Ce genre fait partie de la famille des Salicaceae nommée et décrite en 1815 par le botaniste et politique français Charles-François Brisseau de Mirbel (1776-1854), sous le nom de Salicineae. Il est proche du saule – Salix, genre avec lequel il constituait la famille des Salicaceae, autrefois on comptait aussi le genre Chosenia, mais il n’a plus de représentants. La classification phylogénétique de 2003 incorpore dans cette famille une partie des flacourtiacées, et l’unique membre des scyphostegiacées. Les Populus et les Salix comptaient un peu plus de 350 espèces, désormais les salicacées regroupent 55 genres et 1 000 espèces.
Le genre Populus est divisé en 6 sections avec un peu plus de 35 espèces, et des hybrides naturels ; certains parlent d’un plus grand nombre d’espèces, mais probablement en comptant les variétés et les hybrides.
En général, seules les sections Leuce et Aegiros sont vraiment représentées en Europe.
∙ Abaso : peupliers mexicains.
∙ Aegiros : peupliers noirs. Nom du grec désignant le peuplier noir. La seule espèce européenne est Populus nigra, les autres sont d’Amérique du Nord.
∙ Leuce ou Populus : peupliers blancs et trembles. Leuce est le nom d’une nymphe (voir Anecdotes). Hémisphère Nord.
∙ Leucoides : peupliers à grandes feuilles de l’Est de l’Amérique du Nord et de l’Asie de l’Est.
∙ Tacamahaca : peupliers baumiers des régions montagneuses en Extrême-Orient et en Amérique du Nord. Tacamahaca est un nom indien désignant l’espèce américaine Populus balsamifera. Le nom vernaculaire de ‘peuplier baumier’ vient de leurs bourgeons qui exsudent une résine odorante. L’hybridation avec les peupliers noirs est assez facile, et se fait souvent naturellement.
∙ Turanga : peupliers subtropicaux en Asie et en Afrique.
La famille des Salicaceae, particulièrement représentée par des peupliers et des saules, serait surtout apparue au Crétacé supérieur (100,5 à 66 MA), il a été trouvé du pollen fossilisé estimé à 90 MA ; toutefois le géologue et naturaliste suisse Oswald Heer (1809-1883) a attribué au peuplier des feuilles fossilisées, datées du Néocomien (-143 à -125 MA). Les fleurs apétales attestent leur côté primitif.
La section Turanga est considérée comme la forme la plus primitive des peupliers, les autres sections se seraient différenciées bien plus tard. 3 espèces : euphratica – pruinosa – ilicifolia.
– Populus L.
Nom donné par le botaniste français Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708), confirmé par Carl von Linné en 1753.
Le mot populus présente plusieurs versions mais s’agissant d’arbre, l’étymologie est plus à rapprocher du latin le désignant ; nom qui serait issu du grec ‘papallein’ signifiant ‘s’agiter’ en référence aux feuilles du peuplier tremble.
– Noms spécifiques
. Alba signifie blanc, en référence à la couleur de son écorce d’où son nom populaire de peuplier argenté.
. Nigra – noir, pour la couleur striée de noir de son écorce.
. Tremula signifie tremblant pour ses feuilles qui tremblent sous le vent.
– Le nom vernaculaire peuplier vient du nom latin.
– Cottonwood est le nom anglophone en référence aux aigrettes qui entourent les graines.
– Aspen est le nom anglais désignant le tremble ; nom issu de la racine indo-européenne ‘apsa’.
On les trouve généralement dans des zones humides, ripisylves, en compagnie des saules – Salix, et des aulnes – Alnus, et parfois des frênes – Fraxinus, mais aussi dans des forêts alluviales et des plaines inondables, en isolé ou en petits groupes. Toutefois, ce ne sont pas des espèces de marécages, même si certaines espèces peuvent vivre dans ces conditions, par exemple le peuplier des marais, Populus heterophylla, d’origine américaine ; d’autres rares espèces supportent des endroits désertiques, qui plus est salés, ce sont des plantes halophytes, c’est le cas de Populus pruinosa d’Asie.
Ce sont des plantes héliophiles qui se développent sur un sol neutre, riche, limoneux. Certaines espèces tolèrent jusqu’à -25°C, certains parlent même de -30°C à -40°C, mais cela reste à vérifier.
Les tempêtes sont un problème au vu de leur bois assez cassant.
Dans le monde, il existerait 70 millions d’hectares de peuplements naturels, et 5 millions en peupleraies. En France, le peuplier blanc est bien représenté, particulièrement le long des rives du Rhône, en Camargue c’est un des feuillus les plus présents.
– La croissance est généralement rapide, voire très rapide ; la longévité peut atteindre jusqu’à 400 ans, même si certaines espèces telle deltoides ne vivent que 70 à 100 ans, et d’autres jusqu’à 1 000 ans pour un spécimen de Populus euphratica qui aurait été répertorié en Espagne.
– Cet arbre, généralement, de 25 à 45 m fait partie aux USA des plus grands feuillus.
– Il présente des écorces bien différentes selon l’espèce, lisses avec des lenticelles, ou rugueuses. Les lenticelles sont de petites ouvertures qui permettent les échanges gazeux.
– Le système racinaire peut être profond et extrêmement développé, superficiel et traçant ; ils développent des drageons (tiges souterraines pouvant développer des bourgeons aériens), qui peuvent former de vastes colonies clonales (reproductions végétatives identiques au pied mère), d’ailleurs les peupliers sont parfois considérés comme envahissants à cause de leurs abondants drageons.
– Les branches sont souvent massives.
– Chez certaines rares espèces telles deltoides et balsamifera les bourgeons sont résineux.
– Feuilles
Il y a souvent dimorphisme entre les feuilles dites de rejet – premières feuilles pouvant être plus grandes et parfois palmées, et les feuilles matures plus petites, entières et souvent de forme triangulaire et très acuminées (se finissant par une pointe) ; cette caractéristique rend souvent l’identification difficile.
Les feuilles, en position alternée, sont caduques, mais avec au moins une exception pour l’espèce ilicifolia, la plus méridionale du genre, dont les feuilles sont persistantes (dans ses régions africaines).
Les feuilles présentent souvent un large limbe triangulaire ou cordiforme, au bord crénelé ou denté ; elles sont portées par un long pétiole (tige) ; de couleur verte, au revers pouvant être pubescent les rendant blanchâtres.
Leur taille est différente selon l’espèce, la plus grande de 25 à 35 cm de long est celle du peuplier baumier de Chine, Populus lasiocarpa. À l’entrée de l’hiver, les feuilles avant de tomber deviennent jaunes, voire jaune orangé (euphratica).
– Floraison
Cette plante est dioïque, les fleurs sont unisexuées sur des pieds différents ; elles sont regroupées en une inflorescence en chaton. Mature sexuellement vers 10/15 ans.
Les fleurs printanières s’épanouissent avant ou avec la feuillaison, en chatons cylindriques et pendants, à écailles glabres.
Les mâles :
. Le périanthe (calice et corolle) est réduit à une cupule, une coupe en forme de godet protégée par une bractée (sorte de feuille) caduque, dentée et ciliée.
. Les 8 à 30 étamines ont des anthères (élément porteur de pollen) larges et carrées, généralement jaunâtres, ou rougeâtres.
Pollinisation par le vent – anémophile. Le pollen serait faiblement allergène.
Les femelles discrètes sont pédicellées (petites tiges) ; leurs chatons s’allongent après la pollinisation :
. Le périanthe est réduit à une cupule, une coupe en forme de godet protégée par une bractée caduque, dentée et ciliée.
. L’ovaire est à 2 carpelles (loges) ; le style (tige reliant l’ovaire au stigmate) presque invisible est surmonté d’un stigmate (partie fertile) quadrifide, rouge.
– Les fruits en capsule à 2 valves (ex 2 carpelles) contiennent une profusion de petites graines ovales de 1 mm à aigrettes dispersées par le vent et l’eau ; leur viabilité est assez courte. Au printemps ou en début d’été, le sol se recouvre d’une épaisse couche cotonneuse.
– Multiplications
Les graines ayant une viabilité très courte chez les peupliers, on a souvent recours à la multiplication végétative par drageons, des clones, ou par bouturage. De ce fait, on a pu remarquer qu’en Amérique du Nord, l’espèce nigra présentait surtout des spécimens mâles ; en Europe, en culture, on trouve le plus souvent des spécimens femelles.
– Nombreuses variétés, hybrides et cultivars.
. S’hybride et se bouture très facilement, par exemple l’hybridation du peuplier noir et du peuplier deltoïde aboutit au Populus x canadensis, très prisé pour sa croissance rapide et sa production de bois.
. Le peuplier d’Italie, Populus nigra ‘Italica’, est très utilisé en brise-vent, et en ornement. C’est une variété sélectionnée (un cultivar), il ne présenterait que des spécimens mâles, toutefois il s’hybride facilement avec l’espèce nigra. Il est reconnaissable par sa forme colonnaire.
. Un des plus beaux cultivars est le Populus alba ‘Nivea’, le peuplier blanc argenté. La sélection de cette ‘variété’ aurait été réalisée en 1789 dans les jardins de Kew à Londres, il s’agit de cultivars mâles. Outre sa beauté, il est aussi utilisé comme porte-greffe de l’hybride Populus x canescens du fait que ses racines offrent un bon ancrage.
– Ennemis
∙ Chancre bactérien : Xanthomonas populi.
∙ Un virus – Poplar mosaic carlavirus provoque la mosaïque du peuplier qui réduit sa croissance.
. Pucerons lanigères.
∙ Les spores (éléments reproducteurs) utilisés lors de la reproduction du peuplier sont vecteurs d’une maladie cryptogamique, une rouille qui attaque les pins, c’est la rouille courbeuse du pin. Mieux vaut éviter de les cultiver côte à côte.
∙ Le gui – Viscum album est une plante parasite dispersée par les oiseaux sur une quarantaine d’arbres ou arbustes, toutefois il a été constaté que les arbres les plus parasités sont le pommier – Malus et le peuplier – Populus.
– Populiculture
Une zone de peupliers cultivés est une peupleraie. La culture du peuplier est la populiculture. Généralement, ils sont coupés vers l’âge de 12 à 20 ans. Les peupliers cultivés sont des cultivars dotés d’une meilleure croissance et d’une meilleure résistance aux maladies.
En 2013, en France, c’était la 5ème essence de feuillus, la 7ème en volume, pour une surface de 210 000 ha. La région Nouvelle-Aquitaine a la plus vaste peupleraie.
En 2016, la France était le premier producteur en Europe, et le 3ème mondial derrière le Canada et la Chine.
Bois blanc, tendre et léger mais avec une bonne résistance mécanique, aucun nœud, pas de veines, il se travaille facilement mais se polit difficilement.
. Utilisé autrefois pour les charpentes en France surtout dans le Nord et l’Ouest.
Il est de nouveau utilisé, et pour exemple à Toul-Rosières dans le 54, la maison de l’énergie solaire, de forme sphérique, est construite en bois de peuplier recouvert de plaques d’acier.
. Panneaux contreplaqués – allumettes – palettes et cageots – pâte à papier – sabots…
Très utilisé comme boites ou emballages légers pour le fromage (le camembert), les fruits, les bourriches d’huîtres… En France, les 3/4 des emballages légers sont en peuplier.
En 2014, les industriels s’inquiétaient de la réduction de plantation de peupliers par les forestiers, et donc d’une pénurie d’emballage alimentaire.
. Mauvais combustible qui brûle rapidement et fournit peu de chaleur.
. Support de peinture sur cadre.
. Confection de poupées Kachina des indiens Hopi, avec la racine de l’espèce fremontii. Les ‘Kachina’ sont des êtres surnaturels incarnés par des individus portant des masques et des figurines. Ci-dessous photo d’un site amérindien confectionnant ce type de poupées.
. Musique : utilisé pour les corps de guitare ; il est moins coûteux que le bois d’aulne qu’on lui préfère malgré tout.
– Écologie
. Leurs grandes hauteurs favorisent les sites de nidifications et de perchages.
Alimentation des larves de coléoptères, des papillons et des pucerons, soit environ 500 espèces qui profitent de cette niche écologique sans dommages pour l’arbre. Les castors en raffolent…
Ce serait la 5éme espèce d’arbre riche pour les insectes phytophages (nourriture en matières végétales), et les espèces saproxyliques (décomposition du bois).
. Cette espèce pionnière est utile dans le reboisement de zones polluées, pour assurer une bonne biodiversité, et comme brise-vent en arbres d’alignements.
– Tout comme le saule, l’eau de peuplier peut servir d’hormone de bouturage.
– Alimentaire
. Autrefois, les Amérindiens consommaient l’écorce interne du peuplier baumier, particulièrement l’écorce de Populus balsamifera qui est sucrée et juteuse. Ils en faisaient aussi une boisson enivrante consommée lors de la ‘Danse du soleil’.
Les bourgeons, l’écorce et les graines de l’espèce deltoides étaient consommés, ainsi que les inflorescences et les jeunes pousses cuites.
. En Europe et en Asie, on consommait aussi l’écorce de peuplier ajoutée au pain, ou dans des bouillies.
. Le vin de bourgeons de peuplier malgré son goût excessivement prononcé est un excellent tonique.
. Le champignon Tricholoma populinium qui vit en symbiose avec le peuplier baumier est très apprécié.
– Médicinales
. Contient de la salicine et soigne les fièvres.
. Diurétique, il soigne les maladies urinaires et les difficultés bronchiques – antirhumatismale (onguent populeum) – charbon végétal contre les fermentations intestinales.
. La résine des bourgeons de peuplier est un excellent antiseptique. Elle est utilisée comme cicatrisant des maladies de peau.
. En Europe, une grande partie de la production de propolis proviendrait de peuplier. Les abeilles récupèrent cette résine, et ajoutée à de la cire et de la sève, elles fabriquent la propolis pour assainir et calfeutrer la ruche.
– Essence d’avenir, le peuplier a été nommé ‘Arbre du XXIe siècle’ par l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture – FAO. Ce qui parait étonnant au vu du réchauffement climatique ?
– Ce genre d’arbre fut le premier arbre transgénique. Il a été génétiquement modifié, en 1986, pour résister au glyphosate et/ou à des insectes dits nuisibles, et ainsi augmenter les revenus des entreprises papetières ! Hé oui. Malgré les différents rapports soulevant les problèmes de la diffusion génétique de ces arbres ainsi cultivés, et des conséquences nuisibles, ce phénomène semble être toujours d’actualité.
– Aux USA, l’espèce deltoides est l’arbre officiel de l’état du Kansas et du Nebraska, et sa sous-espèce monilifera représente l’état du Wyoming.
– Symboles et légendes
. Dans la mythologie grecque, la nymphe Leuce est aimée d’Hadès, maître des enfers, frère aîné de Zeus et de Poséidon. Cet amour n’étant pas réciproque, afin de la garder auprès de lui, Hadès la transforme en peuplier argenté – Populus alba qu’il plante à l’entrée des enfers.
. L’espèce nigra est consacrée à la déesse de la lune, Hécate qui fait partie de la Triade Lunaire avec Séléné et Artémis. Hécate représente la nouvelle lune ou lune noire symbolisant la mort. D’ailleurs dans différentes traditions, le peuplier a une connotation funèbre.
. Symbolise la dualité de chaque être :
Dans la mythologie romaine, Hercule (Héraclès chez les grecs), fils de Jupiter (Zeus) descendit aux enfers pour se confronter à Cerbère, le chien à trois têtes qui gardait l’entrée. Pour se protéger, Hercule mis sur sa tête une couronne de feuilles de peuplier ; sous l’effet de la sueur du héros et de l’épaisse fumée de l’enfer, les feuilles s’assombrirent du seul côté exposé, caractéristique des feuilles du Populus alba.
D’autres versions parlent des branches de peuplier que Hercule brandissait quand il était victorieux.
– Arbre de la liberté
Lors de la révolution française, le peuplier fut choisi comme ‘arbre de la liberté’, tout simplement à cause de son nom qui, à tort, évoquait le peuple pour les révolutionnaires.
Les peupliers ne sont pas les seuls arbres plantés en tant qu’ arbre de la liberté.
– Pando
Une immense colonie clonale de peuplier faux-trembles – Populus tremuloides est située aux USA dans l’Utah ; elle est surnommée Pando ce qui en latin signifie ‘je m’étends’ ; elle est considérée comme l’être le plus grand sur terre et le plus ancien, mais ce n’est pas tout à fait vrai (pour en savoir plus, reportez-vous à l’article sur le record des arbres) ; en 2018, les autorités s’inquiétaient de la dégradation de l’environnement qui pourrait causer sa perte.
Mise à jour mai 2025.