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Morus et Broussonetia

Mûriers

Le genre Morus est très proche du genre Broussonetia (en deuxième partie de document),
il était donc impossible de ne pas évoquer ces deux arbres dans un même article, d’autant que tous deux sont nommés ‘mûrier’.
L’un nous a offert la soie, l’autre le papier.

 

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Morus

Mûrier  –  Mulberry

Fruits du mûrier - Morus

L’arbre mûrier est bien différent de la liane, cette ronce sauvage qui produit aussi des mûres, mais leurs fruits sont tellement semblables qu’ils portent le même nom, d’où des confusions répétées depuis toujours…
Ici, nous évoquons le mûrier arbre – Morus, cet arbre qui, sans en avoir l’air, a donné naissance à la Route de la soie.

 

Classification

Cette plante à fleurs – angiosperme – est intégrée dans la famille des Moraceae, famille du figuier – Ficus, de l’arbre à pain – Artocarpus, de l’oranger des Osages – Maclura, et bien d’autres puisque cette famille est riche d’une quarantaine de genres.
La classification des espèces du genre Morus est difficile au vu du polymorphisme fréquent chez une même espèce, ainsi qu’un grand nombre de variétés et d’hybrides.
Tournefort créa le genre Morus et Linné considéra 7 espèces, mais un peu plus tard, en 1873, Édouard Bureau ne valida que 5 espèces avec 19 variétés et 13 sous-variétés. D’autres botanistes tels Gen’ichi Koidzumi, Jean-François Leroy ou, encore plus tard, Cornelis Christiaan Berg, firent de nouvelles propositions de classifications qui ne firent apparemment pas l’unanimité.
Des études réalisées en 2015 par phylogénie interne ont déterminé 8 espèces : alba – celtidifolia – insignis – mesozygia – nigra – notabilis – rubra – serrata.
À l’heure actuelle 17 espèces seraient retenues, elles seraient réparties dans 3 sous-genres ; selon The Plant List de 2019, voici les espèces retenues : alba – australis – cathayana – celtidifolia – indica – insignis – japonica – liboensis – macroura – mesozygia – mongolica – nigra – notabilis – rubra – serrata – trilobata – wittiorum.
À suivre, car certaines de ces espèces sont encore considérées comme des variétés, ou des sous-espèces (souvent d’alba), ou des synonymes…
Au XXe siècle, Pierre Meynadier éclaira les esprits par sa vision écologique et son remarquable travail sur les cultivars de mûriers ; à consulter le document mis en ligne http://www.fruitiers-rares.info/articles33a38/article33-introduction-cultivars-fruitiers-muriers-Morus.html.

Origines

Le genre Morus serait probablement apparu sur terre au cours du Crétacé vers le piémont himalayen, certains avancent une origine indo-malaise, d’autres parlent d’origines multiples ; différentes espèces se sont diversifiées un peu plus tard dans des pays tempérés chauds et subtropicaux.
∙ Asie
Au sud : indica (particulièrement dans le piémont himalayen), serrata (Himalaya et Sud-Ouest de la Chine), macroura, mongolica (en Extrême-Orient).
Au sud-est :
En Chine : alba, cathayana, liboensis, notabilis, trilobata, wittiorum.
Au Japon : bombycis dans les montagnes, et japonica.
∙ Moyen-Orient : nigra en Perse (Iran) et en Asie Centrale.
∙ Amérique : rubra à l’est de l’Amérique du Nord, celtidifolia au sud des USA et en Amérique du Sud, insignis en Amérique Centrale (particulièrement Costa Rica) et Amérique du Sud.
∙ Afrique tropicale : une seule espèce – Morus mesozygia (particulièrement du Sénégal).

Introductions

Une légende raconte que des graines de mûrier blanc furent rapportées de Chine en Europe vers 550 av. J.-C. par un grec qui les cacha dans une canne creuse, mais aucune trace de cet évènement ne permet ni de la valider ni de la contredire. En revanche, des graines de mûrier noir datées du 1er siècle av. J.-C. auraient été retrouvées en France dans l’Hérault ; le mûrier noir est donc arrivé en Europe bien avant le mûrier blanc : l’alimentaire avant la soierie.
Il est raconté que l’Empereur Charlemagne  encouragea dans son royaume la plantation de fruitiers et de certaines fleurs, le mûrier noir en faisait partie.
Alphonse de Candolle dans son ouvrage ‘L’origine des plantes cultivées’ est le premier à faire découvrir l’historique du mûrier blanc et du murier noir, et dans le Dictionnaire des sciences naturelles de Frédéric Cuvier l’histoire et la culture du mûrier sont très largement détaillées.
– Morus nigra fut depuis fort longtemps naturalisé en Europe, il aurait été cultivé en Grèce vers le VIIe siècle av. J.-C. et introduit en Gaule vers 52 av. J.-C., mais il est difficile de l’affirmer, toutefois son introduction en France se serait faite avant celle du mûrier blanc, pour ses fruits.
– Morus alba
Les empereurs et les rois ont toujours été attirés par ce qui se fait de plus beau et de plus savoureux, et immanquablement ils se prirent de passion pour l’arbre à soie !
∙ Au VIe siècle, sous le règne de Justinien, Empereur byzantin (Romain d’Orient), Morus alba fut introduit secrètement des Indes à Constantinople (anciennement Byzance) par des moines afin de développer le commerce de la soie qui se vendait alors à prix d’or.
∙ De là, le mûrier blanc envahit une partie de la Grèce. La région du Péloponnèse s’enrichit grâce au mûrier, et de ce fait prit le nouveau nom de Morée, nom du mûrier.
∙ Dans les années 1100, Roger, Roi de Sicile envahit le Péloponnèse et développa réellement la culture des vers à soie en Sicile, et plus particulièrement à Palerme et en Calabre.
∙ À priori, le mûrier blanc ne serait arrivé en France que vers les années 1300 ; des manufactures de soie auraient été développées vers 1466 par Louis XI, et il est dit que le roi Charles VIII encouragea les manufactures de soie à Lyon.
Après la guerre de 1494, les Français qui avaient découvert en Italie cette plante ‘en or’, ramenèrent de Naples des pieds qu’ils installèrent en Provence, et particulièrement près de Montélimar.
En 1540, François 1er accordant le monopole de la production à Lyon, cette ville devint la capitale européenne de la soie.
Henri II en 1554 ordonna que l’on fasse des plantations de mûriers. On dit qu’il fut le premier roi français à porter des bas de soie.
En 1601 sous ordre du roi Henri IV, Olivier de Serres, qui développait cette culture dans le sud du pays (particulièrement dans les Cévennes), introduisit des plants à Paris, et particulièrement au jardin des Tuileries. Dans le Midi de la France, il fut particulièrement aidé dans sa promotion du mûrier par un jardinier nîmois François Traucat qui fit planter jusqu’à 4 millions de mûriers blancs en Provence et en Languedoc.
La propagation continua dans toute l’Europe. En France, elle fut mise à mal par la révolution. Toutefois l’âge d’or de la sériciculture française se situe entre 1820 et 1855 dans la région lyonnaise. Son déclin commencera avec une maladie du ver à soie. De plus, l’ouverture du canal de Suez permettra l’introduction de soies orientales beaucoup moins chères. À l’heure actuelle, le monde moderne et ses textiles synthétiques a relégué cette manufacture française à l’artisanat de luxe.
∙ L’introduction en Espagne se fit probablement par les Arabes à partir de Constantinople. L’Andalousie serait la première région d’Europe où l’on éleva des vers à soie.
∙ Le mûrier fut introduit dans les années 1600 en Amérique du Nord où les habitants furent pris aussi de la fièvre de la soie, ils l’appelèrent ‘la manie de mûrier’. Pour exemple : en 1624, l’état de Virginie imposa à chaque propriétaire terrien de planter au moins quatre mûriers blancs. En 1830, cette ‘manie’ pris fin au nord à cause d’un hiver rigoureux, et dans le sud pour cause de maladie.
– Morus australis aurait été introduit, d’après certains auteurs, en Europe dès le XVIIe siècle pour son aspect ornemental, mais on lui préféra le platane et resta oublié (ah ! les phénomènes de mode) ; ce n’est qu’au début du XXe siècle que l’on découvrit réellement ses qualités ornementales.
– Le mûrier rouge d’Amérique, Morus rubra fut probablement introduit en Europe en 1629 en Grande-Bretagne. Un peu plus tard, Peter Kalm fut missionné en Amérique pour l’étudier et le collecter en vue d’une acclimatation en Suède pour la sériculture, apparemment ce fut un échec.

Alignement de mûriers - Quartier République à Nice (06)

Noms

Du temps de Dioscoride, on assimilait souvent les mûriers aux figuiers (Ficus) de la même famille et il n’était pas rare de les trouver sous le même nom sukaminea qui deviendra sycomore (voir l’explication sur l’article des Ficus), d’où la confusion de certains textes anciens.
Autre confusion qui persiste au point que dans de nombreux textes actuels il est bien difficile de savoir si l’on parle du mûrier – Morus – ou de la ronce – Rubus fruticosus, cette liane épineuse de la famille des rosacées qui produit des fruits très similaires : les mûres.

Ronce - Rubus fruticosus

– Morus L.
Décrit et nommé par Linné en 1753.
Le nom Morus désigna en premier le mûrier noir. Ce nom vient de l’ancien nom latin Morum désignant la mûre du mûrier, mais aussi le fruit de la ronce ; ce nom serait issu du grec ancien ‘môrós’ signifiant sot, insensé, mais aussi insipide, fade.
Certains auteurs parlent d’une origine celtique du mot ‘mor’ signifiant noir en référence à la couleur de certains fruits à maturité ; d’autres auteurs pensent que cela viendrait plutôt de mora qui signifie tardif en référence à ses feuilles qui commencent à se développer quand tout risque de gelée est écarté, ce qui lui conféra le symbole de prudence, d’ailleurs pour cette raison Pline le considérait comme ‘le plus sage des arbres’ et l’avait nommé Sapientissima arborum ; en latin populaire (comme en espagnol) mora identifie la mûre (mûrier et ronce).
Par extension, le nom de genre Morus fut attribué à la famille Moraceae par Charles Gaudichaud en 1835.
– Sāng est son nom chinois, Kuwa (Kuwazoku) son nom japonais ; on les retrouve sous la même calligraphie 桑.
– Tut est le nom en hindi dérivé du nom perse toot. L’espèce nigra est nommée Shahtut ou shahtoot, en hindi शहतूत et en arabe شاه توت.
– Mulberry est son nom anglophone.
– Noms des espèces
∙ Morus alba (mûrier blanc) est le nom donné par Linné en 1753 ; il vient du latin signifiant blanc en référence (d’après certains) à la couleur blanchâtre des bourgeons, et non pas des fruits puisqu’il existe des fruits blancs mais aussi des noirs ; cette distinction entre mûriers blanc, noir, et rouge n’est toutefois pas évidente, et on serait tenté de rapprocher cette signification de la couleur des fruits ?
Autrefois dans les régions françaises où l’on développa la sériciculture, le mûrier blanc pouvait être appelé ‘arbre d’or’, sans nul doute cela viendrait des efforts déployés pour cultiver des mûriers afin de produire de la soie dont une livre (0,45 kg) de soie importée se payait le prix de l’or !
∙ Morus nigra (mûrier noir) vient du latin signifiant noir, à voir la signification ci-dessus à alba. Nom donné par Linné en 1753.
∙ Morus australis est le nom attribué par Jean-Louis Marie Poiret en 1797. Il fut longtemps appelé Morus bombycis ou Morus kagayamae, noms donnés par le botaniste japonais Gen-ichi Koidzumi, d’ailleurs kagayamae peut être aussi son nom populaire japonais assez courant et utilisé par certains anglophones pour désigner cet arbre, on peut le trouver aussi sous le nom de Morus platinifolia, mûrier platane.
Ses autres noms japonais sont Hachizhowgwa et Yama-guwa signifiant ‘mûrier des montagnes’.
∙ Morus rubra – mûrier rouge – red mulberry – vient du latin signifiant rougeâtre, à voir la signification ci-dessus à alba. Nom donné par Linné en 1753.
∙ Morus macroura est le mûrier de l’Hymalaya. Morus japonica est le Nangasaki. Morus celtidifolia est le mûrier du Texas…
– Murier
Les noms vernaculaires (populaires) de ‘mûrier de renard’ ou ‘mûrier des haies’ sont inappropriés puisqu’ils désignent la ronce commune du genre Rubus fruticosus de la famille des rosacées ; il en est ainsi pour deux autres membres de la famille des moracées : le ‘mûrier à papier’, Morus papyrifera qui fut reclassé dans le genre Broussonetia, et le ‘mûrier des teinturiers’ autrefois nommé Morus tinctoria par Linné puis reclassé dans le genre Maclura (parfois aussi dans le genre Broussonetia).
– Amourié est le nom provençal des mûriers.

Habitat

Autrefois, il était dit que là où pousse la vigne, là peut pousser le mûrier.

On les trouve dans des zones tempérées et subtropicales.
Ils préfèrent une situation ensoleillée mais non-sèche, ils prospèrent aussi à mi-ombre lumineux mais alors ils produisent moins. Un sol frais, fertile et bien drainé, plutôt calcaire leur convient. La tolérance au gel varie selon l’espèce de -10°C à -20°C, mais toutes les espèces ne supportent pas de gel prolongé. Ils opposent une bonne résistance à la pollution atmosphérique.
∙ Morus alba tolère la sécheresse et nécessite une exposition très lumineuse. Certaines variétés sont très résistantes au froid telle Morus alba var. tatarica originaire de Russie.
∙ Morus nigra est très rustique, il a une préférence pour les sols légers, secs et rocailleux.
∙ Morus australis apprécie les situations ensoleillées, à l’abri des vents froids, il est à réserver pour les régions à climat doux, toutefois il tolère le gel jusqu’à -10 à -12°C, voire plus quand il est déjà bien installé.
∙ Morus rubra se trouve dans les vallées, dans les plaines inondables, le long des cours d’eau, malgré tout le sol doit être bien drainé, jamais plus haut que 600 m d’altitude. Il tolère bien une certaine ombre.

Morus australis - Jardin de Meise en Belgique

Caractéristiques

Les caractéristiques données ici sont assez générales car chacune des espèces ont été largement cultivées et travaillées, et à l’heure actuelle on trouve souvent des cultivars.
L’espèce type est Morus nigra.
– Toutes les plantes du genre Morus produisent dans leurs tissus un latex (limpide) légèrement toxique pour l’humain, tout comme les Ficus (latex laiteux). Une étude a découvert une nouvelle protéine produite par le latex du mûrier qui présente une forte toxicité pour les chenilles de certains papillons, exceptées celles du ver à soie. Défense ciblée, les plantes ‘pensent’ à tout !
– La croissance est rapide ou lente selon l’espèce. La longévité varie de 100 à 150 ans, très rarement plus ; en général, un arbre d’une centaine d’années a tendance à éclater son tronc en deux, ce qui annonce sa fin. Sur internet, on peut découvrir des mûriers plantés en Europe qui seraient âgés de 300 à 400 ans, voire plus, mais cela semble très étonnant, d’autant que les vieux mûriers répertoriés par exemple dans le jardin de Yulin en Chine du Nord ne dépasse pas les 240 ans ?
Morus alba a une croissance assez rapide, mais sa durée de vie serait plus courte, environ 100 ans, que Morus nigra dont la croissance est plus lente mais qui peut vivre jusqu’à 150 ans, Morus australis a une croissance lente, Morus rubra une croissance rapide pour une longévité au maximum de 125 ans.
– Cet arbre se développe de 8 à 15 m pour alba, de 15 à 20 m pour nigra, de 7 à 8 m avec un étalement de 5 à 10 m pour australis, et de 9 à 15 m pour rubra pouvant atteindre jusqu’à 20 m dans son pays d’origine.
Les espèces telles (par exemple) laevigata et insignis peuvent culminer à 30 m dans leur pays d’origine, mesozygia à 30/40 m.
– Le tronc est généralement court, trapu, et noueux avec l’âge
Le houppier est généralement arrondi pour alba, étalé pour nigra, et encore plus pour l’espèce australis.

Morus sp. - quartier Delfino à Nice (06)
Morus alba au jardin du Prieuré de Salagon à Mane (04)

– Les bourgeons sont protégés par 3 à 6 écailles ; les rameaux portent des lenticelles (pores à la surface de l’écorce permettant les échanges gazeux) ; les branches peuvent être tortueuses.
– Les racines charnues sont pivotantes, mais surtout traçantes à fleur de sol, et supportent mal un sol gelé.
– L’écorce gris clair à brun grisâtre se fissure avec l’âge, généralement assez finement ou en larges plaques pour rubra.

Écorce de mûrier blanc
Écorce de mûrier platane

– Le mûrier est un des arbres feuillus au débourrement les plus tardifs et cette caractéristique lui a donné la réputation de sagesse et de prudence. Le débourrement de nigra est encore plus tardif que celui de l’espèce alba.
Les feuilles sont caduques, alternes, pétiolées, inégalement dentées, plus ou moins acuminées (souvent peu pointues pour alba), trinervées, et présentent des stipules caduques.
Si, selon l’espèce, elles peuvent être plutôt simples ou lobées (trilobées), elles ont une très nette tendance à la polymorphie, elles seraient plus souvent lobées sur les pousses juvéniles. Elles sont ovales ou arrondies, leur revers est nettement marqué par les nervures. Vertes, elles deviennent jaunes à l’automne.

∙ Les feuilles de nigra sont un peu plus grandes (±15 cm) que celles d’alba (5 à 12 cm).
Alba développe souvent des feuilles polymorphes sur le même arbre, leur base en forme de cœur est peu échancrée alors que chez nigra elles sont souvent entières parfois (rarement) trilobées et sont nettement échancrées à la base.
Elles sont non rugueuses et glabres (parfois légèrement pubescentes sur les nervures du revers) pour alba alors que celles de nigra sont rugueuses et parfois pubescentes sur le revers.
∙ Les feuilles de rubra, 10cm, sont ovales avec la base en forme de cœur, longuement acuminées, entières ou très rarement lobées, dentées grossièrement, légèrement pubescentes des deux côtés.
∙ Les feuilles de bombycis sont grandes, 20 cm, polymorphes mais généralement trilobées.
∙ Les feuilles de celtidifolia ressemblent à celles du micocoulier – Celtis – d’où son nom.
∙ Les feuilles de trilobata comme son nom l’indique présente des feuilles à 3 lobes étroits, le central étant très long.

Les feuilles sont souvent polymorphes.

– Les mûriers sont généralement matures sexuellement vers l’âge de 10 ans, et offrent une fructification intéressante pendant au moins 30 ans, pour certaines espèces cultivées ils peuvent être matures vers l’âge de 4 ans. Ils produisent au maximum tous les 2 à 3 ans.
Selon l’espèce, les fleurs sont unisexuées soit sur un même plant (monoïques), soit sur deux plants différents (dioïques), toutefois dans une même espèce on trouve parfois les deux caractères, des observations ont même révélé qu’un même plant pouvait être soit l’un soit l’autre selon les années ; on peut découvrir aussi chez certaines espèces des fleurs bisexuées (hermaphrodites), mais c’est assez rare.
Les espèces alba et nigra sont parfois monoïques ou parfois dioïques, australis est plutôt monoïque, et rubra en général dioïque, mais parfois monoïque.
De taille assez petite, les fleurs se développent au printemps en même temps que les feuilles à la base des rameaux de 1 à 2 ans et à l’aisselle des feuilles, en chatons verdâtres, ovales pour les mâles, ou allongés pour les femelles.
Assez insignifiantes, elles sont regroupées en une inflorescence généralement solitaire, pédonculée (alba, rubra) ou parfois sessile (sans tige) ou presque (nigra).
Les fleurs sont apétales, et les sépales sont souvent nommés tépales.
∙ Les fleurs staminées (mâles) en chatons courts : un calice à 4 sépales presque libres, ovales, concaves – 4 étamines. L’espèce alba est connue pour libérer le pollen de manière explosive. Pollinisation par le vent – anémophile.
∙ Les fleurs pistillées (femelles) sont en épis : 4 sépales dont les 2 extérieurs sont plus grands – 1 ovaire à 2 loges contenant chacune un ovule, mais un seul se développera – 1 style plus ou moins long, voire sessile (alba), portant 2 stigmates bifides, glabres (alba), ou velus (nigra).

∙ Les fleurs hermaphrodites possèdent, bien sûr, les deux caractères.
En savoir plus sur La Fleur.
– Le fruit est une polydrupe de 2 à 2,5 cm, c’est une infrutescence, contrairement au fruit de la ronce qui est issu d’une seule fleur à carpelles (loges) multiples, même si par extension on lui attribue (à tort) ce nom d’infrutescence.
En fait, après fécondation, chaque fleur de l’épi fusionne (syncarpe) : le calice devient charnu (contrairement à celui de la ronce qui reste extérieur au fruit), et persiste autour de l’ovaire (de chaque fleur) qui se transforme en un akène, qui est en fait le vrai fruit ; le tout forme un poly-fruit, un faux-fruit dont chaque drupéole possède une graine.
Généralement, ils sont matures de la fin du printemps (mai) à l’été (août) pour alba, et à la fin de l’été pour nigra.
Principales différences des fruits (entendu le faux-fruit) :
∙ Le pédoncule (tige) est plus long chez alba, d’ailleurs chez l’espèce nigra le fruit peut être sessile (absence de tige).
∙ À maturité, le fruit d’alba se détache facilement du rameau, alors que chez nigra il y a résistance.
∙ Le fruit d’alba est bosselé et présente des contours irréguliers, il est parfois incurvé. Chaque drupéole est assez ronde, blanche ou rosée, elle vire jusqu’au noir violacé, ou reste blanche pour certaines mutations.
Morus macroura
, le mûrier impérial est probablement une variété de l’espèce alba, son fruit (tout particulièrement celui du cultivar ‘Giant Pakistan’) est très impressionnant avec ses 10 cm de long !
Le fruit de nigra a un contour régulier, il est plus allongé qu’alba. Chaque élément du fruit est plus rond, plus serré, plus près des autres, et plus petit que chez alba.
∙ Les styles courts d’alba ne persistent pratiquement pas sur le fruit, alors que pour nigra, les styles se dessèchent mais restent visibles sur le fruit.
∙ Selon les variétés, les hybrides etc. les fruits matures ont une couleur très variable chez alba, soit blancs, rosés, ou violet noir, alors que chez l’espèce nigra, australis et rubra ils sont sensiblement identiques en devenant violet noir.
∙ Le goût des fruits ressemble à ceux de la ronce – Rubus fruticosus, mais avec une saveur nettement moins prononcée ; leur forme est plus allongée.
Le goût des fruits d’alba n’est jamais acidulé, il a un goût insipide mais sucré ; peu appréciés, hormis ceux de certains cultivars, ils sont généralement dédaignés contrairement à ceux de nigra au goût agréable, sucré et acidulé, ou ceux d’australis, juteux au goût sucré, ou encore à ceux de rubra qui seraient savoureux à maturité.

– Les petites graines, les akènes de 2 à 3 mm sont ovales ; leur pouvoir germinatif ne dure que quelques semaines, ou jusqu’à 6 mois dans des conditions adéquates. Les oiseaux sont en grande partie responsables de la dissémination des graines car très friands de ces fruits, ils excrètent les graines au cours de leur vol, et ce passage par l’intestin favorise nettement le développement du semis. Cette large dissémination par les oiseaux a été un problème aux USA car le mûrier rouge indigène a failli être supplanté par le mûrier blanc asiatique, d’ailleurs depuis 1999, Morus rubra est considéré en voie de disparition.
– Hybrides, variétés et cultivars
Si le mûrier blanc s’hybride facilement avec le mûrier rouge, le mûrier noir ne s’hybride pas.
Pour le nourrissage des vers à soie, la variété ‘multicaulis’ est intéressante car ses feuilles mesurent jusqu’à 30 cm.
L’espèce alba offre de nombreux cultivars.
∙ Le cultivar ‘unryu’ est apprécié pour son aspect noueux qui agrémente les jardins en hiver.
∙ Il existe aussi des cultivars aux formes naines ou pleureuses tels Morus alba ‘ Pendula’.

Morus alba 'Pendula' - Parc Phœnix à Nice (06)

Le cultivar ‘Pendula chaparral‘ est un mûrier blanc pleureur sans fruits (sélection de pied mâle), il est apprécié pour son implantation en ville, car pas de fruits pas de salissures, c’est aussi le cas de Morus alba ‘Fruitless’.
– Multiplication par semis et boutures ; la greffe est une méthode souvent utilisée pour les mûriers.
– Ennemis
Oïdium – chancre – maladie du corail – rouille – gommose.
La larve du longicorne tigre – Xylotrechus chinensis, un insecte xylophage, est un ravageur de mûriers, et particulièrement du mûrier platane. Toute suspicion de sa présence doit être signalée auprès de la Direction Régionale de l’Alimentation de l’Agriculture et de la Forêt, DRAAF.

Utilisations

Avant de vous rendre acquéreur d’un mûrier, il vous faudra bien vérifier ce que l’on vous propose, et s’il n’apparaît que le nom populaire vous pouvez vous retrouver avec une ronce dont les fruits plus gros sont savoureux mais à la place d’un arbre vous aurez une liane ! Rien ne vaut l’étiquetage avec le nom latin.
Une plantation de mûriers est nommée mûraie ou mûreraie.
Les principales utilisations sont la sériciculture avec le mûrier blanc et le mûrier platane, l’alimentaire avec le mûrier noir, et l’ornementale avec le mûrier platane, mais pratiquement (en France) toutes ces espèces sont utilisées à l’heure actuelle en ornementale dans les villes, en alignement et comme plante d’ombrage.
– La sériciculture est l’élevage des vers à soie. Le lieu d’élevage du ver à soie est une magnanerie ( du languedocien ‘manian’ signifiant manger, du fait de la voracité des vers à soie).
∙ Le mûrier est particulièrement cultivé en Inde pour cette utilisation, et ce depuis longtemps puisque des traces de cet usage ont été découvertes et datées de 2 800 av. J.-C.
En Chine, la plantation et la culture des mûriers avaient une importance prédominante dans l’agriculture chinoise, et ils auraient été cultivés depuis au moins 4 500 ans, mais d’après certains éléments de fouilles la sériciculture aurait réellement commencé en Chine vers 2 600 ans. D’après les écrits de Confucius, il est raconté que vers 2 640 av. J.-C., Leizu (Hsi-Lin-Shih), la femme de l’Empereur jaune buvait son thé sous un mûrier lorsque tomba dans sa tasse un cocon de vers à soie ; voulant l’ôter, elle déroula un fil blanc et solide ; il lui vint alors l’idée de le tisser, et depuis elle est considérée comme la déesse de la soie.
La sériciculture a été transmise au Japon de Chine via la Corée durant la période Yayoi (de 800-400 av. J.-C. à 250 apr. J.-C.).
La production de soie en Chine atteint sa perfection artisanale au cour de la dynastie des Shang (1600 à 1046 av. J.-C.). L’élevage des vers et la fabrication de la soie étaient tenus au secret, les dévoiler était punissable de la peine de mort ; il existe d’ailleurs de très nombreuses légendes relatant les stratagèmes pour découvrir le secret bien gardé de la production de soie chinoise. Son prix était tellement élevé que seuls les empereurs pouvaient porter des vêtements en soie, ainsi elle devint un symbole de pouvoir, et même une monnaie d’échange.
Au deuxième siècle av. J.-C., l’ouverture de la Chine aux pays avoisinants permit la création de ‘la Route de la soie’. La production fut tout d’abord acheminée vers ‘l’ancien’ Turkestan oriental (la région des Ouïghours) d’où les marchands méditerranéens venaient s’approvisionner, mais par la suite l’instabilité de ces régions (déjà !) donnèrent naissance à d’autres routes plus maritimes. À l’heure actuelle, la Chine et le Japon produiraient la moitié de la production mondiale.
Le Yuki-Tsumugi est une technique japonaise de tissage de la soie transmise de génération à génération, 40 processus manuels sont nécessaires ; connue depuis 2 000 ans, cette technique fut considérée comme ‘bien culturel national immatériel’ par le gouvernement japonais en 1956, et inscrite en 2010 comme ‘patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO’. On peut particulièrement découvrir ce patrimoine au nord de Tokyo dans la ville traditionnelle de Yuki.
Dans toutes les régions à l’ouest de la Chine ont été planté de nombreux mûriers, un des plus connus actuellement est celui qui trône sur la place de la mosquée Boukhara Karan en Ouzbékistan.

Photo de Nata Madilyan - https://novastan.org/fr/photo-du-jour/un-murier-dans-la-cour/

∙ La chenille du papillon Bombyx mori, originaire de Chine, se nourrit exclusivement de feuilles de mûrier, et s’est révélé le meilleur lépidoptère séricigène produisant une soie de qualité exceptionnelle. La chenille sécrète une bave qui durcit : la soie, qui forme un cocon dans lequel elle s’enferme pour devenir chrysalide, puis papillon. À l’heure actuelle, il n’existerait plus de Bombyx sauvage.
Il faut 1 tonne de feuilles de mûrier pour nourrir 50 000 chenilles qui produiront 40 kg de cocons frais. Chaque cocon fournit de 600 m à 1 km de fil. 11 kg de cocons frais donnent 1 kg de soie filée, d’où le prix élevé.

http://informations-documents.com/environnement/coppermine15x/displayimage.php?pid=27064

∙ Du fait de la pubescence de ses feuilles qui n’est pas du goût des larves du bombyx, l’espèce nigra n’est pratiquement jamais utilisée pour nourrir les vers à soie, on lui préfère les qualités des feuilles d’alba, ou encore de l’espèce australis.
Le mûrier à papier – Broussonetia papyrifera fut cultivé comme substitut des mûriers mais sans grand succès.
L’oranger des Osages – Maclura auriantaca est un arbre d’origine américaine, il appartient à la famille des moracées et ses feuilles ont des qualités nutritives (pour les vers à soie) proches de celles du mûrier blanc. Il fut tout d’abord introduit en France pour la qualité de son bois afin de fabriquer des arcs. En 1832, Alire Raffeneau-Delile introduisit deux spécimens dans le jardin botanique de Montpellier, et en 1834 Matthieu Bonafous s’intéressa aux qualités des feuilles comme substitut de celles des mûriers qui avaient subi de graves attaques dues au gel tardif ; ces tentatives ne furent pas suffisamment concluantes et la culture pour cet usage fut abandonnée.
– Alimentaire
∙ Les fruits très nutritifs sont consommés frais ou séchés, mais se conservant mal ils sont souvent transformés en confitures ou en boissons ; par contre, sous l’appellation ‘mûres’ on trouve souvent dans le commerce le fruit de la ronce commune, il n’est donc pas facile de savoir à qui on a affaire, et seule la représentation de la plante (arbre ou liane), ou bien le nom latin pourraient donner la solution ; afin de les distinguer, en Suisse et en Savoie (France), le fruit peut porter le nom de mûre s’il s’agit du mûrier et de meuron ou mûron s’il s’agit de la ronce.
C’est surtout l’espèce nigra qui est cultivée en alimentaire.
Attention, les fruits non matures ont mauvaise réputation car considérés comme légèrement hallucinogènes.
Majoritairement cultivés au Moyen-Orient (Iran, Syrie, Liban, Israël), les fruits ne sont pas très appréciés, mais certains hybrides sont consommés surtout séchés. On en fait surtout des boissons : sirop, vin, liqueur, alcool, ou bien un colorant pour le vin, mais aussi des confitures et des gelées.
Les fruits sont fragiles et très tâchants, d’ailleurs Pierre Lieutaghi a écrit à ce sujet : « Le suc des mûres ensanglante les mains et les bras des cueilleurs – les délices de la gelée justifient le carnage ».
∙ Les feuilles procurent un bon fourrage.
– Écologie
Les animaux, oiseaux et mammifères, en raffolent. Il est planté à proximité des autres plantations fruitières afin de les attirer et ainsi protéger les autres productions.
Considérées comme des plantes pionnières, certaines espèces seraient utilisées dans des projets de reboisement, ce serait le cas de l’espèce macroura en Thaïlande.
– Ornementales
Au vu du dérèglement climatique, l’espèce alba devient un arbre d’ombrage intéressant dans toute la France, il est alors préférable de planter la variété ‘fruitless’ qui est stérile et évite ainsi les salissures des fruits au sol ; l’espèce australis est surtout à réserver dans la moitié sud ; nigra et rubra supportent particulièrement bien la pollution et trouvent leur utilisation en arbre d’alignement en ville.
Les mûriers sont aussi de jolis bonsaïs d’extérieur.

Mûrier platane - Quartier du port à Nice (06)

– Certaines espèces sont utilisées pour leurs qualités de bois.
∙ En Afrique tropicale, le bois de l’espèce mesozygia (appelé ‘difou’ dans le commerce) est particulièrement prisé et présente diverses utilisations, pour exemple parmi d’autres, en R. D. du Congo on fabrique des pirogues, mais cet arbre est aussi apprécié pour ses fruits, ses feuilles en fourrage, son écorce fibreuse, sa glu, ses remèdes en médecine traditionnelle, et bien sûr en tant qu’arbre d’ombrage (en Côte d’Ivoire dans les plantations de café et de cacao).
∙ Le bois d’alba et de nigra se prête bien à l’ébénisterie et à la marqueterie ainsi qu’à la fabrication de pâte à papier, sans rivaliser toutefois avec le mûrier à papier – Broussonetia payrifera. Autrefois, ce bois servait à fabriquer des meubles, des petits ustensiles, et des paniers, ainsi que la construction de bateaux. Au Japon, on extrayait une fibre de l’écorce comme textile.
Les tonneaux en bois de mûrier s’adaptent à la distillation de fruits à noyaux, à faire du marc, et à conserver certains vins auxquels ils apportent des notes sucrées.
Le bois de rubra est de qualité robuste, il était autrefois utilisé pour les charpentes de bateaux, les pieux… Les Amérindiens en faisaient des arcs, tout comme les Chinois qui les considéraient comme des arcs de moyenne qualité.
∙ Le bois de ces différentes espèces peut servir de bois de chauffage de cheminée, à brûler bien sec, il est très odorant.
∙ En Iran, avec le bois d’alba on fabrique un instrument de musique, le târ (signifiant corde en persan) appelé luth en français ; cet instrument est un symbole important dans la culture de l’Azerbaïdjan, et d’ailleurs sa fabrication dans un bloc de mûrier coupé en deux et sa pratique sont inscrites depuis 2012 par l’UNESCO comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
– L’écorce des racines trouve son utilisation en teinturerie en tant que colorant jaune.
– Pharmacie et cosmétologie
∙ Les fruits et les feuilles contiennent des antioxydants, d’ailleurs à cet effet, les feuilles sont commercialisées pour faire du thé au goût similaire au thé vert avec l’avantage de ne contenir ni tanins, ni caféine.
Le mûrier blanc est particulièrement apprécié en médecine ayurvédique, il fait aussi partie de la pharmacopée chinoise et japonaise, ses feuilles et son écorce seraient un remède pour les poumons, et ses feuilles pour le foie ; il aurait une action sur la peau. Une étude publiée en 2016 dans ‘International Journal of Pharma and Bio Sciences’ met en avant les qualités antimicrobiennes dans les soins dentaires.
Les fruits de nigra étaient autrefois utilisés pour ‘tous les maux’, et particulièrement pour le traitement des maux de gorge, de la teigne, et comme laxatif… Le macérat de bourgeons régule le taux de sucre dans le sang.
Hildegarde conseillait les feuilles du mûrier noir (Mulbaum) en cas d’empoisonnement.
En homéopathie sont proposés des granulés comme anti-inflammatoire et pour lutter contre le diabète…
∙ En cosmétique, le mûrier est utile pour entretenir la peau. En Inde, le jus du fruit est particulièrement recommandé contre les rides et pour les troubles oculaires. L’espèce alba aurait un pouvoir éclaircissant pour la peau ; rubra aurait une action sur les maladies de peau. La racine d’australis est utilisée pour des crèmes régénérantes.
– Leurs huiles essentielles aromatisent les cigarettes (y compris les électroniques).

Anecdotes

– Légendes et symboles
∙ Chine
Dans certains représentations chinoises, le mûrier est considéré comme l’arbre du Levant, domicile du soleil qui, après s’être levé, poursuit sa route d’Est en Ouest en changeant de couleur, tout comme le fruit qui de blanc devient rosé puis noir, c’est le K’ong sang, le mûrier creux ; d’autres représentations de l’univers placent à l’Est un pêcher (Prunus), mais quoiqu’il en soit pour les Chinois l’arbre en tant que bois est au centre de l’univers, le bois est alors considéré comme le cinquième élément avec l’air, la terre, l’eau et le feu.
En tant qu’arbre cosmique qui permet d’atteindre le ciel, des mûriers sacrés (considérés comme ‘hermaphrodites’ donc avant le Yin et le Yang) étaient plantés devant la porte Est de la capitale impériale.
Les Chinois donnaient une importance capitale aux mûriers au point de donner des conseils de plantation : un plant devait être transplanté dans la même position qu’initialement par rapport aux points cardinaux ; ce conseil était valable aussi pour toutes les autres plantes.
Le mûrier peut être protecteur mais aussi annonciateur de bonnes comme de mauvaises nouvelles.
À une certaine époque en Chine, le mûrier fut aussi un symbole de deuil et on évitait d’en planter dans sa cour, d’ailleurs la prononciation de son nom chinois sāng se rapproche du verbe zāng signifiant ensevelir.
Dans le folklore chinois, Tianma, un cheval ailé céleste représente la Divinité des vers à soie.
Dans plusieurs pays dont la Chine en premier, le mûrier représentait le pouvoir car seuls les puissants pouvaient se permettre de porter des habits en soie.
∙ Europe
Le poète latin Ovide, dans son récit des amours tragiques de Pyrame et Thisbé, reconnaît leur sang versé dans la couleur du fruit du mûrier, arbre sous lequel ils devaient trouver, par méprise, la mort l’un après l’autre ; cette couleur est signe de deuil. Dans la tradition latine, on peut trouver le mûrier sous le nom de Pyramea arbor – arbre de Pyrame.
Pline le considérait comme ‘le plus sage des arbres’ et l’avait nommé Sapientissima arborum. (voir à Noms)
En Sicile, il représentait la protection, et planter un mûrier du côté est de sa maison apportait le bonheur pour toute la vie. On dirait bien que les légendes chinoises ont été introduites en même temps que la plante !
En Allemagne, il est raconté que le diable cire ses bottes avec les fruits du mûrier noir.
En Provence, il est un dicton qui fait référence à l’utilisation assez rapide d’une plantation de mûriers :

« Oliu de ton grand, castanhièr de ton paire, amourièr de tu »
« Olivier de ton grand-père, châtaignier de ton père, mûrier de toi »

– La filature de soie de Tomioka au Japon fut inscrite en 2014 au patrimoine mondial de l’UNESCO. Elle représente l’ouverture et la modernisation du Japon. Elle est née en 1870, fruit d’une collaboration franco-japonaise.

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Broussonetia

Mûrier  –  Mulberry
Gou shu  –  Kôzo  –  Tak

 

Classification et introduction

Ce genre est très proche du genre Morus. En 1753, Linné le classa d’ailleurs dans le genre Morus, il basait sa classification par rapport à une étude faite sur un pied mâle de l’espèce papyrifera, ce genre ne développe que des plantes dioïques (Linné ne le savait pas encore), et les pieds mâles présentent les mêmes caractéristiques que les pieds mâles de certains ‘vrais’ mûriers (Morus) d’où la confusion possible.
Le genre et particulièrement l’espèce papyrifera a été découverte à Pékin dès 1687 par des missionnaires jésuites. Son introduction en Europe revient surtout à Peter Collinson à partir de graines envoyées de Chine en 1751 par un de ses correspondants, le Père d’Incarville. Certaines de ces graines furent envoyées à la Société Royale d’horticulture de Londres, mais l’histoire dit que les arbres obtenus ne fructifièrent jamais, et pour cause il ne s’agissait que de sujets mâles ! L’explication de cet échec viendra un peu plus tard quand, en 1786, Auguste Broussonet planta à Paris au Jardin du Roi des plants obtenus en Écosse, il en introduisit aussi dans son jardin de prédilection, le Jardin des plantes de Montpellier. Les botanistes étudièrent ces nouveaux plants qui se révélèrent pour certains être des pieds femelles, ils différencièrent alors ces plantes du genre Morus après avoir observé et étudié la fleur femelle et le fruit bien différents de ceux des ‘vrais’ mûriers ! De là, Jean Lamarck créa le genre Papyrius, alors que de son côté le botaniste Charles Louis L’Héritier de Brutelle créa le genre Broussonetia en honneur à Auguste Broussonet. Le nom de genre Broussonetia fut confirmé et validé officiellement en 1799 par le botaniste français Etienne Pierre Ventenat dans sa publication ‘Tableau du règne végétal selon la méthode de Jussieu’.
Le nombre d’espèces, là encore, n’est pas clairement défini, on parle de 2 à 4 espèces, voire 8 à 11 espèces selon les auteurs.

Origines

Zones tempérées du Sud-Est asiatique, particulièrement Chine et Japon pour l’espèce papyrifera.

Noms populaires de l’espèce papyrifera

– Mûrier de Chine – Mûrier d’Espagne – Mûrier à papier.
Le nom de ‘mûrier d’Espagne’ vient probablement de son introduction en France en 1786 pour nourrir les vers à soie en remplacement des mûriers malades ?
– Paper mulberry est son nom anglophone.
– Gou shu – 构树 est son nom en mandarin.
– Kajinoki – 梶の木 est le nom japonais de cette espèce, mais on la trouve souvent sous le nom de Kôzo – 楮 qui est aussi le nom du genre ainsi que celui de l’espèce kazinoki et celui d’un hybride naturel coréen des espèces papyrifera x kazinoki, renommé en 2009 Broussonetia x hanjiana (hanji : papier en coréen), c’est d’ailleurs cet hybride qui serait principalement utilisé pour fabriquer le traditionnel papier japonais washi, d’où probablement la confusion.
– Tak est son nom coréen.

Habitat

Fourrés – ravins – lisières de forêts.
Situation chaude et ensoleillée, ou mi-ombre, sur tous sols si bien drainés.
Tolérance au gel de – 5°C jusqu’à -15°C selon l’âge et l’exposition. Tolérance à la sècheresse et à la pollution.

Morus papyrifera au jardin du Prieuré de Salagon à Mane (04)

Caractéristiques de l’espèce papyrifera

Plante à latex.
– Croissance rapide (voire très rapide en Ouganda où il est considéré comme une mauvaise herbe envahissante), pour une longévité de 100 à 150 ans.
– Arbre de 10 à 15 m, voire 20 m dans ses pays d’origines, au port étalé, à l’écorce gris beige foncé, légèrement striée et fibreuse.
– Les jeunes rameaux sont pubescents ; taillés, ils laissent s’échapper un latex blanc.
– Espèce pionnière, elle peut devenir invasive par ses nombreux drageons, et est parfois considérée comme une mauvaise herbe.
– Les racines superficielles et charnues peuvent se révéler très agressives.
– Les feuilles caduques de 10 à 20 cm ressemblent aux feuilles des Morus. Au bout d’un long pétiole, elles sont alternes, acuminées, dentées, polymorphes, entières ou profondément lobées ; les jeunes sujets portent des feuilles souvent lobées (ressemblant au laurier des Iroquois – Sassafras albidum), mais avec l’âge la plante développe des feuilles plus petites, plutôt entières et ovales. Elles sont pubescentes quand elles sont juvéniles, puis rugueuses sur les 2 faces et au revers laineux. De couleur vertes elles jaunissent à l’automne.

– Les fleurs unisexuées sur des plants différents (dioïque) se développent du milieu à la fin du printemps, avant, puis avec les feuilles.
∙ Les inflorescences mâles solitaires ou groupées sont en chatons axillaires de 3 à 10 cm, cylindriques, pendants, vert pâle : 4 sépales, apétales, 4 étamines. La pollinisation est principalement anémophile ; le pollen est allergénique.
∙ Les fleurs femelles sont regroupées en une inflorescence solitaire formant un petit glomérule de 1 cm, brun verdâtre ressemblant à celui de l’oranger des Osages (Maclura pomifera), ou même du platane (Platanus). De ce glomérule émergent de longs filaments rosés attractifs, ce sont les styles de chaque fleur.
Les fleurs sont protégées par des bractées pubescentes, possèdent 4 sépales formant un périanthe tubulaire, elles sont apétales, l’ovaire est supère, le long style de couleur rose très attractive disparaît après la fécondation.
Le glomérule floral ressemble à celui du platane (pourtant pas de la même famille) à la différence que les styles du platane sont assez courts, il ressemble surtout au Maclura pomifera (plus logique car de la même famille) à la différence que les longs styles de Maclura sont blanc-jaunâtre (moins décoratifs).

Après fécondation, le réceptacle sur lequel le calice de chaque fleur est inséré s’allonge et le déborde en devenant charnu, il fusionne alors avec les autres calices du glomérule. Étonnamment chaque fleur fécondée du glomérule va aussi produire un tube d’environ 1 cm qui émerge du glomérule et devient orangé, à l’extrémité extérieure de chaque tube on peut découvrir la graine qui se trouve ainsi éloignée du glomérule. (Je ne sais pas à partir de quel élément de la fleur ce tube se développe).
– Les fruits estivaux de 2 à 3 cm sont en syncarpe globuleux, de couleur verte, mais les tubes avant de se disperser lui donnent une couleur rouge-orangé très attractive pour les oiseaux et les divers mammifères qui aident à la dissémination.
La graine est un akène rouge de 1 à 2 mm.

Utilisations des Broussonetia

Le Broussonetia est important économiquement en Asie par ses fibres permettant la fabrication de papier et de tissu.
– Le papier
∙ Les premiers supports de l’écriture furent la roche, la pierre, les os d’animaux, le bois, ou encore l’argile, puis ce fut le papyrus (nom latin du papier), et le parchemin en peau d’animal, alors qu’en Chine on utilisa le bambou et la soie (on en revient au mûrier !).
Quant à l’invention du papier, elle ne commença en Chine qu’au deuxième siècle av. J.-C. et ne devint vraiment effective que vers l’an 105 grâce aux améliorations de techniques de fabrication attribuées à Cai Lun (d’après une légende/réalité chinoise ?) qui utilisa surtout de l’écorce d’arbre (entre autres du mûrier), du lin et du chanvre… moins coûteux que la soie. Le procédé fut divulgué beaucoup plus tard dans les autres pays proches par l’intermédiaire des moines bouddhistes vers le IVe siècle en Corée, et au début du VIIe siècle au Japon. Le papier n’arriva en Europe que vers le XIe siècle pendant les invasions arabes en Sicile et en Espagne, et les premiers moulins à papier français ne virent le jour qu’au XIVe siècle à Troyes et à Essonne.
En Italie, on trouve dans une encyclopédie pour enfants une définition du papier qui en dit long sur l’importance de ce matériau :

« Matériau indispensable pour diffuser des idées au quotidien. Au cours des siècles, le papier a énormément contribué au progrès, à la participation des citoyens à la vie démocratique et à l’augmentation du niveau de culture et d’éducation moyen. »

∙ L’utilisation du bois de Broussonetia s’imposa rapidement car la sous-couche de son écorce, le liber est bien adapté pour confectionner des papiers de grandes qualités pour la calligraphie, la peinture, les estampes, les origamis, le papier à lettres, les lanternes, les parapluies, les poupées, les cerfs-volants, les éventails etc. ainsi que les fameuses portes coulissantes en bois et papier washi des maisons traditionnelles japonaises.
Au Japon, la majorité des papiers nommés ‘washi’ sont fabriqués à partir des fibres de la plante Kôzo, mais aussi de l’arbuste mitsumata – Edgeworthia chrysantha, et de l’arbuste ganpi (gampi) – Wikstroemia sikokiana ; parfois ces trois fibres sont mêlées : Kôzo apporte la souplesse et la solidité, gampi assure une surface serrée et brillante, mitsumata un fini doux et satiné. Hormis la qualité des fibres, la fabrication du washi dépend beaucoup de la pureté de l’eau avec lequel il est traité.
À l’heure actuelle, ce papier serait utilisé dans la recherche spatiale, mais aussi dans la fabrication de casques de motos, d’écouteurs…
Petit conseil : allez visiter la page dédié aux ‘Papiers fascinants du Japon’ du site niponica https://web-japan.org/niponica/pdf/niponica18/no18_fr.pdf

Ombrelles et lanternes en papier à Pairi Daiza (Belgique)

En Europe, on l’appelle ‘papier de soie’ ou ‘papier de riz’, mais ces appellations populaires sont erronées, ce papier ne provenant ni du mûrier blanc, l’arbre à soie, ni du riz même s’il existe du papier fabriqué avec du riz (qui est d’ailleurs comestible) mais ce n’est pas le papier dont il s’agit, la confusion vient du fait qu’autrefois on emballait le riz dans du papier de Broussonetia.
Les Japonais ainsi que les Coréens s’illustrèrent dans le procédé de fabrication du papier. La fabrication des fameux papiers japonais a été reconnue en 2014 au ‘Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO’.
∙ Les Coréens ont développé leur savoir-faire ancestral, vieux de plus de 1 600 ans, en créant le ‘hanji’, un papier velouté, résistant, blanc presque translucide, utilisé bien sûr comme papier mais aussi en restauration de fresques, de meubles… et comme tissu.
Le hanji (souvent issu du Broussonetia x hanjian) a des fibres plus longues que les fibres des mûriers chinois et japonais ; cela lui offre une excellente résistance, et il est dit qu’un livre en papier coréen se conserve plus de 1 000 ans. En Corée, on peut trouver 3 espèces différentes de mûriers avec lesquelles on fabrique des hanji différents.
Ce papier de grande qualité était particulièrement réservé à la cour de Corée et à celle de Chine, mais il a trouvé sa place dans notre monde moderne puisqu’en 2017 le Musée du Louvre l’a utilisé pour la conservation et la restauration d’œuvres d’art, et notamment pour restaurer le bureau du Prince Maximilien II Emmanuel.
La Corée du Sud tente de faire reconnaître ce fleuron de leur artisanat, et Heo Geena, chercheuse à la Fondation coréenne pour l’artisanat et le design a même déclaré :

« Le hanji a même été utilisé pour fabriquer des armures capables de résister aux flèches ennemies du fait de sa solidité ! »

Le papier de Jilin (ancienne province coréenne devenue chinoise) fait partie des plus belles qualités de papier, doux et robuste, il est fort apprécié.
– Textile
Les fibres du ‘mûrier d’Espagne’ permettent la fabrication de textile. Son implantation en Polynésie donna naissance au ‘tapa’, véritable feutre végétal qui devint un textile traditionnel (par exemple chez les Maoris).
De son écorce, il est fabriqué un tissu fin utilisé pour la création de sarongs, d’écharpes, de chapeaux, de sacs, d’articles de literie… À l’heure actuelle, on retrouve ce tissu pour les vêtements portés lors de cérémonies.
– Bois
Le bois est très cassant et son utilisation se limite à des meubles, des petits ustensiles tournés tels des tasses et des bols, et ses fibres pour faire des cordages.
Bois de chauffe.
– Pharmaceutique
Astringent et purgatif, maladies de peau…
– Alimentaire
Les fruits sont comestibles, mais non commercialisés car trop fragiles.
Les jeunes feuilles sont consommées comme légume en Indonésie.
Fourrage. Les feuilles peuvent être données aussi aux vers à soie.
– Écologie
Feuilles, branches et fruits sont très prisés par certains animaux.
– Ornementales
Très utilisé car rustique, toutefois il supporterait assez mal la taille.
En France, il a souvent été implanté dans les cimetières parisiens, ainsi que dans les parcs de la région bordelaise.

Anecdote

Au Japon, cet arbre est vénéré et considéré comme un arbre sacré, ses feuilles et ses branches étaient utilisées dans des rituels shintoïstes.
Lors du festival de Tanabata, la fête des étoiles célébrée le 7 juillet, des poèmes (haiku) ou des vœux sont écrits sur des cartes colorées – tanzaku – sur du papier traditionnel, et pendus à des branches de bambou que l’on finit par jeter dans un fleuve afin que le vœu se réalise (désormais, écologie oblige, les cartes ne sont plus dispersées dans l’eau).

Le festival Tanabata d’Edo par Utagawa Hiroshige en 1857. https://images.metmuseum.org/CRDImages/as/original/DP121512.jpg

Mise à jour le février 2025.

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