Ce genre est inclus dans la famille des Pinaceae et dans la sous-famille des Abietoideae.
Cette famille de conifères est apparue sur terre au Crétacé (145 à 66 millions d’années), quant à la sous-famille des Abietoideae ce serait plus particulièrement vers l’Éocène (56 à 33,9 millions d’années) ; des graines fossiles d’Abies milleri retrouvées aux USA ont été évaluées à -49 millions d’années.
Pinaceae est divisée en 4 sous-familles selon les caractères des cônes femelles et des graines : Pinoideae – Piceoideae – Laricioideae – Abietoideae.
Dans la sous-famille des Abietoideae, on trouve les genres Abies – Cedrus – Pseudolarix – Tsuga – Keteleeria.
En 1753, Carl von Linné classa les sapins – Abies, les épicéas – Picea et les pins – Pinus, dans le genre Pinus mais ces espèces sont devenues des genres à part entière et c’est Philip Miller qui reclassa officiellement les sapins dans le genre Abies.
Selon la classification de Farjon en 2010, ce genre comporterait 46 espèces mais d’autres auteurs en comptabilisent plus de 50. Ce genre est divisé en sections. Il est très proche des cèdres – Cedrus avec leurs cônes dressés se désarticulant sur le rameau.
Hémisphère Nord et la plupart du temps en régions montagneuses.
– Abies Mill.
Ce nom désigne les sapins, du latin abire signifiant ‘disparaître de la vue’ du fait que les nuages cachent leur haute cime. Ce nom a été attribué en 1754 par Philip Miller.
– Sapin proviendrait du bas-latin sappinus signifiant ‘sorte de sapin’, issu du gaulois ‘sappos’ – sapin et de Pinus – pin.
– Fir est le nom anglais issu de l’anglo-saxon ‘furth’ pour désigner des arbres résineux.
– Le bois de différentes espèces d’arbres portent des noms commerciaux parfois bien différents de leur genre ce qui peut prêter à confusions et pour exemples :
∙ Le bois de Abies procera est parfois commercialisé sous le nom de mélèze de l’Oregon.
∙ Le pin sylvestre – Pinus sylvestris est connu sous le nom de sapin rouge du Nord ou Rouge du Nord.
∙ L’épicéa commun – Picea abies est connu sous le nom de sapin blanc du Nord ou Blanc du Nord.
Ces espèces se développent dans des régions tempérées à froides, souvent montagneuses, en plein soleil ou à l’ombre légère, sur des sols profonds, généralement frais mais certaines espèces tolèrent la sécheresse : cephalonica (sapin de Grèce) – pinsapo (sapin d’Espagne)…
Généralement ils ne supportent pas le calcaire et préfèrent un sol légèrement acide à neutre. Ils tolèrent mal l’air pollué de nos villes hormis certaines rares espèces telle Abies homolepis originaire du Japon.
En France, on trouve le sapin pectiné – Abies alba en compagnie des hêtres – Fagus et des chênes – Quercus.
Les principales caractéristiques de la famille des Pinaceae sont la présence de résine aromatique et les cônes femelles en écailles libres portant chacune 2 ovules inversés.
Le genre Abies se distingue par :
∙ Un port pyramidal.
∙ Un seul type de rameau – auxiblaste (rameau long à croissance indéfinie), au bois dépourvu de canaux résinifères mais imprégné de résine disséminée.
∙ Des feuilles isolées ayant 2 bandes blanches longitudinales généralement sur la face inférieure.
∙ Des cônes femelles dressés, aux bractées (organe intermédiaire entre la feuille et le pétale) dépassant généralement des écailles. Le cône à maturité se désarticule sur l’arbre.
∙ Des graines possédant de la résine.
Assez proche des épicéas – Picea de la sous-famille des Piceoideae, il s’en différencie par la forme et la fixation des aiguilles et par des cônes femelles dressés qui se désarticulent à maturité sur la plante ; le port permet aussi de les distinguer car Abies a une cime s’aplatissant avec l’âge alors que celle de Picea reste conique.
L’espèce type est Abies alba (Abies pectinata), le sapin commun ou sapin des Vosges, originaire d’Europe.
– Croissance juvénile lente (Abies koreana 3 à 4 m en 10 ans !) puis plus rapide. Longévité de 70 à 200 ans jusqu’à 400 ans, certaines espèces atteignent exceptionnellement les 700 ans telle Abies amabilis – un sapin gracieux en Colombie-Britannique aurait été répertorié à 725 ans.
– Arbre de 10 à 15 m jusqu’à 30 à 90 m. En Europe, Abies alba est le sapin le plus haut avec ses 50 à 60 m (rarement plus); en Amérique du Nord, le sapin de Vancouver – Abies grandis peut atteindre 80 m et Abies procera jusqu’à 90 m ce qui en fait le plus grand et le plus volumineux des sapins. Il existe des variétés et des cultivars nains.
Le sapin est le plus grand conifère originaire de France.
Le tronc est droit et rectiligne, il peut parfois être imposant, jusqu’à 2 à 2,70 m de diamètre pour l’espèce alba.
Le port est généralement pyramidal, la cime étroite ou conique finit souvent avec l’âge par s’aplatir. On trouve aussi des variétés pleureuses telle Abies numidica var. pendula.
– La racine principale est pivotante, le système racinaire se déploie fortement aussi à l’horizontal.
– L’écorce lisse et souvent grise devient épaisse et généralement s’écaille par plaques; elle porte souvent des vésicules résinifères.
– Le débourrement des bourgeons est précoce, toutefois ils craignent les gelées tardives.
– Les branches sont verticillées (organes insérés autour d’un axe) régulièrement et à l’horizontal. Cette disposition régulière des branches permet de dater l’âge de l’arbre rien qu’en comptant les verticilles.
Les branches basses de nombreuses espèces persistent longtemps en s’étalant jusqu’au sol.
– Les rameaux sont opposés. Tout comme les épicéas, les sapins ne développent que des rameaux auxiblastes alors que les pins déploient 3 types de rameaux : auxiblastes, mésoblastes (rameaux courts à croissance lente et limitée) et brachyblastes (rameaux nains portant des feuilles), les cèdres et les mélèzes 2 types de rameaux : auxiblastes et mésoblastes.
– Les feuilles plus ou moins parfumées sont persistantes – renouvelées tous les 6 à 8 ans, en aiguilles linéaires ou aplaties présentant en général 2 bandes blanches longitudinales (dues aux stomates, petits orifices sur l’épiderme) souvent sur la face inférieure.
Chaque aiguille est fixée sur la tige par une base en forme de disque (comme une ventouse) contrairement à Picea qui est ancrée sur la tige par un prolongement appelé segment foliaire. L’aiguille enlevée du sapin laisse sur le rameau une cicatrice circulaire.
Les feuilles juvéniles sont nettement plus claires.
L’extrémité plus ou moins arrondie n’est généralement pas ou peu piquante contrairement à Picea. Sur un même individu, les aiguilles très exposées sont légèrement différentes des aiguilles de l’ombre.
Selon l’espèce, les aiguilles sont insérées différemment :
∙ En écouvillon : en spirales autour du rameau.
∙ En brosse : les aiguilles insérées sous le rameau se redressent ou se penchent vers l’avant.
∙ En peigne à dents – subdistiques : les aiguilles sont rassemblées en deux faisceaux de chaque côté du rameau. C’est pourquoi l’espèce type Abies alba porte aussi l’épithète pectinata signifiant peigne.
Généralement vertes, il existe des variétés et des cultivars aux aiguilles bleutées ou jaunes.
– Ce sont des plantes monoïques, fleurs mâles et femelles séparées sur la même plante. Généralement leur maturité sexuelle se développe vers 25 à 40 ans.
Les conifères en tant que gymnospermes sont des plantes à graines nues, c’est-à-dire que l’ovule n’est pas enclos dans un ovaire contrairement aux plantes à fleurs – les angiospermes. C’est pourquoi les termes ‘fleur’ ou ‘inflorescence (grappe de fleurs)’ chez les conifères paraissent pour certains inappropriés ; voir l’article sur La Fleur.
Les inflorescences printanières se développent en strobiles (inflorescences dont les organes se développent à partir d’une écaille), en position latérale sur les rameaux de l’année précédente.
∙ Les mâles en chatons solitaires généralement sous les rameaux inférieurs de l’arbre contrairement à la position des femelles vers la cime, ils évitent ainsi une autopollinisation. Ils sont pourpres ou jaune-verdâtre.
Chaque organe mâle est constitué d’une ‘étamine’ (pièce florale mâle) foliacée (apparence d’une feuille) portant 2 sacs polliniques. Le pollen est à ballonnets.
∙ Les femelles disposées vers la cime sont en chatons dressés vert jaunâtre ou rougeâtres. Les organes reproducteurs femelles forment des cônes constitués d’un axe court où sont insérées les unes sur les autres les bractées protectrices à l’aisselle desquelles chaque écaille est porteuse de 2 ovules – futures graines. Les bractées peuvent dépasser des écailles ou sont encloses dans l’écaille.
Après la pollinisation par le vent, les écailles entrouvertes se referment jusqu’à maturité complète des ovules.
– Les cônes en général sont résineux ; ils sont érigés et volumineux, cylindriques. Ils sont matures en 6 à 8 mois jusqu’à 1 an, alors les écailles sèches s’ouvrent afin de libérer des graines ailées généralement triangulaires, et le cône se désarticule; l’axe reste plus longtemps sur la plante.
Les cônes offrent souvent une belle esthétique par leur couleur différente selon l’espèce et pour exemples le sapin de Corée et ses cônes bleus, le sapin de Fraser et ses cônes violet foncé…
Dissémination par le vent ou par les animaux selon la taille de la graine.
– Plusieurs espèces s’hybrident facilement entre elles, par exemple l’espèce nordmanniana du Caucase s’hybride avec les autres sapins dits ‘méditerranéens’ : alba – cephalonica – pinsapo…
Abies procera s’hybride avec les espèces concolor et magnifica…
– Ennemis
∙ Les champignons du genre Armillaria s’attaquent aux racines, en général des arbres affaiblis.
∙ Certains insectes peuvent nuire aux sapins et particulièrement Dreyfusia nordmannianae (le chermès du sapin) et Melampsorella caryophyllacearum responsable de la formation de balai de sorcière.
Le bois peut être attaqué par le capricorne des maisons, un insecte coléoptère (genre Cerambycidae) dont les larves sont xylophages.
∙ Les lapins et les cervidés provoquent souvent des dégâts sur les jeunes arbres.
Un peuplement de sapins est une sapinière.
– Reboisement.
En sylviculture, l’espèce alba présente de bonnes qualités en Europe.
– Bois
∙ Certaines espèces ont un bois largement utilisé en constructions d’intérieur (charpente – plancher) – ameublement – contreplaqué… et beaucoup pour la pâte à papier même si, bien souvent, on leur préfère le bois d’épicéa. L’attrait principal est la régularité du tronc rectiligne toutefois certaines espèces étant menacées d’extinction, elles sont désormais protégées de toutes exploitations.
∙ Musique
Confection de tables de lutherie particulièrement avec l’espèce alba. Utilisé surtout pour les grands instruments tel le violoncelle et comme bois de résonance pour les pianos.
– Écologie
Ces arbres abritent de nombreux insectes et oiseaux. Les chenilles des papillons de nuit du genre Heterocera s’en nourrissent. Au Mexique, les papillons monarques – Danaus plexippus hivernent particulièrement sur l’espèce religiosa. Les passereaux Loxia curvirostra ou ‘Bec-croisé des sapins’ grâce à leur bec croisé se sont spécialisés dans l’ouverture des écailles des cônes de différents conifères afin de se régaler. Les jeunes pousses et les aiguilles sont appréciées du gibier.
– La térébenthine
Après incision des vésicules de l’écorce ou des tiges d’arbres assez jeunes, on peut récupérer une résine ambrée et odorante nommée térébenthine, appelée aussi larme de sapin ou huile de sapin. Après distillation de la térébenthine, on obtient l’essence de térébenthine utilisée comme solvant. Après cristallisation, on obtient un baume rentrant entre autres dans la composition d’un vernis utilisé en lutherie.
Autrefois, la térébenthine était aussi utilisée par les artistes pour éclairer leur peinture à huile.
La térébenthine est particulièrement utilisée pour ses propriétés médicinales ; elle rentre dans la composition d’huiles, onguents, emplâtres…
Abies alba était déjà mis à l’honneur par Sainte Hildegarde de Bingen afin de lutter contre les problèmes respiratoires, de cœur, des rhumatismes et des maladies nerveuses.
Les jeunes pousses ou les bourgeons utilisés en tisane, en sirop, en bonbon sont efficaces dans les problèmes respiratoires.
En homéopathie, le bourgeon de Abies alba soigne particulièrement les troubles de croissance et le métabolisme osseux des enfants.
∙ Térébenthine de Strasbourg (d’Alsace) : Abies alba.
∙ Térébenthine du Jura : Abies alba et Picea excelsa.
∙ Baume du Canada : Abies balsamea ou Abies canadensis. La résine d’Abies balsamea – le sapin baumier est particulièrement prisée, elle est réputée pour sa résine à l’indice de réfraction proche de celle du verre : préparations microscopiques – collage de lentilles…
– Parfumerie et cosmétologie
Abies balsamea rentre dans la composition d’agents nettoyants de la peau ainsi que de nombreux parfums masculins aux notes boisées. L’espèce pinsapo est parfois appelée ‘pin savon’ car ses tiges froissées dans l’eau produisent une sorte de savon.
– Alimentaire
Miel : les abeilles butinent le miellat – la rosée de miel – sécrété par les pucerons – Buchneria pectinatae suçant la sève.
Certains de ces miels bénéficient d’une AOP – Appellation d’Origine Protégée ou d’une IGP -Appellation Géographique Protégée. Un des plus connus est le miel des sapins des Vosges – Abies alba.
– Ornementales.
– Sapin de Noël
Traditions nordiques, rituels païens et tradition chrétienne en firent l’emblème des fêtes de la nativité.
Symbole de longévité, de joie et d’abondance, les rameaux feuillés des arbres ornent traditionnellement l’intérieur des maisons depuis l’Antiquité. Dans certains pays européens comme l’Allemagne ou la Suisse, on décore un sapin au mois de mai selon l’ancienne tradition de ‘l’arbre de mai’ que l’on plantait à la frondaison (période où les feuilles caduques commencent à pousser. On parle aussi de feuillaison).
Selon une légende allemande, ce serait Martin Luther l’inventeur du sapin de Noël et selon d’autres légendes cela remonterait vers 590 sous influence chrétienne.
Les premiers écrits concernant la tradition du sapin de Noël sont apparus en Alsace à Sélestat (Empire germanique) en 1521. En France, c’est l’épouse de Louis XV, Marie Leszcynska qui l’installa en 1738 à Versailles mais sans grand succès et c’est un siècle plus tard que le sapin de Noël trouva son public au Palais des Tuileries sous l’instigation de la Duchesse Hélène de Mecklembourg, belle-fille du Roi Louis-Philippe.
Au début, le sapin était plutôt décoré avec des fruits et particulièrement de belles pommes rouges (les futures boules de Noël) puis les bougies firent leur apparition au siècle des lumières et ce sont les USA au début du XX° siècle qui le parèrent de guirlandes électriques. Si vous souhaitez en savoir plus, Internet plébiscite le livre des historiens Alain Cabantous et François Walter « Noël. Une si longue histoire » chez Payot.
Le sapin est souvent préféré à l’épicéa car il garde plus longtemps ses aiguilles mais il ne sent pas toujours aussi bon. Actuellement en France, le sapin de Nordmann est particulièrement prisé. Aux USA, l’espèce fraseri est appréciée pour l’odeur citronnée de son feuillage.
Le Danemark serait le fournisseur le plus important de sapins de Noël au Monde.
Le sapin rentre même dans le Guinness des records ! C’est à qui aura le plus grand, le plus gros, le plus beau, le plus chèrement décoré… sans commentaires !
– Emblèmes
Abies balsamea – sapin baumier : Nouveau-Brunswick (province du Canada).
Abies lasiocarpa – sapin subalpin : Yukon (territoire canadien).
– Dictons
∙ « Ça sent le sapin » : autrefois les cercueils étaient particulièrement fabriqués avec du bois de sapin d’où cette expression (souvent attribuée à Louis XV) qui ne nécessite aucune autre explication… Vers la fin du XVII° siècle, on appelait même un cercueil une « redingote de sapin ». La traduction anglophone est aussi très explicite : « It is the end of the road».
∙ « Se faire passer un sapin » : au Québec, cela signifie « se faire avoir » au vu de la faible valeur marchande du bois du sapin baumier.
– Les sapins ont inspiré des poètes tel Guillaume Apollinaire, des chanteurs avec la version de 1824, la plus courante et la plus célèbre, de ‘Mon beau sapin’ de l’allemand Ernst Anschütz dont les paroles en français furent arrangées par Laurent Delcasso en 1856.
Mise à jour décembre 2023.