Passiflora est le genre le plus important de la famille des Passifloraceae qui comprend 17 (ou 18) genres avec plus de 600 espèces.
Depuis leurs découvertes, de nombreux botanistes ont étudié les passiflores, et de nombreuses classifications ont été proposées. La première monographie sur les passiflores est attribuée à Johann Gustav Hallman (1726-1797 – élève de Linné) dans laquelle il décrit 22 espèces ; il est à noter, sans déduction aucune, qu’après avoir étudié précisément les plantes dédiées à la Passion du Christ, Hallman a consacré sa vie aux pauvres. La classification de 2004 des spécialistes John Macdougal et Christian Feuillet proposait 520 espèces reconnues mais cette classification fut encore révisée afin de différencier les espèces des sous-espèces des formes et des variétés par l’étude de leurs structures morphologiques et génétiques ; des études plus récentes auraient dénombré environ 587 espèces, à suivre…
En 1938, un des spécialistes des passiflores, Ellsworth Paine Killip avait proposé 22 sous-genres, mais par la suite seuls 4 sous-genres furent répertoriés : Astrophea, Deidamioides et Passiflora avec des espèces exclusivement américaines et Decaloba avec des espèces américaines, asiatiques et australiennes ; dernièrement, un cinquième sous-genre a été proposé :Tetrapathea comportant des espèces dioïques à 4 étamines, originaires de la région austral-pacifique.
Vu le nombre imposant d’espèces et leurs diversités, les sous-genres sont répartis eux-mêmes en sections et en séries.
La famille, elle-même, a évolué ces dernières années et d’autres genres de familles différentes l’ont intégré, telles les Malesherbiaceae (1 genre) et les Turneraceae (10 genres), de ce fait des sous-familles ont été créées, le genre Passiflora étant regroupé dans la sous-famille des Passifloroideae.
Régions tropicales et subtropicales.
La majorité des passiflores sont originaires d’Amérique du Sud (particulièrement du Brésil) et d’Amérique Centrale, mais on dénombre 5 ou 6 espèces au sud des USA, une trentaine en Asie du Sud-Est, et quelques-unes en Australie et dans les îles du Pacifique. La Guyane française est riche en espèces de passiflores dont certaines sont endémiques.
Les passiflores sont absentes en Afrique, mais la famille Passifloraceae y est représentée par le genre Adenia, toutefois l’Afrique est désormais une des terres de production de fruits de la Passion.
Certaines espèces se sont naturalisées dans des régions tempérées chaudes telle la passiflore bleue – Passiflora caerulea que l’on retrouve dans nos jardins français, d’autres espèces arrivent à se développer en pleine terre en région méditerranéenne telles incarnata, tucumanensis, antioquiensis, lutea…
Les passiflores ont surtout été introduites d’Amérique en Europe par les conquistadors espagnols de la fin du XVIe au XVIIe siècle, et pourtant, Pietro Antonio Michiel, dans ses ouvrages publiés entre 1553 et 1565, mentionne déjà la culture des passiflores en Italie au Jardin Botanique de Padoue ce qui indique des introductions précédentes, probablement après leurs découvertes lors des voyages de Christophe Colomb.
Une des premières mentions littéraires des passiflores apparaît en 1553 dans la description de la ville de Cali en Colombie par le conquistador espagnol Pedro Cieza de Leon, où il est question des fruits ‘granadilla’ ornant les jardins.
Passiflora incarnata, la passiflore médicinale fut découverte en 1569 dans la forêt péruvienne et connue en Europe par l’herbier et les écrits scientifiques du médecin espagnol Nicolas Monardes, elle ne fut introduite que 40 ans plus tard et probablement à Bologne en 1609 et cultivée à Paris en 1612. L’espèce caerulea aurait fait son apparition en France en 1625, quant à lutea elle serait arrivée dans les jardins de Padoue vers 1640…
Le géographe néerlandais Johannes de Laet fut probablement un des premiers à divulguer de manière large la découverte de la passiflore aux européens à l’aide d’une gravure parue dans son ouvrage de 1625.
– Passiflora L.
Du latin passio, du radical pati signifiant ‘supporter la souffrance’ et flos, la fleur.
Les évangélistes d’Amérique du Sud ont reconnu dans les passiflores une évocation parfaite de la crucifixion du Christ qui pouvait les aider dans leur tâche.
En Europe, la première évocation entre passiflore et crucifixion viendrait de Jacomo Bosio, un frère religieux italien qui découvrit des gravures de cette fleur apportées vers 1609 par un autre frère religieux, Emmanuel de Villegas.
En 1633, le père jésuite Giovanni Battista Ferrari publie un ouvrage ‘De florum cultura’ dans lequel il évoque la structure florale de la passiflore en la reliant à la Passion du Christ :
Il aurait écrit :
« Cette fleur est un miracle de tous les jours ; l’amour divin y a inscrit de sa propre main les douleurs du Christ ; le calice extérieur se prolonge en épines et rappelle la couronne d’épines ; l’innocence du sauveur se traduit par la blancheur des pétales ; la couronne des nectaires laciniés rappelle ses vêtements déchirés ; la colonne du milieu de la fleur représente celle à laquelle le seigneur fut attaché ; l’ovaire qui la surmonte est l’éponge imbue de fiel ; les trois stigmates sont les trois clous ; les cinq étamines, les cinq plaies ; les feuilles trifides, la lance, les vrilles, les fouets ; la croix seule manque, parce que la nature douce et suave de la fleur ne lui permettait pas de retracer le gibet de douleur, le signe de la rédemption ; aussi de toutes ces parties, aucune dans cette fleur ne fait mal, toutes ont la charité innée et nous engagent à l’imiter. »
Toutefois, ce n’est pas l’inventeur du terme Passiflora qui fut créé dans une publication de 1628 (publiée seulement en 1651) par Federico Cesi (1585-1630, fondateur de la plus ancienne académie scientifique italienne). Certains attribuent la création du terme Passiflora à Leonard Pluckenet en 1696, mais il semblerait qu’il ait seulement validé le nom proposé par Cesi (dont il fait mention dans son ouvrage) à la place du nom flos passionis le plus usité à l’époque.
Le rapprochement avec un fait religieux ne fit pas l’unanimité auprès des botanistes mais le nom resta et Linné dès 1737 l’utilisa sous la forme ‘flos passionis’ puis l’officialisa en tant que Passiflora en 1753 (probablement d’après l’ouvrage Almagestum Botanicum de Plukenet). Ce nom fut repris par Antoine Laurent de Jussieu en 1805 pour créer la famille des Passifloraceae, famille validée et complétée en 1806 par Roussel (Directeur du jardin des plantes de Caen).
– Pasiflora et pasionaria sont les noms populaires espagnols. Les Espagnols nommèrent les fruits de la passion ‘granadilla’ pour leur ressemblance avec ceux de la grenade, par extension ce nom évoque la plante elle-même.
– Flor da paixão est son nom en portugais.
– En Israël, en Grèce et au Japon, on voit dans la fleur un cadran d’horloge et de ce fait certains noms vernaculaires (populaires) s’y rapportent : fleur horloge, plante horloge…
– Les fruits des espèces les plus cultivées portent des noms spécifiques :
Maracuja et grenadille pour edulis – barbadine pour quadrangularis – grenadelle et grenadille douce ou de montagne pour ligularis – maypop (pomme de mai) pour incarnata – curuba ou tacso (taxo) pour mollissima – calebasse douce pour maliformis – citron d’eau pour laurifolia – grain d’encre pour suberosa…
Le nom maracuja (mburukuja) vient d’une légende des Tupi-Guaranis (peuples d’Amazonie). Lors de la conquête espagnole, la fille d’un capitaine espagnol tomba amoureuse d’un jeune chef guarani qui la surnomma Mburucuja. Le capitaine, hors de lui, tua ce jeune imprudent mais sa fille ne le supporta pas et se transperça d’une flèche. Les deux amants furent enterrés ensemble et sur leur tombe poussa une passiflore.
Ce nom populaire est souvent employé pour désigner les fruits de l’espèce edulis mais aussi par extension pour certaines autres passiflores ; il existe aussi une passiflore de couleur rouge, originaire de la République dominicaine et des Îles vierges dont c’est l’épithète : Passiflora maracuja.
Étés chauds mais pas trop, hivers froids mais pas trop !
Indifférentes à la qualité du sol, il peut être ordinaire ou fertile, il doit toutefois être bien drainé mais hors sècheresse car ces plantes vivent majoritairement dans des forêts humides, nuageuses.
Généralement tropicales ou subtropicales, certaines espèces tolèrent un climat tempéré pourvu qu’il soit assez doux, voire hors gel, dans des situations plutôt ensoleillées mais surtout pas torrides et protégées des vents.
En Amérique du Sud, on les trouve à de très hautes altitudes, jusqu’à 2 800 à 4 000 m sur les plateaux andins.
L’espèce caerulea est la plus utilisée pour nos climats car elle résiste au gel de -10°C à -15°C. Pour d’autres espèces comme incarnata et lutea, seules leurs souches ont une excellente résistance au froid mais la partie aérienne disparaît durant l’hiver et tout repart de zéro à la belle saison.
Le nombre imposant d’espèces offre une grande diversité de caractéristiques.
– Croissance très rapide pour les lianes, plus lente pour les formes arborées. Leur longévité est généralement assez courte, moins d’une dizaine d’années.
– Ce sont majoritairement des lianes vivaces (plantes pérennes) ou herbacées (non ligneuse, partie aérienne disparaît après fructification), parfois ligneuses (caractères et aspect du bois), grimpantes (rarement rampantes) pouvant atteindre jusqu’à 15 m de long sur 2 à 4 m de hauteur, l’espèce quadrangularis dans un habitat adéquat peut grimper jusqu’à 45 m !
La base peut se lignifier avec le temps leur donnant un aspect arbustif (suffrutescent) ; le sous-genre Astrophea est caractérisé par des passiflores arbustives mais aussi de rares arbres tels Passiflora arborea qui atteint 15 m ou Passiflora lindeniana 20 m. Certaines espèces (Passiflora incarnata par exemple) se comportent comme des herbacées vivaces dont la partie aérienne disparaît durant l’hiver mais repart de la souche dès les beaux jours. Quant à l’espèce suberosa, avec l’âge, sa tige devient liégeuse, d’où son nom.
– Munies de vrilles (pièces foliaires qui s’accrochent à un support) spiralées à l’aisselle des feuilles, les passiflores s’accrochent facilement sur tous supports. Les vrilles de certaines espèces (discophora, gracillima…) se terminent par des sortes de petites ventouses assurant encore mieux leur installation, d’autres rares espèces comme arbelaezii développent des vrilles ramifiées aux coussinets adhésifs, et encore plus rare certaines comme spinosa ou rusbyi portent de petites épines totalement inoffensives.
Francis Hallé a constaté que les plantes à vrilles comme les passiflores (ou les vignes…) arrivent à pressentir et à prévoir la disposition d’un tuteur éventuel auxquelles elles peuvent s’accrocher : en bougeant la position du tuteur initial, la plante envoie une vrille dans cette direction, si on modifie cet emplacement et si on le répète plusieurs fois elle arrive à prévoir l’emplacement futur du tuteur par mémorisation des modifications apportées !
– Les racines sont très étendues, certaines sont charnues (incarnata). Elles peuvent développer des drageons (tige souterraine pouvant développer des bourgeons aériens). L’espèce tuberosa, comme son nom l’indique, a des racines tubéreuses (organes de réserve).
– Le feuillage est persistant ou semi-persistant selon l’exposition ou bien caduc.
Les feuilles alternes sont généralement assez grandes, mais l’espèce arbustive, Passiflora macrophylla dépasse tous les records avec des feuilles de 1 m de long !
Les feuilles sont longuement pétiolées (axe reliant la feuille à la tige). Elles sont simples, parfois entières (forme primitive) ou souvent lobées, de 3 jusqu’à 9 lobes lancéolés ou elliptiques, profondément échancrés ou presque pas, au bord finement denté ou lisse ; le revers est généralement pubescent (poilu), certaines espèces ont des feuilles pubescentes des deux côtés.
Présence de grandes stipules (appendices membraneux) réniformes devenant caduques avec le temps et de nectaires extrafloraux qui se développent parfois sur le pétiole (généralement par 2 à 3 paires) et sur le limbe (tissu végétal) des feuilles. Selon l’espèce, ces nectaires présentent un nombre et des formes variables, c’est un des critères d’identification. Ils servent à fidéliser des insectes comme les fourmis, qui heureuses de trouver de la nourriture facilement, défendront bec et ongles leur butin : tout le monde y trouve son compte !
L’ingéniosité des plantes est étonnante :
Les papillons du genre Heliconius font partie des pollinisateurs préférés des passiflores. Cas unique chez les papillons, ce genre complète sa nourriture à base de nectar par une collecte de pollen ; ils affectionnent particulièrement de pondre sur les jeunes feuilles des passiflores qui serviront à l’alimentation de leurs chenilles, c’est d’ailleurs leur plante-hôte exclusive. L’apparence des nectaires extrafloraux de certaines espèces de passiflores miment les œufs de ce genre de papillons ; dupés par cette mystification, les papillons supposent que la place est déjà prise et vont déposer leurs futures larves ailleurs ! Passiflora arbelaezii dupe ce genre de papillon en mimant des œufs à l’extrémité des vrilles ramifiées.
D’autre part, des études ont permis de comprendre pourquoi les feuilles d’un même plant présentent un large polymorphisme. En effet, afin de limiter une invasion dévastatrice, les passiflores, au cours de l’évolution, après avoir tenté d’empoisonner ces hôtes dérangeants en produisant des toxines auxquelles les insectes s’habituèrent finalement, elles sont passées à une autre offensive : ayant constaté que les Heliconius mémorisaient la forme de leurs feuilles préférées et délaissaient les feuilles atypiques, les plantes ont tout simplement modifié et diversifié leur apparence, et ça a marché ! Alors, sans faire d’anthropomorphisme, l’expression résumant une personne dépourvue de cerveau a un légume semble erronée !
– La floraison s’étale de la fin du printemps aux premières gelées selon l’espèce.
Précoces, ces plantes peuvent commencer à fleurir dès leur première année mais le plus souvent après 18 à 24 mois, en revanche pour la production de fruits elles ne sont plus rentables après 3 à 5 ans.
Les fleurs sont parfois petites comme celles des espèces suberosa ou foetida, mais généralement elles sont assez grandes, de 5 à 9 cm pouvant atteindre jusqu’à 15 cm pour certaines espèces telles quadrangularis ou speciosa.
Ces fleurs sont bisexuées (hermaphrodites), mais certaines rares espèces peuvent être dioïques (fleurs mâles et femelles séparées sur 2 plantes différentes), particulièrement le sous-genre Tetrapathea.
Parfois autofertiles, les passiflores sont souvent allogames (pollinisation croisée entre deux plants différents) ; il a été remarqué que sur un même plant, certaines espèces proposent des fleurs autofertiles et des fleurs autostériles.
Elles ont une durée de vie très courte de 1 à 2 jours.
D’apparence solitaire, la fleur se développe pourtant au sein d’une inflorescence (fleurs regroupées). La vrille est en fait le pédicelle (axe portant la fleur d’une inflorescence) stérile d’une inflorescence en cyme (une première fleur terminale puis des ramifications secondaires) : la 1ère fleur avorte, les 2 autres se développent en une vrille et une fleur. Certaines espèces produisent parfois des inflorescences en racèmes (grappe de fleurs le long d’un axe) comportant, par exemple, jusqu’à 30 fleurs pour l’espèce racemosa ou plus modestement de 2 à 8 fleurs pour l’espèce arboricole Passiflora arborea.
L’inflorescence se développe à l’aisselle des feuilles. Les fleurs au long pédicelle (avec un record de 60 cm pour antioquiensis) peuvent être dressées ou pendantes.
Les fleurs présentent une architecture unique très évoluée, une tentative qui ne fit pas ses preuves dans le monde végétal et qui, apparemment, fut abandonnée. Mais, une fois de plus, on peut constater l’intérêt sans limite des plantes pour l’innovation, caractère indispensable pour se renouveler (donc exister) dans un monde en constant changement.
La description de la fleur ci-dessous est principalement basée sur l’espèce caerulea.
∙ 3 grandes bractées (organes intermédiaires entre la feuille et le pétale) protègent le bouton floral ; elles peuvent être soudées ou libres.
Elles portent souvent des nectaires extrafloraux fidélisant ‘leurs mains armées’, certains insectes comme les fourmis qui traquent sans pitié les insectes fraudeurs, ces derniers n’hésitant pas à percer le réceptacle de la fleur pour atteindre plus facilement le nectar.
Eh oui ! le monde n’est pas pavé que de bonnes intentions, c’est pourquoi certaines passiflores ont envisagé des mesures extrêmes, c’est le cas de la passiflore puante – Passiflora foetida qui malgré son aspect virginal, tout de blanc vêtu au cœur rose, est particulièrement cruelle avec tous les insectes rampants (inutiles pour elle) en développant sur ses bractées des poils gluants contenant des enzymes digestives qui les emprisonnent et les digèrent : c’est une plante protocarnivore qui ne se nourrit pas de ses proies mais qui les empêche de nuire de manière très radicale ! Spectaculaires, les bractées persistantes de cette espèce sont pennées (folioles de chaque côté d’un axe principal) lui donnant une structure aux segments filiformes formant une cage protectrice autour du fruit (très décorative mais rarissime).
∙ Le réceptacle (hypanthium) soutient le périanthe (ensemble des pièces protectrices de la fleur) constitué généralement d’un verticille (organes insérés autour d’un axe) de 5 sépales (pièces du calice ) puis de 5 pétales en position alternée avec les sépales et enfin d’une couronne de plusieurs rangées de filaments plus ou moins longs.
Certaines espèces ou certaines fleurs atypiques ne présentent que 4 pièces florales, d’autres n’en développent que 3 et une exception pour Passiflora triloba qui en présente 6, quant aux espèces suberosa et cinnabarina elles sont apétales.
Sépales et pétales sont souvent assez similaires, c’est pourquoi on les trouve parfois sous le nom de tépales. Ils présentent une forme allongée au bord légèrement relevé et un apex (sommet) arrondi ou aigu ; ils sont plus ou moins larges. Souvent penchés vers l’arrière – déflexés ou au contraire nettement redressés mais c’est plus rare, ils s’épanouissent en forme d’assiette, de coupe ou de tasse, d’autres forment des fleurs tubulaires particulièrement adaptées à leur pollinisateur exclusif et pour exemple Passiflora citrina et le colibri à bec d’épée – Ensifera ensifera qui est aussi le pollinisateur exclusif de la rarissime Passiflora parritae et de 35 autres espèces de passiflores andines.
Les sépales sont parfois épais, généralement un peu plus petits que les pétales, ils présentent un revers de couleur verte ou blanc verdâtre ou identique aux pétales, l’intérieur est pareillement coloré aux pétales.
Ce revers est parfois prolongé par une fine pointe ; certaines espèces développent aussi des nectaires extra-floraux sur le revers des sépales.
∙ La couronne – corona est similaire à la paracorolle (verticille intérieur d’appendices surnuméraires) d’autres genres de plantes, mais sa structure n’est pas encore vraiment déterminée par la science et il serait hasardeux pour l’instant de la relier à la corolle ou aux étamines.
Cette couronne est formée sur sa partie externe de rangées de filaments et sur sa partie interne d’un opercule et du limen (tissu formant un disque relevé en collerette) :
Tout d’abord, de longs filaments sur deux rangées se déploient vers l’extérieur de la fleur. Ils sont diversement colorés, parfois ondulés (incarnata – edulis…) ; ils peuvent se terminer par une minuscule collerette. Ils portent le nom de radii (rayons).
Puis, à la base des radii, on trouve des filaments courts au sommet souvent assez épais – les pali (à rebours, en arrière, palum : pieu) ; leur rôle est surtout de servir de clôture (sepimentum), de douane anti-fraudeur pour les insectes (souvent petits ou incapables de voler) n’assurant pas la pollinisation.
Et enfin, vers l’intérieur de la fleur, se développent des filaments de taille intermédiaire, tournés vers les organes sexuels. Leur base est souvent commune et s’étend en une membrane formant un opercule jusqu’au limen. Certaines espèces développent un opercule mais sans filaments.
Chez certaines espèces, la couronne de filaments est très limitée, telle l’espèce antioquiensis et ses hybrides, pour d’autres les filaments de la couronne sont plus ou moins dressés et peuvent même former un tube qui entoure l’androgynophore telle l’espèce murucuja, obligatoirement pollinisée par des oiseaux-mouches.
∙ La couleur très variée des sépales et des pétales n’est pas aussi déterminante que la couleur des longs filaments de certaines espèces et pour exemple, la passiflore commune de nos régions porte le nom de passiflore bleue rappelant la couleur attrayante des filaments alors que le périanthe est blanc.
Les filaments longs, les radii, organes de l’odeur, du parfum, ont aussi, par leurs couleurs, pour but de diriger les pollinisateurs vers le nectar floral niché dans la chambre nectarifère formée entre l’opercule, le limen et l’anneau nectarifère reposant sur le réceptacle. Cette chambre est une sorte de comptoir de bar circulaire conçu pour les insectes généralement à trompe ou les oiseaux ; les pali et l’opercule empêchent les insectes non-pollinisateurs d’accéder au nectar : pas de nourrissage gratuit.
Le réceptacle, petit et partiellement creux, est traversé par le pédicelle qui se transforme en androgynophore, une des particularités des Passiflora.
L’androgynophore est un entre-nœud allongé, prolongement du pédicelle entre le réceptacle et les organes sexuels (étamines et pistils). À la base de l’androgynophore, une sorte de tissu forme un disque relevé en collerette, appelé limen (parfois absent chez certaines espèces). Au-dessus du limen, un anneau, la trochlée (trochlea) restreint l’accès au nectar et renforce la base de l’androgynophore ; elle est parfois diversement colorée, c’est le cas de Passiflora trochlearis dont la trochlée de couleur violette contraste avec l’androgynophore vert clair.
Les fleurs à androgynophore long se seraient souvent révélées autostériles.
∙ Les passiflores sont protandres (étamines matures avant les stigmates). À l’épanouissement de la fleur, selon l’espèce (ou parfois selon la fleur), les organes sexuels peuvent être d’abord dressés puis rapidement tournés vers la couronne ou bien restent dressés : ces mouvements (ou pas) des organes sexuels expriment l’auto-fertilité ou l’auto-incompatibilité. Les passiflores auto-fertiles expriment donc une protandrie incomplète.
Les 5 étamines se déploient en premier à la périphérie supérieure de l’androgynophore. Les grosses anthères (extrémité fertile d’une étamine) sont reliées aux filets (plus ou moins épais) par une articulation particulièrement performante qui leur permet, une fois leurs sacs de pollen ouverts, de pivoter (ou pas), le temps d’un claquement de doigt, vers le réceptacle afin de faciliter le brossage en règle du dos des insectes ou des oiseaux qui vont s’abreuver de nectar au cœur des filaments de l’opercule. Une fois la pollinisation assurée, les anthères pivotent à nouveau (ou pas).
La morphologie du pollen est un critère important d’identification (la palynologie est l’étude des pollens et des spores).
Juste au-dessus des étamines, au centre de la colonne émerge l’ovaire supère à 3 carpelles à loge unique et aux nombreux ovules attachés à la paroi par de petits funicules (lien qui transporte les sucs nourriciers) trapus. L’ovaire pubescent (poilu) se termine par 3 longs styles (tige reliant l’ovaire au stigmate) libres portant de gros stigmates (partie réceptrice de pollen) arrondis parfois nettement bifides (fendus en deux).
Tout d’abord dressés, les styles se penchent (ou pas) vers les anthères ; pour les passiflores auto-fertiles, cette position recourbée leur permet d’être pollinisées soit après le passage au bar des insectes soit par leurs propres anthères redressées.
Les papillons (Heliconius, Acraea…) sont des pollinisateurs particulièrement prisés par les passiflores, mais d’autres espèces se contentent d’être pollinisées par certaines abeilles et particulièrement des xylocopes, de grosses abeilles charpentières, ou par des bourdons ; les passiflores d’Amérique du Sud ont opté pour les oiseaux-mouches de type colibri ; la pollinisation par des guêpes et des chauve-souris reste des phénomènes assez isolés.
Généralement, les espèces choisissent un pollinisateur spécifique, cette caractéristique (commune aux orchidées, aux figuiers…) est risquée, voire dangereuse si le pollinisateur vient à manquer ! Les humains y remédient en pratiquant une pollinisation manuelle.
Les fleurs sont plus ou moins parfumées et ce en fonction des goûts de leur pollinisateur ; certaines passiflores ne développent pas ou peu de parfum étant pollinisées par les oiseaux-mouches qui ont peu d’odorat ; d’autres exhalent un parfum attirant les papillons (mélange envoûtant d’humus, de musc, de miel et de soleil) ; d’autres peu colorées, verdâtres ou blanchâtres, exhalent un parfum assez désagréable et ne s’épanouissent que la nuit, ne cherchez pas plus loin, au vu de leur couleur et de leur odeur elles ont opté pour un pollinisateur nocturne, les chauve-souris, c’est le cas par exemple de l’espèce mucronata.
En savoir plus sur leur Sexualité.
– Les fruits de 4 à 6 cm peuvent atteindre jusqu’à 25 cm pour 4 kg pour l’espèce incarnata !
En général, ce sont des baies indéhiscentes (ne s’ouvrent pas toutes seules), ovoïdes, elliptiques ou globuleuses, plus ou moins charnues, rarement des capsules. Matures à l’automne, ce sont des fruits climactériques : caractérise un fruit qui continue sa maturation après avoir été cueilli ; un fruit climactérique murit uniquement sous l’autoproduction d’une hormone végétale, l’éthylène associée à une augmentation de la respiration cellulaire de ses tissus. On peut stopper cette production de gaz volatile, l’éthylène puis le diffuser au moment souhaité. Ex: banane – pomme – kiwi – melon…, un fruit non-climactérique est indépendant de l’éthylène et ne murit que sur la plante, ex : agrumes – raisin – cerise – fraise…
Certains ressemblent à des œufs, d’autres à des petites pommes, ceux de l’espèce mollissima (par exemple) ont une forme de banane d’où leur nom ‘passion banane’, ceux de suberosa ressemblent à des grains de raisin noir riches en pigments d’où leur nom de grain d’encre.
La peau, le péricarpe est constitué de 3 membranes :
∙ L’épicarpe : peau externe, lisse et fine devenant jaune, orange, rouge foncé, violette, verte ou brune ; elle devient parfois fripée à maturité ou selon le cultivar.
∙ Le mésocarpe : membrane interne plus ou moins épaisse qui est parfois consommée confite. De couleur rosâtre sur la photo.
∙ L’endocarpe : membrane au tissu assez aéré côté mésocarpe formant une cavité contenant les graines et leurs arilles. De couleur blanche sur la photo.
Les nombreuses petites graines sont plates ; elles sont entourées d’un arille (enveloppe charnue qui après fécondation de l’ovule se développe) juteux et comestible, de différentes couleurs selon l’espèce. Dissémination par les oiseaux.
– Hybrides et cultivars
Les espèces s’hybrident très facilement entre elles.
Voici un listing des nombreux cultivars obtenus par hybridation : https://www.passionflow.co.uk/wp-content/uploads/2017/09/supplementary-notes.pdf
Le cultivar ‘Constance Elliot’ de l’espèce caerulea a reçu le prix prestigieux ‘Award of Garden Merit’ attribué par la Royal Horticole Society. Il est particulièrement résistant au froid, et esthétiquement lumineux par ses fleurs entièrement blanches.
– Ennemis : très résistantes, les passiflores peuvent quand même subir des attaques d’aleurodes, d’araignées rouges, de cochenilles, ainsi que des attaques cryptogamiques. Les nématodes et les limaces restent un gros soucis.
La forme arborée lindeniana subit des attaques de petites mouches dont les larves se nourrissent à l’intérieur du fruit mettant en péril l’avenir de cette plante.
– Multiplication par semis, bouturage, marcottage et drageons.
Tout comme le tabac, la passiflore s’est d’abord imposée dans les jardins européens pour ses qualités ornementales, puis son étude scientifique l’a rapidement classée dans les plantes médicinales.
– Médicinales
Les Amérindiens utilisaient les passiflores pour leurs vertus apaisantes mais aussi pour soigner les blessures, traiter les problèmes cutanés et respiratoires, fortifier le sang, sevrer les bébés, améliorer la fonction hépatique, comme vermifuge…
En forêts amazoniennes, la racine de l’espèce coccinea était utilisée comme contraceptif ; les indiens Cherokee luttaient contre les abcès et les douleurs auriculaires par des infusions de racines ; en Louisiane française, on fabriquait une boisson tonique à base de racines de passiflore trempées dans de l’eau.
Ce seraient les Aztèques qui enseignèrent aux Jésuites les pouvoirs médicinaux de la passiflore. En 1787, Johann David Schoepff mentionne la passiflore dans son ouvrage Materia Medica Americana pour le traitement de l’épilepsie chez les personnes âgées mais ce n’est qu’en 1867 qu’un médecin américain, un certain Phares aurait découvert scientifiquement les propriétés analgésiques de la Passiflora incarnata, et c’est ainsi que cette plante commença à rentrer dans les pharmacopées ; elle ne fit son apparition dans la pharmacopée française qu’à partir de 1937.
En Amérique du Nord et du Sud, la passiflore reste un remède naturel très usité.
Passiflora incarnata – la passiflore officinale, la liane de Grenade, Maypop est la seule espèce reconnue intéressante par la médecine pour ses propriétés.
Ce sont surtout les parties aériennes, tiges et feuilles, qui sont efficaces ainsi que la racine. Les parties aériennes sont utilisées en tisanes en phytothérapie et en homéopathie pour améliorer le sommeil, calmer l’anxiété, soulager les douleurs digestives et les règles douloureuses… C’est un des produits phares des fleurs du Docteur Bach.
Durant la première guerre mondiale, il était donné aux combattants de la passiflore afin de les calmer contre ‘la peur de la guerre’.
Le fruit est un laxatif efficace.
Associée à d’autres plantes (ex : Desmanthus illinoensis), elle peut être hallucinatoire, et à l’inverse peut être utilisée dans le sevrage des toxicomanes.
– Cosmétologie
L’huile tirée des graines (souvent edulis) est utilisée dans des crèmes réhydratantes, nutritives, reconstituantes et régulatrices de sébum.
C’est une très bonne huile de massage aux vertus apaisantes.
Les fruits de l’espèce suberosa (grain d’encre) produisent des pigments utilisés dans le grimage.
– Alimentaire
Si beaucoup d’espèces présentent des fruits au goût assez fade, une soixantaine d’espèces ont des fruits juteux très appréciés et seulement une vingtaine sont cultivées intensivement pour cette production. Le Brésil est un des plus importants producteurs de fruits mais bien souvent la production ne provient pas des pays d’origines.
Le fruit est réputé pour son apport en vitamines A et C.
Fruit frais (arilles et graines) – jus – confiture – sorbet – glace – sirop – boisson (vin au Costa Rica, rhum arrangé…).
∙ L’espèce edulis est à l’agroalimentaire ce que l’espèce incarnata est à la médecine ; comme son nom edulis l’indique : edo signifie manger. Ses fruits sont donc les plus appréciés : 2 variétés sont cultivées à cet usage dans toutes les régions tropicales et subtropicales du globe : var. edulis (autofertile) aux fruits rouges et var. flavicarpa (autostérile) aux fruits jaunes, cette dernière est la forme la plus cultivée car la plus rentable (surtout pour les jus) ; en 2011, on estimait la production à 1 300 000 tonnes.
On cultive aussi plus localement les fruits de l’espèce mollissima des plateaux andins qui servent à confectionner des condiments, de la confiture, ceux de l’espèce ligularis pour leur goût doucement sucré, incarnata et alata pour leurs gros fruits acidulés, on tire une boisson au goût de raisin de la calebasse maliformis…
∙ L’épaisse écorce blanche du mésocarpe de l’espèce quadrangularis est consommée et appréciée mais pour les autres espèces l’écorce du fruit est jetée. Dans une étude brésilienne, il a été constaté que la production de fruits (40% de jus – 10% de graines – 50% d’écorce) générait une quantité énorme de déchets et particulièrement les écorces, un sous-produit qui pourrait être beaucoup plus développé qu’il ne l’est actuellement dans sa transformation en farine riche en fibres ainsi qu’en production de pectine, et se révéler prometteur en tant qu’alternative écologique.
∙ La racine de quadrangularis est consommée comme de l’igname, le fruit immature en légume au goût de concombre.
– Écologie
Plantes hôtes de papillons.
– Le bois des formes arbustives et arborées est parfois utilisé comme bois de chauffage ce qui pour certaines espèces a contribué à leur disparition.
– Ornementales
Dans nos régions, les hybrides et leurs cultivars résistent mieux et sont largement cultivés. La culture en pot pour les vérandas permet de profiter de magnifiques espèces gélives.
– Certaines passiflores sont considérées comme particulièrement invasives dans certaines régions où elles se sont acclimatées, en revanche, d’autres sont quasi menacées du fait de la déforestation en Amérique du Sud, et particulièrement les rares formes arborées telle Passiflora lindeniana ; d’autres subissent les conséquences du dérèglement climatique, et c’est pourquoi la magnifique parritae a disparu de son habitat naturel faute de son pollinisateur qui a immigré dans un environnement plus adéquate, heureusement le Dr Linda Escobar et ses étudiants avaient recueilli des graines d’un spécimen trouvé en Colombie, un de ces semis a été donné à MacDougal qui l’a confié au Strybing Arboretum de San Francisco (le plus grand jardin botanique de la côte ouest des USA) qui convenait le mieux aux conditions climatiques de cette belle passiflore orange ; il semblerait que les spécimens de cette espèce, qui se développent à l’heure actuelle dans les collections, soient en grande partie issus de ce pied mère.
– Symbole floral du département de Paysandu en Uruguay.
– Les passiflores sont largement représentées sur les timbres de différents pays qu’elles en soient originaires ou pas.
– Les passiflores déclenchent les passions et les collections.
∙ La Collection nationale de passiflores de Grande-Bretagne est dirigée par un grand spécialiste, John Vanderplank.
∙ Aux USA, la ‘Passiflora International Society’ créée par Ronald Boender compte de nombreux adhérents ; MacDougal, Ulmer et Vanderplank en sont membres.
∙ MacDougal et Ulmer ont publié le livre Passionflowers of the world regroupant 300 espèces dont 31 hybrides.
∙ En France dans le Loir-et-Cher à Cormeray, Christian Houël est un des plus importants collectionneurs, il a d’ailleurs obtenu le label de ‘Collection nationale’.
∙ En Italie, Maurizio Vecchia, un pharmacien passionné de passiflores, détient la Collection nationale italienne.
– Le symbolisme chrétien et le symbolisme chamanique de la passiflore dérivent pareillement de sa morphologie florale mais aussi de ses vertus apaisantes. Chaque organe de la fleur devient une représentation religieuse. En Inde, la fleur n’évoque pas Jésus Christ mais Krishna, elle est d’ailleurs appelée Krishna Kamal.
Mise à jour septembre 2024.