Ses rameaux flexibles dansent avec le vent ; même s’ils peuvent être cassants, ils représentent la souplesse par leurs mouvements ; un proverbe japonais dit « La neige ne brise jamais une branche de saule’. Romantique, le saule est lunaire et représente la fluidité et l’impermanence. Comme toutes les plantes qui poussent vite, il ne vit pas longtemps, mais le moindre bout de branche tombé s’enracine lui assurant la longévité qui lui fait défaut initialement. Ses rameaux nous offrent les paniers en osier, son bois les battes de cricket, son écorce a soulagé nos maux de tête et nos fièvres avec ce qui deviendra l’aspirine. Son allure ravit nos jardins et illumine nos abords de rivières.
Ce genre fait partie de la famille des Salicaceae. Il est proche du peuplier – Populus, genre avec lequel il constitue la famille des Salicaceae. Autrefois, on comptait aussi le genre Chosenia, mais il n’a plus de représentants. La classification phylogénétique de 2003 incorpore dans cette famille une partie des flacourtiacées et l’unique membre des scyphostegiacées ; les salicacées comptent désormais, 55 genres et 1 000 espèces.
La famille des Salicaceae serait apparue au Crétacé supérieur (100,5 à 66 MA) ; il a été trouvé du pollen fossilisé estimé à 90 MA. Cette famille était particulièrement représentée par des peupliers et quelques saules. Les fleurs apétales attestent leur côté primitif.
Régions tempérées et froides de l’hémisphère nord.
Et plus particulièrement pour les plus connus :
– Salix nigra est le plus grand des saules américains et l’espèce la plus courante en Amérique du Nord.
– Salix alba, fragilis et viminalis sont européens.
– Salix babylonica vient de Chine. Cette espèce aurait été introduite en Europe au XVII° siècle en provenance du Japon.
– Salix caprea est eurasiatique.
– Salix L.
Salix est un nom venant du celte issu du sanskrit, ‘sal’ signifiant ‘près de’ et ‘lis’ signifiant eau, en référence à son habitat de prédilection. Ce nom a été donné par Linné en 1753.
– Saule est le nom vernaculaire (populaire) issu du nom germanique ‘salxaz’ issu lui-même de l’indo-européen commun.
– Willow est le nom anglophone qui serait issu du vieil anglais welig signifiant luxuriant.
– Osier est le nom de l’ancien français ‘osière’ du bas-latin ausaria signifiant ‘bosquet – groupe d’arbres’ qui serait issu de l’ancien francique ‘alisa’ désignant l’aulne ; ces deux arbres se côtoient le long des rivières, d’où la confusion.
∙ Osier blanc : Salix alba.
∙ Osier vert ou blanc : Salix viminalis – saule des vanniers.
∙ Osier pourpre : Salix purpurea, dont les fleurs mâles ont des anthères pourpres.
∙ Osier brun : Salix triandra, saule à 3 étamines.
∙ Osier jaune : Salix x rubens.
– Autres noms spécifiques :
∙ L’espèce alba du latin signifiant blanc tient son nom de la couleur de ses feuilles.
∙ L’espèce nigra du latin signifiant noir tient son nom de la couleur de son écorce.
∙ L’espèce babylonica est originaire de Chine du Nord ; son nom est donc une appellation erronée du fait que Babylone est une ville antique de Mésopotamie, actuellement l’Irak, située à 100 kms de Bagdad. En fait, c’est une erreur de Linné qui a confondu cette espèce avec un autre arbre – Populus euphraticata originaire de Mésopotamie dont il est question dans la Bible.
Chui Liu – 垂 柳 nom chinois de l’espèce babylonica signifie ‘saule à l’envers’ faisant référence à son aspect pleureur.
Un grand spécialiste des saules, le botaniste et naturaliste russe Alexei Skvortsov considère que l’espèce matsudana, originaire de Chine et de Corée, est un synonyme de babylonica.
∙ Le nom de l’espèce caprea est issu du latin signifiant chèvre. Linné aurait attribué ce nom selon l’appellation de l’illustration de 1539, de Jérôme Bock, où l’on voit une chèvre brouter cette plante.
Le nom vernaculaire de cette espèce est marsault ou marsaule ou marseau désignant ce saule qui pousse près des marais. Du latin marsalix de marem salicem signifiant ‘saule mâle’ en référence à ses rameaux rigides et à ses feuilles plus larges que les autres espèces qui lui donnent un aspect robuste, mâle. En effet, jusqu’au XVII° siècle, pour les anciens naturalistes, l’appellation mâle ou femelle obéissait au concept de l’apparence : un arbre au bois robuste et au branchage irrégulier était un mâle, alors qu’un arbre au tronc bien droit et au branchage harmonieux était une femelle !
Pussy willow est son nom anglophone évoquant l’épi floral particulièrement décoratif.
∙ L’espèce fragilis tient son nom de ses rameaux cassants. Son nom anglais ‘Crack Willow’ rappelle le bruit que les rameaux font en se cassant.
∙ Viminalis est issu du latin vimen signifiant ‘bois ou baguette flexible’ en référence à l’utilisation en vannerie de cette espèce.
La plupart des saules aime s’installer le long des ruisseaux et des cours d’eau, aussi bien en plaine qu’en montagne, d’autres sont moins regardants. Ils apprécient beaucoup la pleine lumière (ce sont des plantes pionnières), et un sol léger et neutre. Rustiques, ils sont tolérants au gel.
– Leur croissance est rapide, et leur longévité d’une centaine d’années.
– Arbres, arbustes ou arbrisseaux, leur taille varie de 10 à 15 cm pour le plus petit arbrisseau au monde avec Salix arctica, ou de 10 à 40 cm pour Salix reticulata qui vit près des torrents montagnards, mais plus généralement ce sont des arbres de 10 à 30 m jusqu’à 45 m pour l’espèce américaine Salix nigra.
Les arbres et arbustes ont un tronc épais, et parfois de multi-troncs.
– L’écorce gris clair à gris foncé se crevasse avec l’âge. En général à l’automne, les saules se couvrent d’une pruine blanche, une sorte de cire hydrophobe qui les protège durant l’hiver; afin de respirer, la plante développe sur son tronc des lenticelles (pores servant aux échanges gazeux).
– Le système racinaire est profond mais aussi traçant. Le pivot qui permet l’ancrage dans une ambiance saturée d’eau a tendance à disparaître au fil du temps. Certaines espèces de saules supportent l’excès d’eau en transportant l’oxygène des partie aériennes jusqu’aux racines grâce à l’aérenchyme, un tissu particulier, très poreux, qui laisse circuler les gaz.
Certaines espèces (tiges souterraines pouvant développer des bourgeons aériens) et peuvent devenir envahissantes.
– Les rameaux peuvent être dressés ou pendants. Ils arborent différentes couleurs : vert – blanchâtre – jaune – rouge – orange ; souvent la couleur est très lumineuse. L’espèce babylonica a les rameaux jaunes contrairement à Salix alba ‘Pendula’ dont les rameaux sont blanchâtres.
Les rameaux peuvent parfois être pubescents, tel le saule laineux – Salix lanata. Ils sont parfois cassants, telle l’espèce fragilis.
– Les feuilles sont caduques, alternes, plus ou moins pétiolées (axes reliant la feuille à la tige), acuminées (la pointe s’amenuise fortement), lancéolées ou ovales ; généralement, le limbe (tissu végétal) de cette feuille simple est deux fois plus long que large. La couleur et la pubescence (poilue) des feuilles dépend de l’espèce ; avant de tomber en début d’hiver, elles deviennent jaunes. Présence de stipules (appendices membraneux) souvent caduques. Les feuilles peuvent être déformées par des galles orange ou rougeâtres causées par des insectes, c’est souvent le cas pour l’espèce viminalis avec l’insecte Pontania viminalis.
– Floraison : il a été remarqué que, généralement, les saules fleurissant au début du printemps avant le débourrement des feuilles sont souvent de petites tailles, par contre les saules fleurissant un peu plus tard, au milieu du printemps et au début de l’été, ont une taille plus développée. La floraison de l’espèce caprea est précoce dès la fin de l’hiver avant la feuillaison, très mellifère c’est un véritable atout pour les abeilles.
Ce sont des plantes dioïques – pieds mâle et femelle séparés.
Les fleurs se développent en chatons oblongs et érigés – plante amentifère. Les mâles sont de couleur jaunâtre (la plupart du temps), sur un pied différent des chatons femelles de couleur verte ; certains espèces présentent des chatons argentés. La pollinisation se fait par le vent – anémophile – ou les insectes – entomophile.
Les fleurs sont rudimentaires :
∙ 1 ou 2 nectaires à l’aisselle d’une bractée (organe intermédiaire entre la feuille et le pétale) protégeant les organes sexuels.
∙ Pas de périanthe (ensemble des pièces protectrices de la fleur) : ni calice, ni corolle.
∙ Fleurs mâles à 2 étamines (pièces florales mâles) aux anthères (extrémités fertiles d’une étamine) généralement jaunes même si l’espèce purpurea développe des anthères rouges très voyantes.
∙ Pour les femelles, 2 pistils fusionnent en un style (tige reliant l’ovaire au stigmate) court ou long, correspondant aux 2 carpelles (loges). Le style a généralement 2 stigmates (parties réceptrices de pollen) bifides (fendus en deux).
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– Les fruits en capsule déhiscente (ouverture spontanée) à deux valves sont remplies de graines cotonneuses.
– Les saules s’hybrident et se bouturent très facilement, contrairement aux autres saules, l’espèce caprea ne se bouture pas facilement.
∙ Salix alba avec Salix fragilis donne Salix x rubens qui présente les caractères des deux espèces. Il est souvent cultivé pour la vannerie : osier jaune et pour fabriquer des battes de cricket.
∙ Salix babylonica s’hybride facilement avec l’espèce alba : Salix x sepulcralis ; les spécimens de saules pleureurs rencontrés en culture seraient principalement issus de cet hybride.
Babylonica s’hybride aussi avec le saule rouge, Salix fragilis : Salix x pendulina ; bien souvent, ce sont des cultivars de babylonica, l’espèce type n’existant probablement plus à l’état sauvage en Chine.
Ces hybrides sont moins sensibles au chancre.
– Cultivars
∙ Salix integra ‘Hakuro Nishiki’ est un cultivar japonais nain, il a été créé dans les années 1990. Il est très apprécié car il attire le regard avec ses fines feuilles lancéolées de couleur rose saumon au printemps, d’où son nom de saule crevette, puis les feuilles deviennent vertes tachetées de blanc crème ; en hiver, ses rameaux prennent une jolie couleur rouge. Il est souvent greffé sur tige et taillé en boule.
∙ Salix matsudana (babylonica) ‘Tortuosa’ est une variété horticole très prisée dans les jardins pour sa petite taille (maxi 10 m) et surtout pour ses rameaux et ses feuilles tortueuses.
∙ À partir du petit (5 m) saule de Sakhaline – Salix udensis, d’origine japonaise, ont été créés deux cultivars rustiques et surtout très spectaculaires :
‘Sekka’ aux rameaux brun-rougeâtre à rouge-violacé, aplatis, et aux gros chatons. Ce cultivar (clone mâle) japonais est apprécié par les amateurs d’ikebana.
‘Golden Sunshine’ au feuillage jaune vif à jaune lumineux. C’est aussi une variété horticole japonaise que l’on rencontre encore peu dans nos jardins car assez récente (2007), cela ne devrait pas durer car il illumine la partie du jardin où il se trouve !
– Ennemis : leur plus grande ennemie est la sécheresse.
Le chancre, nécrose de l’écorce et du cambium (fine couche de cellules de croissance en diamètre) est dû à un champignon. Les pucerons, la rouille, les charançons, les chenilles sont des ennemis potentiels.
Plusieurs espèces présentent des balais de sorcières, des excroissances compactes dues, probablement, à une bactérie, mais cela ne provoque aucun dégât, néanmoins, il peut s’y développer des acariens, et particulièrement Stenacis triradiatus.
Un endroit où se développe des saules est une saulaie ou une saussaie. Une rangée de saules s’appelle une saulée. Un lieu planté d’osiers est une oseraie où se pratique l’osiériculture (ex saliciculture), une culture où les arbres sont travaillés en forme de têtard.
– Environnementales
Cette plante pionnière colonise les friches le long des berges de rivières, souvent en compagnie du bouleau – Betula, du peuplier – Populus et de l’aulne – Alnus. Elle stabilise les sols ; certaines espèces les dépolluent, l’espèce viminalis est une plante dite ‘hyperaccumulatrice’ qui stocke les tissus polluants du sol. Ce sont d’excellents brise-vents, Salix exigua est un arbrisseau au feuillage fin et grisâtre, souvent utilisé en haie.
– Le bois fragile est utilisé en sculpture, en saboterie, pour fabriquer des manches d’outils et des battes de cricket…
Concernant les battes de cricket, le bois du saule anglais – Salix alba – est réputé pour sa légèreté et sa résistance, mais pour les débutants, le bois du saule du Cachemire – Salix cachmiriana – moins onéreux et plus lourd, se révèle suffisant et conseillé.
∙ Mauvais combustible, il brûle rapidement ; autrefois, il était utilisé comme ‘coups de feu’ par les boulangers.
∙ Lors de la révolution américaine, le bois transformé en charbon servait de poudre à canon.
∙ Certaines espèces permettent de fabriquer des fusains d’artistes.
∙ L’écorce riche en tanin était utilisée pour le cuir.
∙ Les longs et souples rameaux annuels sont utilisés en vannerie, et particulièrement les espèces alba, triandra, purpurea, viminalis… Les arbres sont alors particulièrement cultivés en forme ‘têtard’.
– Autrefois, l’eau de saule était utilisée comme hormone de bouturage pour les autres plantes.
– Médicinales
∙ Depuis l’Antiquité, les hommes utilisent des décoctions de saule pour soigner leurs fièvres et leurs maux de tête.
Un papyrus égyptien, daté de 1550 avant J.-C., mentionne la décoction de feuilles de saule.
Hippocrate (460-377 av. J.-C.) conseillait une préparation à base d’écorce de saule blanc – Salix alba.
Le saule fut utilisé en médecine traditionnelle chinoise dès le Ve siècle avant notre ère pour lutter contre toutes sortes de maladies.
Contre les maux de tête, les Amérindiens utilisaient les jeunes rameaux et l’écorce en infusion ou mâchés. Le saule fait encore partie de la pharmacopée américaine.
∙ En 1829, le pharmacien français Pierre Joseph Leroux arrive à extraire de l’écorce de saule des cristaux de salicine, cette substance avait été découverte en 1825 par des pharmaciens italiens. Les scientifiques en ont extrait une substance active : l’acide salicylique. Mais cette substance contenue dans le saule entraîne des effets secondaires ; des études ont permis d’obtenir un dérivé, l’acide spirique sans effets désagréables, qui provient d’une spirée, la reine des près – Filipendula ulmaria. Plus tard, les chimistes ont effectué la synthèse de l’acide acétylsalicylique et déposé un brevet : l’aspirine.
∙ En phytothérapie et en homéopathie, il traite les douleurs inflammatoires, les rhumatismes, la fièvre, les hémorragies, les troubles du sommeil.
∙ Utilisé en fleurs de Bach pour les personnes ayant un sentiment d’injustice, de victimisation.
– Alimentaire
∙ Plante mellifère, elle est appréciée des apiculteurs car, selon l’espèce, elle fournit de manière précoce la nourriture des abeilles : pollen, nectar ainsi que la résine servant à produire la propolis (matière prélevée par les abeilles pour assainir et calfeutrer la ruche). Toutefois, le miel de saules est assez rare car les arbres ne fournissent de nectar que s’il fait doux ce qui est contradictoire avec la précocité de la floraison.
∙ Fourrage pour les animaux domestiques.
– Écologie : nourriture pour les cerfs et les chevreuils. C’est aussi une source de nourriture pour les lépidoptères, papillons.
– Les rameaux en bourgeons rentrent dans la confection de bouquets, et particulièrement les espèces aux rameaux tortueux du cultivar Salix matsudana ‘Tortuosa’, ou aux chatons argentés de Salix caprea.
– Une tradition française veut que les rameaux (souvent ceux de l’espèce caprea) soient coupés à Pâques ; ils sont alors exposés dans un vase et ornés d’œufs de Pâques multicolores.
– Ornementales : en isolé ou en haies.
– Symboles et légendes
∙ Durant l’Antiquité, le saule fut voué à Hécate, déesse de la lune, des ombres et des enfers, la gardienne des enfers, tout comme l’if.
∙ Pour les Chinois, c’est un symbole d’immortalité du fait de la facilité d’un rameau à s’enraciner.
∙ Arbre de vie pour les Tibétains. La vieille ville de Lhassa au Tibet était ceinturée d’un chemin dévotionnel, un circuit de pèlerinage, un lingkhor qui traversait des petits parcs arborés de saules sacrés.
∙ La légende veut que le berceau de Zeus fut accroché, entre ciel et terre, à une branche de saule.
∙ Dans certaines religions païennes, il symbolise la fertilité.
– Le saule des îles Canaries est une espèce menacée, elle est inscrite sur la liste rouge des espèces en voie de disparition. C’est un des rares arbres des Canaries à perdre ses feuilles, il est caduc.
– Napoléon souhaitait être enterré en France à l’ombre d’un saule. Les Britanniques refusèrent le lieu mais acceptèrent l’ombre de deux saules sur l’île de Saint Hélène lors de ses funérailles le 9 mai 1821 (voir l’illustration). Napoléon aurait peut être changé d’avis s’il avait su qu’en Chine, dans le livre des rites, cet arbre est réservé aux tombes des roturiers !
De nombreuses boutures furent prélevées sur ces saules pleureurs – Salix babylonica et furent plantées en Amérique du Nord, en Grande-Bretagne et en Nouvelle-Zélande.
À l’heure actuelle, ces arbres n’existent plus, mais d’autres boutures ont été prélevées sur ces saules de première génération.
– Peinture : arbre romantique par excellence, il fut très en vogue au siècle dernier aussi bien comme arbre planté qu’en source d’inspiration. Pour exemple, le saule pleureur de Claude Monet en 1918.
– Littérature : Alfred de Musset, amoureux des saules, les a souvent honorés dans ses poèmes.
– Dans le jeu de cartes d’origine japonaise, le hanafuda – le ‘jeu des fleurs’, la carte du mois de novembre est représentée par un saule – Yanagi – 柳.
Mise à jour novembre 2024.