
Cet arbre fait partie d’une famille archaïque – les Magnoliaceae, famille représentée particulièrement par les Magnolia ; on date leurs apparitions sur terre au Crétacé supérieur (100,5 à 66 MA), ils sont considérés comme des arbres fossiles car ils ont peu évolués, la principale différence entre les tulipiers fossiles et les actuels tient surtout dans l’apparence des feuilles entières, ou plus ou moins lobées.
Cette famille est considèe comme la plus primitive des arbres à fleurs (angiospermes) qui aurait conservé quelques caractéristiques des gymnospermes (conifères). Ce fait a été confirmé dans des études faites sur le bois en 2024, démontrant que les macrofibrilles du bois ne correspondaient ni à celles des gymnospermes, ni à celles des angiospermes ; le tulipier serait un genre intermédiaire.
Ce qui distingue particulièrement cette famille, c’est le manque de distinction entre les sépales du calice et les pétales de la corolle, et de ce fait un terme a été créé : les tépales.
Selon les classifications, cette famille serait composée de 2 genres : Magnolia avec environ 218 espèces et Liriodendron avec actuellement 2 espèces, mais certains auteurs acceptent aussi le genre Talauma considéré parfois comme un sous-genre, et parfois aussi le genre Michelia, d’autres auteurs dénombrent de 7 à 12 (17) genres qu’ils répartissent dans 2 sous-familles, Liriodendroideae (Liriodendreae) avec le tulipier et Magnoloideae (Magnolieae) avec les autres genres. Affaire à suivre…
L’ancêtre de l’espèce tulipifera serait le Liriodendron procaccinii dont des feuilles fossilisées ont été retrouvées en Europe.
Est des USA pour tulipifera, et certaines régions de Chine pour chinense.
Le tulipier était toutefois présent en Europe occidentale jusqu’aux dernières grandes glaciations, période de conditions climatiques difficiles qui le chassèrent de ce lieu.
Des études de biologie moléculaire auraient démontré que les deux espèces encore présentes qui occupaient toute une partie de l’hémisphère nord, auraient été séparées faute de pont terrestre il y a 13 millions d’années.
– Concernant l’espèce tulipifera, elle a été introduite en Angleterre vers la fin du XVIIe par John Tradescant le Jeune suite à un de ses voyages en Virginie d’où le nom populaire de tulipier de Virginie.
En France, c’est le Marquis Roland-Michel Barrin de la Galissonnière qui en 1732 rapporta des graines dont certaines furent semées plus tard au Trianon.
Un peu plus tard en 1784, le Marquis Armand Tuffin de la Rouërie ramena de ses campagnes militaires en Amérique des tulipiers qu’il planta dans les jardins de son château, un spécimen serait encore bien vivant au château de La Rouerie ; il en offrit aussi plusieurs à ses amis.
– Quant à l’espèce chinense, elle a été introduite en 1901 en Europe par le botaniste britannique Ernest Wilson dit ‘le Chinois’.
– Liriodendron L.
Ce nom a été attribué par Linné en 1753 alors qu’auparavant certains botanistes s’étaient accordés pour le nom de genre de Tulipifera.
Liriodendron vient du grec ancien ‘leirion’ – lis et ‘dendron’ – arbre, en référence à la ressemblance des fleurs d’où son nom vernaculaire ‘arbre à fleurs de lis’. Toutefois son nom populaire de ‘tulipier’ est plus approprié même si la ressemblance de ses fleurs se rapproche encore plus du nénuphar, une des plantes aquatiques d’angiospermes les plus anciennes, d’ailleurs en Chine le tulipier est parfois appelé ‘l’arbre nénuphar’.


∙ Linné attribua l’épithète tulipifera à l’espèce américaine.
∙ En 1886, l’espèce chinense fut d’abord considérée comme une variété par William Botting Hemsley : Liriodendron tulipifera var. chinense. Elle fut reclassée en 1903 en tant qu’espèce par Charles Sprague Sargent sous le nom de Liriodendron chinense en référence à son origine.
– E Zhang Qiu 鹅掌楸属 est le nom en chinois mandarin de l’espèce chinense.
La forme de la feuille évoque la forme d’une veste portée par les anciens chinois ; on retrouve cette forme dans les couvertures adaptées aux chevaux d’où certains noms vernaculaires chinois.
– Tulip Poplar est le nom vernaculaire anglophone signifiant ‘peuplier tulipe’ en référence à des qualités de bois identiques.
Parfois nommé ‘Yellow Poplar’ en référence à la couleur blanc crème à marron olivâtre du bois de l’espèce américaine.
– Ne pas confondre
Le tulipier du Gabon, Spathodea campanulata, de la famille des Bignoniaceae, porte ce nom pour la ressemblance des fleurs. C’est là où on constate la limite des noms populaires, et personne ne pourrait affirmer si cette appellation est plus légitime dans l’hémisphère Sud que dans le Nord, toutefois on peut remarquer que le nom latin campanulata fait plus référence aux campanules qu’aux tulipes !

Ces deux espèces sont présentes en climats tempérés, au soleil ou à mi-ombre légère, sur des sols riches, profonds et humides mais bien drainés, avec une préférence pour une légère acidité. Le bois étant assez cassant, ils supportent mal les situations ventées.
L’espèce tulipifera aime l’eau, d’ailleurs on la trouve souvent dans les ripisylves (formation boisée, buissonnante et herbacée le long des rives), mais elle a besoin d’un sol bien drainé.
Si l’espèce chinense tolère un gel de -12°C à -17°C, l’espèce tulipifera accepterait jusqu’à – 30°C sur de courtes durées. Ils restent sensibles aux gelées printanières et automnales.
Les caractéristiques principales sont la forme des feuilles tronquées et la grande taille pour des feuillus.
Semblable à l’espèce américaine, le tulipier chinois est un peu moins robuste, plus petit, il en diffère par des feuilles plus grandes et plus profondément lobées, par la couleur cuivrée des jeunes pousses, ainsi que par l’absence de couronne orange sur les tépales intérieurs de la fleur.
– Malgré leur croissance rapide, ils peuvent vivre de 400 ans jusqu’à 500 ans pour tulipifera dans son habitat d’origine.
En France, le tulipier de Coursan en Othe dans l’Aube aurait 350 ans, suivi de peu par celui de Didonne en Charente Maritime, et celui de Lesches en Seine et Marne.
– Ces arbres de 20 à 40 m pour chinense et jusqu’à 50 à 60 m pour tulipifera avec un diamètre de 2 à 3 m, développent un tronc droit, au port généralement colonnaire, souvent pyramidal à l’état juvénile.
Aux USA, les arbres les plus remarquables de l’espèce tulipifera se trouvent dans le parc national de Great Smoky Mountains. Le plus grand répertorié en 1994 est celui de Bedford en Virginie avec 44,50 m de haut pour 3 m de diamètre.


– Avec l’âge, l’écorce gris-vert devient gris-beige et se craquelle en losanges allongés.

– La racine pivotante et les racines peu ramifiées permettent difficilement les transplantations.
– La souche peut rejeter vigoureusement s’il est coupé.
– Les jeunes rameaux vont du gris au rouge-bordeaux.
– Les bourgeons sont en forme de bec de canard.
– Les feuilles sont caduques, en position alternée, au bout d’un long pétiole (tige), avec la présence de 2 grandes stipules (appendices membraneux), ceci est un caractère évolué ; caduques, les stipules protègent la feuille jusqu’à son épanouissement final.
Cette feuille simple est en général formée de 4 lobes acuminés (la pointe s’amenuise fortement) ou arrondis, plus ou moins développés, mais certaines feuilles de l’espèce tulipifera développent jusqu’à 6 lobes.
La forme de la feuille est caractéristique avec un limbe (tissu végétal) tronqué entre les 2 derniers lobes ; elle est pratiquement aussi large que longue. Les nervures primaires sont disposées en arêtes de poisson.



Pour tulipifera, les feuilles de 10 à 16 cm sont portées par un long pétiole de 10 cm. À l’automne, la feuille verte devient jaune d’or puis brune, le revers est légèrement glauque.
Chinense présente des feuilles plus grandes, de 25 à 30 cm, pourpre-cuivré à l’émergence devenant vertes puis à l’automne jaunes puis brun-rouge, le revers est glauque argenté.

– Les gros bourgeons floraux sont protégés par 2 grandes bractées (organe intermédiaire entre la feuille et le pétale) caduques.

Cet arbre ne fleurit que vers 20 à 30 ans : patience ! Toutefois, les cultivars fleurissent vers 10 à 15 ans.
La floraison s’étale du printemps au début de l’été, en grandes fleurs terminales (plus petites pour chinense), solitaires, légèrement parfumées, souvent positionnées vers la cime.
Les fleurs sont hermaphrodites (bisexuées), protogynes (organes femelles matures avant les étamines), et actinomorphes (en forme de rayon comme une étoile). Elles sont portées par un robuste pédoncule (axe portant une fleur ou une inflorescence).
∙ 9 tépales se développent en 3 verticilles (organes insérés autour d’un axe) : 3 tépales externes, verts et pendants, sépaloïdes + 2 autres verticilles de 3 tépales chacun, pétaloïdes. Les tépales dressés sont vert très clair à blanc-vert avec une couronne orange à la base pour tulipifera ou vert-jaunâtre striés de jaune-orangé pour chinense. Le nectar est offert au niveau de la couronne ou des stries orange.
∙ De nombreuses étamines (pièces florales mâles) jaunes à orange, longues et charnues (caractère primitif), aux filaments très courts à la moitié des anthères (extrémité fertile d’une étamine).
∙ Les étamines entourent les pistils disposés en spirale sur un réceptacle (thalamus), formant un pseudo-cône (caractère primitif). Si le style (tige de l’organe femelle reliant l’ovaire au stigmate) est court et recourbé chez les magnolias, il est long et acuminé chez le tulipier, accrescent (après fécondation, continue de se développer jusqu’à faire partie du fruit), il se transforme en aile. Le stigmate (extrémité supérieure du style) est décurrent (le point d’insertion se prolonge sur l’élément porteur).
L’ovaire est supère et ses carpelles (loges) sont libres et portent chacune 2 ovules.
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La pollinisation de préférence croisée est assurée par les insectes (tels les coléoptères, une des caractéristiques des magnoliacées) et les oiseaux, mais elle n’est pas très efficace et le taux de production de graines est assez faible. Certains pensent que ce ne sont pas les coléptères mais surtout les abeilles qui assurent la pollinisation, c’est probablement vrai à l’heure actuelle.

– Les fruits coniques sont matures à l’automne. Écailleux, ils sont à la base des pistils transformés et formant un agrégat de 60 à 70 akènes (la graine n’est pas soudée à son enveloppe) ailés et secs, des samares. Indéhiscents (contrairement aux magnolias), ils se détachent à maturité, et sont dispersés par le vent, mais persistent souvent sur l’arbre durant l’hiver.


Tout comme le magnolia, les étamines et les tépales laissent après leur chute des cicatrices bien visibles au bas du pseudo-cône.

– Hybride
Ces deux espèces sont interfertiles d’où la création naturelle d’hybrides. L’hybride chinense x tulipifera est plus facile à cultiver et à multiplier, sa floraison est plus longue, et il est plus résistant que ses parents.
– Cultivars de tulipifera
. Aureamarginatum aux feuilles bordées de jaune pâle.
. Fastigiatum au port érigé.
. Integrifolium dont les feuilles rectangulaires ne sont pas lobées.
– On leur connaît peu d’ennemis.
– Le bois tendre et léger est peu durable et assez cassant, il l’est encore plus pour chinense.
Aux USA, ce bois est utilisé pour les planchers, les encadrements, le mobilier, le contre-plaqué, le placage, les instruments de musique tel les pianos et les orgues, les crayons… On peut aussi en faire de la pâte à papier.
Les Amérindiens construisaient des pirogues et des canots avec son bois, c’est pourquoi on peut le trouver sous le nom de canoewood.
De qualité modérée, l’espèce chinense est utilisée localement pour fabriquer des meubles bon marché.

Parmi les premiers arbres introduits en France, deux furent plantés en 1783 au Trianon à la demande de Marie-Antoinette qui affectionnait particulièrement les tulipiers. La tempête de 1999 les a abattus. Un des troncs a été acheté par un coutelier de Sauveterre de Rouergue en Languedoc-Roussillon (12) ; il en sortit 1755 couteaux numérotés. Dans le village, la souche est exposée et la place est encadrée d’une plantation de tulipiers.
– Alimentaire
La fleur produit une grosse quantité de nectar. Le miel produit est très foncé et a un goût très fort ; il est utilisé parfois par des boulangers le mélangeant à leur pain.
– Écologie
L’écorce et le bois sont appréciés du gibier et des rongeurs qui provoquent parfois des dégâts pouvant affaiblir l’arbre et permettre l’introduction de parasites.
Plante hôte de papillons du genre Papilio, Hemiargus et Plebejus dont les chenilles se nourrissent du feuillage.
Il sert de site de nidification.
– Médicinales
De son écorce, on extrait un succédané de la quinine, la liriodendrine.
Les Amérindiens l’utilisaient comme stimulant cardiaque, contre les fièvres, les rhumatismes et les troubles digestifs.
Pharmacopée indonésienne contre les fièvres.
– En France, l’utilisation est surtout ornementale, à réserver en isolé dans un grand jardin.
Le tulipier craint les tailles trop sévères et n’est pas l’arbre de prédilection à conduire en bonsaï, mais certains y arrivent, l’espèce chinense s’y prêterait mieux.
– Tulipifera est l’arbre officiel du Tennessee depuis 1947, cette espèce y est grandement représentée et aurait permis aux pionniers de fabriquer le mobilier de leurs maisons ; c’est aussi l’arbre officiel du Kentucky depuis 1994, ainsi que de l’Indiana, on retrouve les feuilles représentées sur la bordure du sceau de l’Indiana.

– En Chine, dans le langage des fleurs, il représente l’engagement et le crédit.
– Chinense est une espèce rare, inscrite sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature).

Mise à jour octobre 2025.