Le genre Senna est inclus dans la grande famille des Fabaceae – les légumineuses et plus particulièrement dans la sous-famille des Caesalpinioideae particularisée par des fleurs pseudo-papilionacée (aspect de papillon de forme irrégulière), et de la tribu Cassieae.
Autrefois, les espèces de ce genre étaient incluses dans le genre Cassia, un des genres les plus importants des plantes à fleurs – des angiospermes mais aussi un genre fourre-tout qui présentait une grande diversité taxonomique intriguant de nombreux botanistes.
∙ C’est un des botanistes les plus illustres de son époque – Joseph Pitton de Tournefort qui créa le genre Senna en 1694 dans son ouvrage ‘Éléments de botanique ou méthode pour connaître les plantes’ basé sur la structure des fleurs et des fruits. Il ne reconnut alors que deux espèces de Senna : alexandrina et italica.
∙ En 1754, le botaniste écossais Philip Miller, fervent défenseur des classifications de Tournefort, confirma officiellement le genre Senna et sépara ainsi certaines Senna des Cassia. Mais à cette époque, la classification de Linné faisait foi et ce dernier regroupait les genres Cassia, Senna et Chamaechrista dans le genre Cassia.
∙ Augustin Pyrame de Candolle réalisa un travail considérable sur les Fabaceae et particulièrement sur les Cassia.
∙ En 1871, George Bentham divisa ce genre en 3 genres et 9 sections.
∙ En 1982, à l’instigation des botanistes Howard Irwin et Rupert Barneby, des analyses phylogénétiques de l’ADN confirmèrent la différenciation du genre Cassia en 3 sous-genres si proches (particulièrement Cassia et Senna) que cette nouvelle classification basée sur des études faites sur des espèces américaines pourrait être reconsidérée. Ils élevèrent le genre Cassia de Linné au rang de sous-tribu Cassiinae.
Bien souvent, les arbustes ont été regroupés dans le genre Senna et les arbres tropicaux dans le genre Cassia avec 30 espèces. On compte environ 270 (à 350) espèces pour le genre Senna et 270 espèces pour Chamaecrista.
Suite à de nouvelles reclassifications, plusieurs espèces de Senna sont désormais considérées comme des sous-espèces de Senna artemisioides. Environ 11 sous-espèces s’hybrident très facilement; on les appelle des ‘nothosubspecies’ littéralement des ‘sous-espèces bâtardes’.
Régions tropicales en général et quelques espèces en régions tempérées chaudes.
80% des espèces sont originaires d’Amérique. Aux USA dans le Tennessee, des gousses fossilisées ont été retrouvées et datées de l’époque Éocène (56 à 33,9 millions d’années).
Les 20% restantes se trouvent surtout en Afrique et en Australie où 33 espèces y sont endémiques. Aucune espèce n’est originaire d’Europe.
De nombreuses espèces se sont naturalisées dans de nombreux pays.
Suite aux différentes classifications, de nombreuses espèces de Senna ont tout d’abord portées le nom de Cassia et l’ont désormais comme synonyme.
– Cassia L.
Ce nom vient du grec ‘kasia’ utilisé par Dioscoride pour désigner une plante nommée en hébreu ‘quetsi’oth’. En 1753, Carl von Linné transforma ce nom en latin ce qui donna Cassia, nom d’un genre qu’il attribua à certaines plantes telle Cassia fistula dont les fleurs jaunes d’or ne ressemblent pas aux acacias mais donnent un aspect semblable à l’arbre en pleine floraison; Cassia fistula originaire d’Inde et sa région était connue pour ses qualités pharmacologiques et on peut supposer qu’il s’agit de l’arbre dont parlait Dioscoride.
– Senna Mill.
Ce nom vient de l’arabe ‘sana’ – sain, de ‘sanare’ signifiant guérir, désignant une plante dont les gousses et les feuilles ont des propriétés laxatives. On retrouve pour la première fois le nom de ‘sana’, le séné de la Mecque, utilisé dans le ‘Livre des médicaments simples’ du médecin arabe Sérapion le jeune. Ce nom serait issu soit de la contrée africaine de Sennaar dans l’ancien royaume de Babylonie soit de Kéné, une ville d’Arabie d’où parvenaient de nombreuses espèces médicinales de séné.
– Séné est le nom vernaculaire français. En Égypte, les feuilles des espèces de Senna étaient mélangées avec celles du Cynanchum et vendues sous le nom collectif de ‘senné’ d’où le nom de séné issu de sana.
– D’autres plantes portent le nom de séné mais n’en sont pas :
∙ Le baguenaudier – Colutea arborescens de la même famille porte le nom de faux-séné ou séné bâtard. Son allure générale ressemble aux sénés mais à y regarder de plus près, même si le feuillage est semblable, les fleurs sont nettement papilionacées et la gousse est une vessie enflée bien différente.
∙ Le séné de Provence – Globularia alypum de la famille des Globulariaceae est un sous-arbrisseau développant des fleurs bleues ressemblant aux marguerites. Seule son utilisation contre la constipation le rapproche du séné.
Selon l’espèce, l’habitat est bien différent. Certaines sont des plantes de brousse ou de savane et préfèrent les régions arides, d’autres apprécient les bosquets humides (mais bien drainés) en marge des forêts ou au bord de l’eau en zones inondables.
Certaines espèces sont totalement intolérantes au gel mais d’autres peuvent résister à -4°C certaines jusqu’à -8°C et parfois (mais rarement) au-delà en repartant de la souche.
Le plein soleil est généralement de rigueur et un sol neutre leur convient.
En culture (où elles sont souvent traitées comme des annuelles), une bonne irrigation favorise grandement le rendement de feuillage et de gousses.
L’espèce type est Senna alexandrina, le séné d’Égypte, originaire d’Afrique et de la péninsule arabique.
Contrairement aux autres légumineuses, les espèces de Senna ne produisent pas de nodules fixatrices d’azote sur leurs racines et ne vivent donc pas en symbiose avec des bactéries. Les espèces du genre Chamaecrista font partie des rares Caesalpiniaceae à en développer.
Les Cassia ne portent jamais de glandes à nectar mais les Senna et les Chamaecrista présentent des nectaires extrafloraux sur les feuilles ou sur les tiges des fleurs, qui attirent ainsi les fourmis sensées défendre la plante contre les herbivores. Ce manque de nectar dans les fleurs oblige les plantes à fournir une bonne quantité de pollen afin d’attirer les pollinisateurs, c’est pourquoi les Senna produisent différentes étamines.
– Croissance rapide.
– Dans ce genre, on trouve des herbes, des arbustes ramifiés ou des arbres.
– Les feuilles caduques à semi-persistantes ou persistantes sont disposées en spirale. Elles sont composées, paripennées (nombre de folioles paires), aux folioles (divisions d’une feuille composée) opposées, subsessiles (presque directement sur l’axe), longilignes, ovales ou elliptiques, obtuses ou pointues, du vert argenté au vert brillant.
À la base de la première paire de folioles, on trouve souvent la présence d’une petite glande nectarifère noirâtre.
Le feuillage a une odeur assez forte et parfois peu agréable. Les feuilles froissées de l’espèce alexandrina développent une odeur de cacahuète ; l’espèce didymobotrya porte le nom vernaculaire anglais de ‘popcorn cassia’ en référence à l’odeur de popcorn brûlé de ses feuilles, on parle aussi d’odeur de beurre d’arachide.
– La maturité sexuelle serait très précoce et d’après certains apparaîtrait la première année du semis.
Les fleurs hermaphrodites (bisexuées) se développent généralement en inflorescences (grappes de fleurs) de type racème (fleurs s’échelonnant par alternance le long d’un axe), très rarement en fleur solitaire. Ce sont des grappes voyantes, terminales ou axillaires, dressées ou pendantes, inodores.
La floraison est souvent étalée tout au long de l’année avec des pics différents selon l’espèce. Par exemple, Senna pendula et Senna bicapsularis fleurissent surtout l’hiver et portent d’ailleurs le nom de ‘séné (ou cassia) de Noël’ ; Senna artemisoides fleurit aussi abondamment en hiver ; Senna candolleana fleurit de l’hiver à l’été ; Senna didymobotrya de l’été à l’automne mais en Afrique, il fleurit deux fois par an ; Senna alexandrina fleurit toute l’année…
Même si la fécondation croisée est de rigueur, les espèces assument généralement une auto-compatibilité.
Les fleurs très légèrement zygomorphes (pétales ou/et sépales disposés bilatéralement) sont pédonculées (axes portant une fleur ou une inflorescence).
∙ Avant ouverture, elles sont protégées par une grande bractée (organe intermédiaire entre la feuille et le pétale) caduque, elliptique ou obovale. Chez l’espèce didymobotrya, la bractée brun-noir est épaisse et spectaculaire.
∙ Le calice est constitué de 5 sépales verts, jaunes ou marron, à l’apex (sommet) arrondi.
∙ Les 5 pétales libres sont très légèrement irréguliers, imbriqués, à l’apex arrondi, généralement jaunes à orangés.
∙ Les 10 étamines (pièces florales mâles) libres ont des tailles souvent différentes et certaines sont parfois des staminodes (étamines atypiques et surtout stériles) ; on compte alors, généralement, 7 étamines fertiles et 3 staminodes. Certaines étamines ont un rôle uniquement attractif pour l’abeille qui se nourrit de leur pollen (nourriture des larves), ce sont des étamines de longueur courte, au pollen de grosse taille et bon marché (fertilité de qualité moindre), d’autres sont des étamines spécifiquement pollinisatrices, elles sont longues et moyennes et leur pollen est petit mais très fertile. Parfois les filets des étamines fertiles sont plus courts que les anthères (extrémités fertiles d’une étamine), elles-mêmes plus ou moins imposantes.
Prenons l’exemple de l’espèce didymobotrya : l’insecte est tout d’abord attiré par la couleur vive des pétales et comme un avion qui arrive sur une piste d’atterrissage, il est dirigé vers le cœur de la fleur par les staminodes qui s’exposent au fond comme des indicateurs de direction. L’insecte traverse l’arche d’entrée constituée de chaque côté par deux longues étamines fertiles aux grosses anthères arquées et à la base par une étamine moyenne et fertile. De la même manière que l’on actionne un moyen de paiement pour activer les jets d’eau d’une laverie automatique de voiture, les pollinisateurs émettent un vrombissement – c’est la pollinisation vibratile ou sonication, buzz pollination – qui est le signal pour les anthères de libérer non pas des jets d’eau mais un nuage de pollen sur le pétale faisant face aux étamines longues, ce dernier par ricochet renvoie le pollen sur le dos de l’abeille, pendant ce temps là l’étamine moyenne pulvérise aussi son pollen attiré par la positivité magnétique de l’insecte. L’insecte indifférent à cette douche butine le pollen des étamines courtes et repartira polliniser à son insu d’autres fleurs. Ainsi, tout le monde est content !
La pollinisation des Senna est plus particulièrement effectuée par des insectes de taille assez imposante pouvant produire une forte vibration ; selon la région, ce sont de grandes abeilles du genre Xylocopa et Epicharis ou des bourdons – Bombus. L’abeille européenne – Apis mellifera visite aussi les fleurs mais étant de taille trop petite pour faire vibrer les anthères, elle se comporte, au regard de la fleur, comme une voleuse de pollen.
∙ Le long ovaire supère (pièces florales insérées au-dessous) est surmonté d’un style (tige reliant l’ovaire au stigmate) arqué, plus ou moins long selon l’espèce, au centre de la fleur. Le style se termine par un petit stigmate (partie réceptrice de pollen) obtus.
– Les fruits sont en gousse lisse, souvent déhiscente (ouverture spontanée) mais parfois tardivement, resserrée entre les graines. La gousse contient de nombreuses graines ovales et pointues et parfois séparées chacune par de petites cloisons.
– Multiplication par graines et boutures.
– Pas d’ennemis.
– Médicinales
De nombreuses espèces de Senna ont des vertus médicinales. Ce sont les feuilles et les gousses séchées qui sont utilisées car, attention, leurs graines se révèlent très toxiques à forte dose.
L’espèce type – Senna alexandrina est connue pour ses vertus laxatives et purgatives depuis l’Antiquité. Dés le IXe siècle, les médecins arabes le prescrivaient et au XVIIIe siècle il faisait partie des pharmacopées occidentales.
À l’heure actuelle, l’Inde serait le plus gros producteur et exportateur, particulièrement dans la région de Madras, aujourd’hui Chennai.
Localement et traditionnellement, on utilise les vertus de nombreuses espèces dans les cas de constipation – stimulant du transit intestinal – rhume – paludisme – dermatose – jaunisse – hémorroïde…
En médecine ayurvédique indienne, il est utilisé contre les pathologies du foie.
En phytothérapie, les feuilles sont particulièrement utilisées comme laxatif.
Des tests scientifiques sont à l’étude afin d’augmenter le spectre médical, toutefois au vu de la toxicité de cette plante, l’Organisation mondiale de la santé la considère comme un traitement ponctuel de constipation occasionnelle à prescrire sous avis médical.
– Alimentaire
Les graines torréfiées de certaines espèces peuvent être utilisées comme substitut du café et les feuilles en infusion comme substitut de thé.
Les feuilles et les fleurs du Senna siamea rentrent dans la cuisine du Sud-Est asiatique, notamment en Thaïlande dans une célèbre soupe – la ‘kaeng khilek’ ou au Cambodge où elle est appelée ‘sâm-lâ kâ-kô’.
Les jeunes feuilles tendres peuvent être cuites comme légume en cas de pénurie.
Au Kenya, lors de festivités, on en fabrique un lait caillé.
Les gousses de l’espèce bicapsularis ont une pulpe assez abondante, douce et comestible, ressemblant au goût du tamarin – Tamarindus indicus.
La gomme obtenue à partir des graines sert d’épaississant dans les crèmes glacées, les desserts lactés, les pâtisseries industrielles (particulièrement l’espèce obtusifolia), les soupes, les sauces…
La cendre des brindilles brûlées est utilisée pour tapisser l’intérieur des gourdes où l’on stocke le lait qui peut alors se conserver plus d’un an !
Les feuilles enroulées autour des bananes permettent leur mûrissement.
L’utilisation comme fourrage est à manipuler à certaines périodes de développement de la plante et avec parcimonie.
– Écologie
Le séné est une nourriture importante pour les chenilles de nombreuses papillons, les lépidoptères.
Son implantation peut favoriser la consolidation des sols.
– Cultures
Le séné est l’hôte de la cochenille farineuse du caféier – Pianococcus kenyae, ennemie des plantes cultivées.
Il est utilisé comme plante d’ombrage pour la culture du thé.
C’est un bon engrais vert à récolter quand il est en fleurs en raison de sa teneur élevée de nutriments à cette époque-là.
Déclenchant la germination des graines de la plante parasite Striga (ravageur des plantes céréalières en Afrique), il peut être utilisé comme piège dans les rotations des céréales.
– Bois
Il est utilisé en artisanat, en outils agricoles ou pour fabriquer des nattes ou des clôtures.
Bois de chauffage.
– Autres utilisations
Les graines, les feuilles et les racines de certaines espèces servent de colorant.
Tannage.
– C’est une plante particulièrement ornementale.
– Considérée souvent comme envahissante, c’est une plante très résistante, certaines espèces arrivent même à faire front au terrible désherbant – le glyphosate.
– Symboles
∙ Senna auriculata est la fleur officielle de l’état du Telangana en Inde.
∙ En sorcellerie, en magie, le séné est censé protéger des ennemis.
Mise à jour le 31 mars 2020.