style (tige reliant l’ovaire au stigmate) aussi long que les étamines et d’un seul stigmate (extrémité supérieure du style) aigu ou bifide (fendu en deux), certains parlent parfois de plusieurs styles.
En savoir plus sur La Fleur.
– Les fruits sont des capsules sèches : les bogues correspondent à l’enveloppe du fruit, transformation de la paroi des carpelles, contrairement à la bogue des châtaigniers qui est issue de la transformation des bractées (organes intermédiaires entre la feuille et le pétale) de la fleur. Les bogues ont un aspect différent selon l’espèce : hérissées de pointes ou lisses, ovales ou pyriformes. Elles contiennent généralement 1 (rarement 2) graine – le marron, les autres ayant avortées. Déhiscentes (ouverture spontanée), elles s’ouvrent en général par 3 fentes correspondant au nombre de carpelles. Dissémination barochore (gravité) à l’automne.
– Les lourdes graines sont lisses, du marron au brun foncé, de tailles différentes selon l’espèce, présentant une large tache blanchâtre correspondant au hile – point de rattachement du funicule, lien très fin reliant l’ovule à la paroi de l’ovaire . Les graines sont toxiques ; elles contiennent de l’esculine, une substance qui détruit les globules rouges.
– Plusieurs hybrides et cultivars.
– Ennemis : depuis les années 2000, en Europe, le marronnier est attaqué par une bactérie – Pseudomonas syringae qui peut le décimer en un an, et par la chenille d’une sorte de petit papillon, la mineuse du marronnier – Cameraria ohridella qui provoque le dessèchement prématuré du feuillage. Certaines espèces, souvent américaines, sont moins agressées et gardent un aspect plus présentable. Le seul moyen connu d’éradiquer partiellement l’insecte est de brûler systématiquement toute la litière au pied de l’arbre.
– Ornementales.
– Médicinales : l’escine ou aescine est une molécule (saponine) contenue dans diverses parties de la plante qui est utilisée pour ses vertus anti-fébrifuge et pour les troubles de la circulation veineuse. La difficulté, pour les chercheurs, fut d’extraire l’escine tout en éliminant l’esculine toxique mais désormais ceci est réalisable. Cette plante soulage rhumatismes – maladies pulmonaires – hémorroïdes – système veineux…
– Le bois de faible qualité est utilisé uniquement pour fabriquer des petites objets, parfois des meubles ou en lutherie avec l’espèce turbinata.
– Autres utilisations très locales selon l’espèce : par exemple un succédané de savon.
– Insecticide contre les mites.
– Écologie : les cervidés et les écureuils sont capables de les consommer en détruisant les toxines contenues dans la graine. Les insectes apprécient le miel et le nectar.
– Alimentaire : les graines toxiques peuvent être toutefois consommées après une longue préparation d’élimination de l’amertume.
∙ Au japon, on les mélange avec du riz gluant – le tochi-mochi.
∙ En Inde, les graines broyées, après avoir été trempées dans l’eau, sont utilisées en galettes ou bouillies.
Les anecdotes recueillies concernent particulièrement le marronnier d’Inde et je vous invite donc à consulter sa fiche : Aesculus hippocastanum.
En revanche, il en est une qui met en évidence l’atout majeur de posséder une pauvre qualité de bois et cela concerne chaque espèce.
Il s’agit d’un texte du grand penseur chinois du IVe siècle av. J.-C. – Tchouang-Tseu sur ‘Le monde des hommes’ dans lequel un maître charpentier s’adresse à son apprenti qui s’étonne du manque d’intérêt de son maître pour un marronnier :
« … C’est un arbre inutile. Si l’on en fait des bateaux, ils ne tiendront pas sur l’eau ; si l’on en fait des cercueils, ils pourriront vite ; si l’on en fait des battants de porte, ils suinteront ; si l’on en fait des ustensiles, ils seront vite gâtés ; si l’on en fait des piliers, ils seront rapidement vermoulus. Cet arbre n’est bon à rien.
C’est grâce à son inutilité qu’il a pu parvenir à un tel âge. »
Les espèces d’Aesculus se différencient par trois caractéristiques principales : le bourgeon, les folioles et le fruit.
hippocastanum – turbinata – x carnea
En 1753, Linné attribue au marronnier d’Inde, le nom de Aesculus hippocastanum; ce nom du genre Aesculus est renforcé dans le nom de l’espèce – hippocastanum qui signifie ‘châtaigne à chevaux’ du grec ‘hippos’ – le cheval et de ‘kastanon’ – la châtaigne. En effet, d’après le botaniste français Charles de L’Écluse, les turcs en auraient donné, sans excès, aux chevaux qui avaient des déficiences respiratoires, confirmant ainsi les écrits de Mathiolus.
∙ Bourgeons visqueux.
∙ Folioles sessiles.
∙ Fruits hérissés de pointes ou turbinés.
assamica – californica – chinensis – indica – wilsonii
Calothyrsus du grec ‘calo’ – belle et ‘thyrsus’.
∙ Bourgeons visqueux.
∙ Folioles pétiolées.
∙ Fruits non-épineux et pyriformes.
1 seule espèce Aesculus parviflora
Macrothyrsus du grec signifiant ‘grande et belle couronne, belle guirlande’ en référence aux grandes inflorescences.
∙ Bourgeons non-visqueux.
∙ Folioles subsessiles (presque sessiles).
∙ Fruits lisses.
discolor – flava – x hybrida – glabra – x neglecta – pavia – splendens – sylvatica
Pavier est une dérivation du nom du genre Pavia du latin pavius, nom donné par le botaniste néerlandais Herman Boerhaave en honneur au botaniste hollandais Peter Paaw dont le nom latinisé était Pavius.
∙ Bourgeons non-visqueux.
∙ Folioles pétiolées.
∙ Fruits lisses en général.
1 seule espèce Aesculus parryi
Parryanae du latin en référence à Charles Christopher Parry qui l’a découvert en 1882. Section créée en 1932 par Ira Loren Wiggins.
∙ Bourgeons non-visqueux.
∙ Folioles sessiles.
∙ Fruits tomenteux (duvet de poils fins ou épais) et verruqueux (excroissances arrondies).
Mise à jour janvier 2024.