Yucca, agave et aloès sont des plantes monocotylédones.
Les monocotylédones ont toutes un ancêtre commun aquatique, elles seraient apparues il y a 130 millions d’années ; les plus connues sont les graminées (herbes, bambous…), les bananiers, les palmiers mais aussi les orchidées.
Comme leur nom l’indique, elles ne développent qu’un seul cotylédon (feuille embryonnaire), cette caractéristique leur vient d’une ‘évolution simplificatrice’ qui leur a réussi mais aussi qui les a limité contrairement aux dicotylédones.
Elles ne produisent pas de bois secondaire (absence de cambium, cellules de croissance en diamètre) même si certaines sont arborescentes, on parle alors de stipe (tronc qui n’en a pas l’anatomie) ; certaines arrivent même à se ramifier (yucca, aloès) grâce à la présence d’une sorte de cambium discontinu à l’intérieur de certains faisceaux très nombreux.
Un tronc d’arbre et un stipe de yucca, de bananier ou de palmier sont bien différents. En effet, ils se développent de manière complètement opposée : le tronc d’un arbre grossit vers l’extérieur, la partie vivante la plus récente se trouve à la périphérie alors que le cœur de l’arbre est mort étant constitué du passé ; le stipe lui pousse de l’intérieur et sa partie extérieure est constituée des anciens pétioles (axe reliant la feuille à la tige) des feuilles qui se lignifient (caractères et aspect du bois), pour ses raisons le stipe ne change pas de diamètre avec le temps.
On peut constater sur la photo de gauche, qu’à l’air libre, le cœur mort de l’arbre se dégrade rapidement alors que le périmètre extérieur plus récent résiste mieux aux ravages du temps ; sur la photo de droite, le cœur d’un agave ne présente pas d’anneaux concentriques, c’est la partie vivante du bourgeon foliaire et l’extérieur concentrique représente les traces des anciens pétioles.
Yucca, agave et aloès sont des plantes à fleurs, des angiospermes, des succulentes généralement piquantes, mais qui n’ont toutefois rien à voir avec les cactus classés dans les dicotylédones. Les plantes succulentes sont capables de stocker l’eau dans leurs feuilles, leurs tiges ou leurs racines et, encore plus fort, sont capables de transformer cette eau en suc.
De nombreuses succulentes développent des bulbes (organes souterrains formés d’une tige en plateau), des rhizomes (tiges souterraines qui emmagasinent des réserves et permettent une multiplication végétative) ou des rejets de souche. Les racines sont fasciculées (regroupées en faisceaux), elles partent toutes de l’assise primordiale. Les nervures des feuilles simples sont parallèles. Les fleurs sont généralement trimères : 3 sépales (pièces du calice), 3 pétales ou 6 tépales (sépales et pétales se ressemblent) – 2 x 3 étamines (pièces florales mâles) – 1 ovaire à 3 carpelles (loges) ; leur grain de pollen n’a qu’une seule zone hyper sensible, une aperture qui permet au tube pollinique (tube qui conduit les gamètes mâles jusqu’à l’ovule) de franchir l’obstacle, tout comme les dicotylédones primitives (Magnoliideae) alors que les dicotylédones plus évoluées proposent 2 (parfois plus) zones sensibles.
Ces plantes furent autrefois classées dans la famille des Liliaceae – famille des Lys (famille fourre-tout). Au gré des avancées de la science, ces genres furent intégrés dans d’autres familles… mais en 1985, Yucca et Agave furent transférés dans la famille des Agavaceae et plus tard déplacés dans la famille des Asparagaceae (famille de l’asperge).
Les Agave ayant été transférés dans les Asparagaceae, la famille des Agavaceae n’existe plus dans la classification phylogénétique APG III de 2009 (Angiosperm Phylogeny Group).
Désormais, Nolina, Beaucarnea, Dasylirion, Furcraea, Dracaena et Cordyline sont des succulentes faisant partie aussi de la famille des Asparagaceae mais seul Furcraea est intégré dans la sous-famille des Agavoideae comme les Agave et les Yucca.
Lorsque Linné découvrit les agaves, il les nomma aloès tant ils se ressemblent (apparemment seulement). Les aloès étaient connus et réputés depuis des millénaires pour leurs différentes vertus mais ils n’échappèrent pas aux problèmes de classification. Autrefois l’aloès fut aussi classé dans les Liliaceae puis dans les Xanthorrhoeaceae, mais à l’heure actuelle, rien n’est clair et les différentes régions du globe les classent différemment malgré la dernière classification phylogénétique APG IV de 2016 qui les reconnait dans la famille des Asphodelaceae. De nouvelles études moléculaires définies en 2013, confirmées en 2014 par John Charles Manning et d’autres chercheurs, ont révélé que certains aloès ne réunissaient pas toutes les caractéristiques du genre et répondaient mieux à une nouvelle classification donnant naissance à la création de nouveaux genres dans la même famille des Asphodelaceae.
Le genre Yucca compte 40 à 50 espèces, Agave un peu plus de 200 espèces, Aloe de 300 à plus de 500 espèces.
Christophe Colomb sera un des premiers à évoquer les agaves, mais les problèmes de classification de toutes ces succulentes commencèrent dès leurs découvertes, et il faudra attendre le XXe siècle pour avoir un spécialiste des agaves : Howard Scott Gentry et une spécialiste des yuccas : Susan Delano McKelvey.
De nos jours, on peut encore constater de grandes incertitudes quant aux classifications que ce soit pour la famille, le genre ou l’espèce et l’on peut espérer que les nouvelles expertises apporteront des éclaircissements sur ces nouvelles classifications qui ne font pas l’unanimité, toutefois la tâche sera rude car les espèces d’un même genre ont tendance à s’hybrider et à l’heure actuelle certains hybrides ont même obtenu le statut d’espèce à part entière.
Les noms latins Yucca, Agave et Aloe sont identiques aux noms populaires français (hormis le petit s d’aloès), c’est assez rare et donc à remarquer.
– Yucca L.
Nom donné par Linné en 1753.
On entendit parler de ce nom dès le XVIe siècle par les récits de Christophe Colomb mis en page (entre autres) par Pierre Martyr d’Anghiera.
Ce nom viendrait du mot zucque du taïno (langue des Arawaks des grandes Antilles) pour désigner la racine du manioc ; en espagnol le nom yuca fut donné au manioc, le Manihot esculenta, plante dicotylédone de la famille des Euphorbiaceae ayant la particularité de produire des tubercules (partie renflée d’un rhizome) comestibles dont on tire le tapioca.
Les mots yucca (Yucca) ou yuca (Manihot) portent à confusion, et même encore de nos jours dans des recettes de cuisine il n’est pas rare de trouver le manioc sous le nom de yucca avec deux c, ce qui est fâcheux vu que la racine du manioc est comestible alors que celle du yucca est toxique !
George Engelman signalait que l’on pouvait différencier les espèces de Yucca par la forme de leurs fruits, mais d’autres botanistes argumentèrent aussi sur la différence des feuilles ou sur le port, ce qui a souvent défini leurs noms latins mais aussi leurs noms vernaculaires (populaires).
Les feuilles en forme d’épée à la pointe effilée les font appeler dague (poignard). Par exemple, l’espèce gloriosa est nommée dague espagnole – spanish dager, c’est aussi le cas d’autres espèces comme aloifolia, le yucca à feuilles d’aloès nommé aussi baïonnette espagnole ; quant aux espèces filamentosa, flacida… c’est l’aiguille d’Adam, d’ailleurs d’autres espèces portent aussi ce nom en référence à l’utilisation de l’aiguillon que l’on retire de la feuille de telle façon que l’on entraine aussi les fils du limbe (tissu végétal), il ne reste plus qu’à coudre ! Yucca rostrata est nommé yucca bleu à tête hirsute pour la couleur et l’allure de ses feuilles mais son épithète latine fait référence à son fruit recourbé.
Yucca brevifolia fut appelé arbre de Josué (personnage biblique du Livre de l’Exode) par les Mormons qui virent dans sa forme arborescente les bras de Josué montrant la terre promise. En Amérique, c’est un yucca très présent dans les paysages et particulièrement dans le parc national de Joshua tree au sud de la Californie où deux déserts se rejoignent, Mojave et Colorado, les yuccas y sont en danger à cause du réchauffement climatique qui entraîne d’importantes précipitations durant l’été, fragilisant ainsi l’équilibre des yuccas alors surgorgés d’eau !
Autrefois, les voyageurs traversant le Nouveau-Mexique s’extasiaient devant la floraison des yuccas et les appelaient lamparas de Dios – lampes du Seigneur.
En langue anglophone, on trouve souvent l’appellation soaptree en référence à l’utilisation savonneuse de leurs racines.
Petite anecdote botanique sur un yucca très présent sur notre pourtour méditerranéen ainsi que dans nos intérieurs : en 1859, Eduard von Regel nomme une espèce Yucca elephantipes, mais il ne fait pas de publication officielle et ce nom ne sera donc pas homologué, quelques mois plus tard Charles Antoine Lemaire publie un article, sans le savoir, sur ce même yucca qu’il nomme Yucca gigantea, ce nom sera validé mais les habitudes étaient déjà prises et, 163 ans plus tard, les deux noms sont encore utilisés pour définir une même plante.
– Aloe L.
Nom latin donné par Linné qui viendrait du grec ancien ‘aloès’ issu d’une langue utilisée dans le sud de l’Inde pour désigner certaines plantes et particulièrement un bois odoriférant venant d’Asie, l’arbre Aquilaria dont la résine est appelée ‘bois d’aloès’, mais une autre version, plus controversée, propose l’origine d’un ancien mot arabe alloeh (ou aluat selon les auteurs) signifiant ‘substance amère qui brille’ en référence au gel ‘miraculeux’ produit à l’intérieur des feuilles. L’historien orientaliste, Henri Lammens aurait précisé que le mot arabe était lui-même issu du latin.
En latin Aloe est un nom féminin et aloès en français est masculin.
En arabe, Aloé est un prénom signifiant ‘excellence, élévation’. Les Arabes nommaient la bien connue Aloe vera ‘le lys du désert’.
Dans le monde entier, l’aloès est connu pour ses vertus médicinales à tel point que n’importe quelle personne lambda l’appelle par son nom latin : Aloe vera ; à ma connaissance, c’est une des seules plantes dont le nom complet (genre et épithète) en latin s’est imposé à tous !
– Agave L.
Nom donné par Linné. L’étymologie du nom agave est issu du grec ancien ‘agauê’ signifiant ‘digne d’admiration’, et cela se justifie avec leur étalement pouvant atteindre 4 à 5 m et leur hampe florale de 10 à 12 m !
Le mot agave est masculin en français et féminin en latin.
Lors de leurs découvertes, les Agave et les Furcraea furent appelés aloès, et cette appellation est fortement ancrée dans les noms vernaculaires, par exemple l’agave d’Amérique (Agave americana), le plus connu de tous, se nomme aussi american aloe.
Tout comme les yuccas, les agaves portent aussi les noms de dague ou de baïonnette.
Maguey est le nom mexicain issu du taïno mawei, nom qui fut tout d’abord usité aux Caraïbes ; le nom metl vient du nahuatl, langue précolombienne ; le mot cabuya est issu du taïno kabuya utilisé particulièrement pour l’Agave sisalana.
Pita ou pitera sont les noms vernaculaires espagnols et portugais de l’agave en référence à la fibre extraite des agaves, mais aussi des aloès et des fourcroyas d’ailleurs Furcraea foetida, le chanvre de Maurice (choka vert), réputé pour ses fibres, fut aussi nommé (à tort) agave fétide ou aloès pitte ou faux-aloès, d’où la difficulté de nommer les plantes par leurs noms populaires !
Les ancêtres communs de ces genres seraient apparus durant le Crétacé vers 90 à 60 millions d’années, mais ces plantes se seraient surtout diversifiés au Miocène (-23 à – 5 millions d’années).
Les Yucca sont originaires du sud de l’Amérique du Nord, de l’Amérique centrale et des îles des Caraïbes. Ce genre est particulièrement présent dans le désert de Mojave au sud des USA. 5 espèces de Yucca se seraient ‘naturalisées’ en France : gloriosa, filamentosa, aloifolia et gigantea.
Les Agave sont aussi originaires du Nouveau Monde (sud de l’Amérique du Nord et Amérique Centrale) et particulièrement du Mexique.
Les Aloe sont particulièrement originaires d’Afrique, mais aussi de la péninsule arabique.
Succulentes proches de ces genres : les Furcraea sont originaires du Nouveau-Monde, les Cordyline des régions australes, les Dracaena d’Afrique, les Dasylirion et les Nolina des USA et du Mexique, les Beaucarnea d’Amérique centrale et du Mexique.
Les yuccas comme d’autres succulentes américaines furent découvertes lors de la colonisation espagnole et leur exportation dans le monde entier commença dès le XVIe siècle. Conjointement, les colonisateurs espagnols et portugais introduisaient l’africaine Aloe vera pour ses nombreuses propriétés ; cette plante y devint rapidement sacrée.
Yucca gloriosa, un des yuccas les plus connus en Europe, fut introduit en Europe vers la fin du XVIe siècle, suivi par les espèces aloifolia et filamentosa.
Agave americana et angustifolia furent les premières espèces introduites en Europe. On trouve la trace de l’Agave americana sur le pourtour méditerranéen dès le milieu du XVIe siècle.
L’Aloe vera aurait été introduite en Europe vers 1 000-1 300 ans ou juste après les croisades.
Climat désertique, sec et aride ou semi-aride, en régions tropicales ou semi-tropicales. Plusieurs espèces s’acclimatent bien au climat méditerranéen.
Le yucca pourrait être cultivé en extérieur partout en France car certaines espèces sont assez résistantes au froid mais comme les autres succulentes assez proches, elles ne supportent aucune humidité du sol, adieu Bretagne et Normandie…
Plusieurs espèces de Yucca sont considérées comme ‘les guerrières des conditions météorologiques extrêmes’ ; en effet le ’yucca d’appartement’, Yucca gigantea (elephantipes) supporte au maximum jusqu’à -5°C alors que de nombreuses espèces résistent de -12°C jusqu’à -20°C pour gloriosa, et -23°C pour filamentosa, et jusqu’à -30°C pour glauca qui pousse dans les régions très froides des USA et du Canada.
Ce n’est pas le cas des agaves qui tolèrent en général de -7°C à -12°C toutefois quelques espèces peuvent tolérer un gel important de -15°C jusqu’à -20°C à condition d’un sol bien drainé.
Les Nolina, les Dasylirion et les Cordyline peuvent supporter de -7 à -10/12°C et les Dracaena et les Furcraea ne tolèrent que les gels de la Côte d’Azur.
Dans leurs pays d’origine, certaines espèces d’agaves se développent jusqu’à 2 500 m d’altitude et supportent même la neige. Les espèces de yuccas, gloriosa et recurvifolia, tolèrent le bord de mer et ses embruns salins.
Aloe (Aloiampelos) striatula tolère jusqu’à -10 à -12°C, c’est le plus rustique en France.
La pleine lumière est conseillée mais certaines rares espèces préfèrent une mi-ombre voire même tolèrent l’ombre. Ces plantes sont xérophytes, elles supportent la sécheresse en stockant l’eau dans leurs organes, c’est pourquoi on emploie parfois le terme de malacophyte (autre terme pour désigner une plante succulente).
En général, un sol normal même pauvre, sablonneux leur convient, mais leur collet doit être maintenu au sec car toutes les espèces craignent un excès d’humidité. Si les yuccas et les agaves se contentent d’un sol pauvre, certains aloès apprécient un sol assez riche.
Certaines espèces de yuccas ou d’agaves sont saxicoles (lithophytes), elles vivent à la surface des rochers.
À certains stades de leur croissance, il est bien difficile de différencier ces succulentes tant elles se ressemblent, mais l’observation de leur feuille, et surtout de leur bourgeon terminal et de leurs fleurs va nous permettre de le faire. L’observation est l’âme de la botanique.
La reconnaissance de ces plantes nécessite qu’elles aient leur forme adulte et qu’elles soient matures sexuellement (présence de fleurs).
Croissance généralement lente pour les yuccas et les agaves, quant aux aloès ils ont le plus souvent une croissance assez rapide.
Longévité : certaines rares espèces de Yucca et d’Agave arriveraient à vivre une centaine d’années, mais la majorité, comme les Aloe, vivent beaucoup moins longtemps avec une moyenne de 10 à 20 ans jusqu’à 50 ans selon l’espèce.
Découvrir les différentes caractéristiques de ces genres en bas du document ou en cliquant : Architectures – Feuilles – Fleurs et fruits.
Toutes les espèces ne se multiplient pas de la même façon, il est donc utile de connaître leurs caractéristiques.
La multiplication peut éventuellement se faire par éclats de touffes ou par drageons ou rejets mais aussi par graines. Les yuccas se multiplient facilement par boutures de tige, exceptées certaines espèces comme rostrata, thompsoniana, arizonica… Certains agaves et fourcroyas peuvent développer des bulbilles.
L’excès d’humidité est l’ennemi principal de ces plantes, mais elles sont aussi attaquées par les cochenilles, les charançons, les pucerons, parfois grignotées par les escargots. Si le yucca subit un excès d’humidité, il sera attaqué par une maladie cryptogamique appelée le phoma du yucca.
Sans aucune ambiguïté, la succulente la plus utilisée dans le monde entier est l’Aloe, et ce depuis 5 000 ans mais toutes les espèces ne possèdent pas de vertus médicinales efficaces, et s’il ne faut en citer qu’une, ce sera Aloe vera (syn. barbadensis) même si l’Aloe arborescens est parfois reconnue comme l’aloès la plus riche en principes actifs.
L’agave fut reconnu comme utile dès l’époque des Mayas ; il est particulièrement réputé pour ses fibres, mais aussi connu pour ses boissons et son sirop sucré ; il est considéré comme une usine sans déchets ! L’agave a été largement introduit puis naturalisé pour ses qualités dans de nombreuses régions du globe. Le réchauffement climatique devrait encore favoriser la culture utile de cette plante en milieux arides, combattant ainsi la pauvreté dans plus de 20 pays. La ville d’Alméria en Espagne s’enorgueillit de la culture d’agaves dans sa région, plante écologique par excellence et ressources indéniables.
– Textiles
Plusieurs succulentes (agave, yucca, dasylirion, phormium, fourcroya…) sont exploitées pour leurs fibres, mais la plus performante est l’agave suivi de peu du yucca.
À partir des feuilles et du tronc fibreux du yucca, on obtient un textile soyeux et résistant que les Anglais nommèrent silgrass ou silkgrass, herbe de soie, avec lequel on confectionne ficelles, sacs, cordes, câbles, sandales, vêtements, tapis, vannerie, pâte à papier de type kraft…
On retrouve cette qualité de textile appelé sisal chez les agaves. Au XIXe siècle, les agaves furent exploités mondialement à tel point que les années de cette fin de siècle furent nommées ‘the sisal boom’. Ces agaves ont été acclimatés en Indonésie pour cette production, et surtout en Afrique. L’Agave sisalana, réputé pour la résistance de ses fibres, tient son nom de la ville de Sisal dans le Yucatan d’où les fibres étaient exportées dans le monde entier ; autrefois nos agriculteurs liaient leurs bottes de foin avec la fibre de sisal.
Le Furcraea foetida n’est pas en reste puisqu’à partir de ses fibres on obtient un fil d’une qualité égale ou supérieure à celui des agaves.
– La hampe florale des grands agaves, une fois desséchée, peut être utilisée comme bois de clôture ou de charpente pour les paillottes.
– Alimentaire
Yucca
Les tiges florales, les fleurs et les fruits de certaines espèces de yuccas sont comestibles (baccata, filifera, gigantea…). Les hampes florales se consomment comme les asperges. Les fruits charnus ont un goût agréable, mais il ne faut pas en abuser car ce sont de puissants laxatifs, on peut les consommer crus ou cuits ou séchés. Les fleurs, riches en vitamine C, peuvent être consommées en salade ou cuites, elles ont un goût d’artichaut.
Les plats de riz, de maïs… peuvent être servis avec des racines de yuca frit ou bouilli mais ATTENTION les recettes évoquées sont à base de manioc, nommé yuca (souvent écrit à tort avec 2 C !) et en aucun cas il faut consommer la racine de yucca qui est toxique.
Agave
Les feuilles tendres du cœur des agaves peuvent être consommées comme légumes cuits (crues elles sont toxiques), les pétales de fleurs sont aussi comestibles après avoir été bouillis, les graines broyées font office de farine.
Sirop, pulque, tequila et mezcal : certaines espèces d’agaves (les magueys) utilisées pour la fabrication de ces boissons fleurissent vers l’âge de 8 à 10 ans, c’est à ce moment-là que commencent les opérations. Juste avant le développement de la hampe florale, période où la sève est de très bonne qualité, le bourgeon central de l’agave est coupé (véritable castration), on racle un peu, puis on fait une incision au cœur de la plante d’où la sève sera aspirée ; cette ouverture est protégée après utilisation car l’aspiration journalière dure plusieurs mois. On obtient ainsi de l’aguamiel dont on produit soit un sirop pouvant remplacer le sucre ou le miel soit, après fermentation, une boisson alcoolisée nommée pulque encore commercialisée au Mexique mais qui fut remplacée lors de la colonisation par la bière, entérinant le caractère sacré de cette boisson !
Les colons apportèrent le processus de distillation aux Mexicains, et ainsi naquirent la tequila et le mezcal. Une fois fermenté, le pulque est distillé puis affiné, ou pas, en tonneau. La tequila est issue de l’Agave tequilana var. azul, l’agave bleue, alors que le mezcal est un mélange de différents agaves offrant des goûts variés, c’est le même principe que nos vins issus de différents cépages.
Ces boissons sont réputées aphrodisiaques et hallucinatoires et furent utilisées par les chamanes lors de leurs transes.
La tequila est la boisson nationale du Mexique ; son nom est issu de la ville Tequila (en nahuatl : lieu des travailleurs), un des principaux endroits où elle est produite. Elle est l’élément principal de certains cocktails comme la Margarita ou la Tequila Sunrise.
– Médicinales
Yucca
Les Indiens d’Amérique le considéraient comme un ‘arbre de vie’ : antibiotique – anti-inflammatoire – soulage les intestins – réduit le cholestérol…
Les racines du yucca contiennent des saponines sécrétées et utilisées par la plante afin de lutter contre les agressions fongicides ou bactériennes. Depuis toujours, les humains ont utilisés ces qualités et particulièrement avec les espèces schidigera, filifera et gloriosa. L’extrait de saponines de schidigera est bien connu des éleveurs biologiques d’animaux de la ferme grâce à l’action antifongique et antibactérienne mais aussi à la régulation de l’équilibre du système digestif ; le contrôle de l’ammoniaque et d’autres ‘mauvaises odeurs’ est un atout de taille dans notre monde actuel pollué. Une étude récente a décelé l’action des saponines sur la prolifération des cellules cancéreuses du côlon. Les saponines peuvent être utilisées en extrait pour traiter le mildiou.
Aloe
L’Aloe vera contiendrait plus de 200 nutriments.
Elle guérit ses blessures en produisant rapidement une nouvelle peau sur la partie blessée de ses feuilles, c’est pourquoi elle est considérée comme la plante des premiers soins. Le gel (pulpe) produit au centre des feuilles soigne et cicatrise les piqûres, les brûlures, les coupures, les problèmes cutanés tel l’eczéma. Il est raconté qu’Aristote aurait soigné Alexandre Le Grand, blessé par une flèche, avec de l’Aloe.
Les sportifs l’utilisent pour soigner les entorses, les foulures… L’aloès est un bon stimulant et un laxatif.
En Chine, elle est considérée comme un ‘remède d’harmonie’ ; en Égypte comme un ‘élixir de longue vie’ ; en Inde, c’est le ‘guérisseur silencieux’, c’est d’ailleurs une plante majeure de la pharmacopée ayurvédique, elle est évoquée dans de nombreux livres sacrés ; les Mayas l’appelaient ‘fontaine de jouvence’ ; Christophe Colomb l’aurait appelé ‘le docteur en pot’ et l’aurait considéré comme une des plantes indispensables à l’homme avec le blé, la vigne et l’olivier. Au Moyen-Âge, elle était considérée comme un ‘médicament précieux’ par la première école de médecine d’Europe, l’école de Salerne en Italie.
Attention, la sève amère ne doit pas être confondue avec le gel peu amer, pulpe de la partie centrale que l’on utilise ; la base et le tour des feuilles d’aloès sécrètent une sève, un suc amer qui ne doit pas rentrer en contact avec la peau, c’est un bon laxatif (dû à l’aloïne) mais son utilisation ne peut être que ponctuelle, certains chercheurs pensent même que le suc de l’aloès pourrait être cancérigène.
Lors de la sinistre guerre nucléaire d’Hiroshima, le gel de l’Aloe arborescens fut largement utilisé pour traiter les brûlures, cela ne fit qu’accentuer la réputation de cet aloès produit intensivement au Japon.
– Cosmétiques
Les racines des yuccas permettent de fabriquer du savon et du shampooing ; on utilise particulièrement l’espèce glauca, surnommée soap weed, ou l’espèce elata appelée soap tree yucca.
Les qualités du gel d’aloès, particulièrement les espèces vera et maculata, sont très prisées : régénérant, hydratant, astringent. On fabrique aussi du savon et du shampooing avec les aloès.
– Écologie
Les yuccas sont les plantes hôtes des papillons de nuit qui les pollinisent ; les oiseaux (orioles) construisent leur nid avec les feuilles filamenteuses de certaines espèces ; de nombreux insectes s’en nourrissent, les fruits sont riches en sucre et appréciés des mammifères, cerfs, lièvres, rats, pécaris, bovins…
En Amérique Centrale et du Sud, c’est une plante d’ombrage dans les plantations de caféiers.
– Ornementales
Les horticulteurs/pépiniéristes conscients des problèmes climatiques s’intéressent à ces plantes succulentes peu gourmandes en eau.
Le yucca est très prisé comme plante d’intérieur avec l’espèce gigantea souvent vendu en tant que Yucca elephantipes. Dans les années 1980/90, c’était la plante la plus vendue pour les intérieurs, mais le côté piquant de son aiguillon est venu à bout de ce statut, pourtant c’est vraiment la plante à mettre entre les amateurs dépourvus de ‘main verte’ à condition de ne pas être un obsédé de l’arrosage.
C’est une plante dépolluante qui absorberait le monoxyde de carbone, le benzène et l’ammoniac.
Yuccas et agaves peuvent être utilisés en clôtures défensives mais aussi ornementales. L’Agave attenuata est plébiscitée pour son absence d’épines.
– Mythologie
Les Garifunas (Afro-américains d’Amérique Centrale) considéraient que l’âme de l’homme était divisée en trois parties : la force vitale du cœur – l’âme qui réside dans la tête – le corps astral ou esprit double. Après la mort, le corps astral arriverait au paradis où les yuccas poussent en abondance.
Mayahuel est la déesse aztèque des agaves. Déesse de la fertilité et de l’abondance, elle n’avait pas moins de 400 enfants et autant de mamelles ; au Mexique les couples en mal d’enfants refaisaient leur toiture avec des feuilles d’agave dans l’espoir d’une nouvelle fertilité. C’est aussi la déesse de l’ébriété.
Dans la mythologie grecque, Agavé (agauê) est la fille de Cadmos et d’Harmonie ; c’est la mère de Penthée, futur roi de Thèbes qu’elle fit périr lors d’un délire bachique.
– Emblèmes et symboles
Yucca
La fleur du Yucca gigantea, appelée izote, est la fleur nationale du Salvador.
Celle du Yucca glauca, petite saponaire, est la fleur nationale du Nouveau-Mexique.
Agave
C’est l’emblème de la sécurité car son utilisation en haies se révèle inviolable mais, au Mexique, ce fut aussi un instrument de mortification utilisé par les adeptes des sacrifices humains.
Aloe
Cette plante a été vénérée par de nombreuses civilisations, c’est une plante divine, plante de l’immortalité par ses nombreuses vertus.
En Afrique elle a un statut protecteur, elle peut aussi attirer la chance.
Les samouraïs s’enduisaient le corps du gel de ‘bois d’aloès’ afin de chasser les démons, et aussi d’être immortels mais il ne s’agit pas d’aloès mais d’une résine issue d’arbres tropicaux, généralement du genre Aquilaria.
En Égypte, elle accompagnait le pharaon vers l’au-delà. C’est le symbole du bonheur et de la protection.
En Inde où elle est un symbole de renaissance et d’éternité, on dispose ses feuilles sur les bûchers funéraires.
Symbole de longévité des Templiers qui aimaient s’abreuver de ‘l’Élixir de Jérusalem’ : vin de palme, pulpe d’aloès et de chanvre.
Pour les Grecs, elle était le symbole de la beauté, la patience, la fortune et la santé.
– En culture, certaines espèces de yuccas et d’agaves ont un statut de protection, d’autres sont bannies dans certaines régions, tel l’Agave americana considéré comme trop invasif, il est interdit en Espagne.
– Arts
Le peintre Antoine Chazal a peint une huile sur toile intitulée ‘Yucca gloriosa dans le parc de Neuilly’, tableau non exposé mais présent au Musée du Louvre dans le Département des Peintures.
Le nom Yucca a inspiré le monde du cinéma et de la littérature mais aussi de la musique : ‘The Joshua tree’ est le nom du cinquième album studio du groupe irlandais U2 et une photo du Yucca brevifolia dans le désert de Mojave illustre la pochette ; U2 voyait en lui un symbole de foi et d’espoir au milieu de conditions extrêmes d’aridité ; le spécimen photographié est mort en l’an 2 000.
Mise à jour septembre 2024.