Dans la famille des Taxaceae, le genre Taxus est le représentant principal qui lui a donné son nom. C’est la famille des Torreya, Cephalotaxus, Amentotaxus, Austrotaxus et Pseudotaxus (genre le plus proche des Taxus qui se différencie particulièrement par la couleur des bandes de stomates, la couleur blanche de sa pseudo-baie et ses feuilles opposées).
La classification des espèces se révèle difficile car elles se ressemblent toutes fortement. Certains auteurs dénombrent de 9 à plus de 10 espèces mais d’autres, comme Robert Pilger en 1903, considèrent qu’il n’existe qu’une seule espèce à large répartition – Taxus baccata, les sous-espèces sont alors traitées comme des formes géographiques ayant évoluées relativement à leur environnement mais elles pourraient aussi être issues d’hybridations. Vers les années 2000, Richard Spjut a, quant à lui, dénombré 24 espèces et 55 variétés réparties en 3 groupes : Baccata – Wallichiana – Sumatrana, eux-mêmes sous-divisés en sous-groupes ou en alliances.(Pour les puristes, je vous recommande l’article ‘Introduction à Taxus’ de Spjut).
Les Taxacae se sont différenciés assez tôt des autres conifères, pour preuve Paleotaxus revidita un fossile daté de 200 millions d’années ; leur apogée se situerait au Tertiaire (65 millions à 2,6 millions d’années) mais le premier fossile découvert de Taxus – Taxus jurassica remonte au début du Crétacé inférieur (145 à 100,5 MA) ce qui prouve la résistance de ce genre qui a traversé les grandes catastrophes glaciaires.
Ils sont généralement originaires des régions tempérées de l’hémisphère Nord mais on trouve en régions tropicales certaines sous-espèces telles sumatrana, celebica…
L’espèce baccata est typiquement européenne, du nord au sud ainsi qu’à l’est et jusqu’à l’extrême ouest de l’Asie, on la trouve aussi en Afrique du Nord. C’est la seule représentante des Taxaceae en Europe.
Espèces (sous-espèces) les plus connues :
Taxus cuspidata : Japon et Asie continentale.
Les espèces et sous-espèces Taxus wallichiana – Taxus contorta – Taxus chinensis – Taxus celebica – Taxus sumatrana – Taxus mairei : Chine et Asie du Sud-Est.
Taxus brevifolia – Taxus canadensis – Taxus floridana : Amérique du Nord.
Taxus globosa : Mexique et Honduras.
– Taxus L.
Décrit et nommé par Linné en 1753.
Le nom Taxus a été employé par Virgile, Pline et Dioscoride pour désigner l’if commun, arbre toxique utilisé pour faire des arcs. Il existe plusieurs versions étymologiques :
∙ Taxus ancien nom latin dérivé des noms grecs ‘toxon’ signifiant arc et ‘toxicus’ signifiant poison.
∙ Taxus ancien nom latin du grec ‘taxos’ venant de ‘taxis’ signifiant ‘mise en rang’ en référence à l’agencement des feuilles.
∙ L’origine peut provenir aussi de l’indo-européen ‘tecs’ signifiant ‘facilité à travailler le bois’ ce qui nous ramène aux arcs.
– Le mot if vient d’un ancien mot gaulois ‘ivos’ qui serait issu du mot celte ‘ivin’ ou bien du grec ‘hyfe’, les deux se rapportant au tissu du fait de l’utilisation des fibres du bois pour confectionner des vêtements. Ce nom est attribué à toutes les espèces (ou sous-espèces) du genre.
– Yew est le nom anglophone ayant la même racine que if.
– Ishiizoku – 位属 est le nom japonais signifiant ‘arbre de premier rang’, c’était le nom attribué par l’Empereur Nintoku au premier rang des fonctionnaires leur signifiant ainsi leur importance, ils pouvaient être détenteurs du ‘shaku’, le sceptre rituel japonais souvent en bois d’if.
– Hóngdòu shān – 紅豆杉 nom chinois.
– Les espèces (sous-espèces) se différencient particulièrement par leurs origines géographiques, leurs noms vernaculaires (populaires) rappellent souvent ce caractère :
If d’Europe pour l’espèce baccata ; if de l’Ouest ou du Pacifique pour brevifolia ; if du Canada pour canadensis ; if chinois pour chinensis ; if du Japon pour cupidata ; if de Floride pour floridana ; if de Sumatra pour sumatrana ; if de l’Hymalaya pour wallichiana ; if de Taïwan pour mairei…
L’if se développe en isolé ou en petits peuplements dans les sous-bois des forêts de plaines ou de montagnes thermophiles (aime la chaleur) jusqu’à 1 500 m d’altitude en Europe, au soleil non brûlant ou à la mi-ombre mais il affectionne particulièrement les zones ombragées surtout dans sa jeunesse sur des sols calcaires et riches de préférence, toutefois il peut tolérer les sols légèrement acides.
L’if résiste relativement bien à la sécheresse grâce aux stomates (petits orifices) des feuilles qui se referment très rapidement afin d’éviter la déshydratation. Il tolère le vent et particulièrement bien la pollution atmosphérique. Sa tolérance au gel peut atteindre jusqu’à -23°C mais il a une préférence pour les hivers doux.
En France, il est souvent en compagnie de houx, de buis et de sorbier mais aussi de pin, de hêtre et de châtaignier ainsi qu’en ripisylve (formation boisée, buissonnante et herbacée le long des rives non submersibles) accompagné de frêne à fleurs, d’aulne, d’érable et de chêne.
Désormais, il est rare de rencontrer des peuplements sauvages de Taxus baccata tant il a été exploité d’ailleurs en Europe on ne le trouve plus nulle part en abondance hormis en Suisse. On peut quand même citer en France le peuplement du massif de la Sainte-Baume.
L’if commun – Taxus baccata est l’espèce type.
C’est bien un conifère toutefois ce n’est pas un résineux et tout comme les Juniperus, les genévriers, il ne produit pas de cônes ligneux (caractères et aspect du bois).
Hormis la chair du faux-fruit, tous les organes de cette plante sont toxiques, même le pollen est allergénique.
– La croissance est très lente. La longévité peut atteindre de 600 à 1 000 ans voire 1 500 ans mais il est difficile de dater les très vieux ifs car ils ont souvent perdu une partie de leur tronc initial et le décompte des cernes devient impossible.
En fait, un if très âgé est souvent constitué de troncs développés à partir du tronc initial devenu creux. Il faut rappeler que seule la mince couche entre le cœur de l’arbre et l’écorce permet les échanges vitaux, c’est la partie de l’arbre indispensable à sa survie, à son présent et à son avenir, en revanche le cœur d’un arbre représente son passé, les cernes du bois sont les témoins des années précédentes et au fil du temps le cœur de l’arbre meurt, c’est pourquoi un arbre au tronc creux peut vivre assez longtemps, il assure sa stabilité en développant des pousses épicormiques (issues de bourgeons latents repoussés à la périphérie par la croissance), principe de la réitération (à partir de l’unité architecturale se met en place des unités équivalentes) ou des rejets de souche qui finissent par se souder, ainsi ce type d’arbres atteint des âges estimés de 2 à 3 000 ans mais peut-on alors parler d’arbre, ne devrait-on pas parler de bosquet voire même pour certains d’un ensemble de clones (identiques au pied mère) ; on retrouve ce même phénomène chez l’olivier.
– La taille est très variable selon l’espèce et son environnement. L’if peut former un arbuste de 2 m comme Taxus canadensis ou un arbre de 10 à 15 m jusqu’à 20 m voire plus (baccata – cuspidata…). La plupart du temps, l’if n’atteint sa hauteur maximale que vers l’âge de 200 ans.
Le port est généralement pyramidale mais la couronne souvent arrondie.
– Avec l’âge, le tronc devient souvent cannelé. L’écorce fine du tronc et des branches maîtresses est du brun-rouge au brun-gris, elle est constituée de larges écailles caduques alors que celle des Torreya est sillonnée.
Le tronc est souvent court et trapu, voire même en multi-troncs, il se divise alors en grosses branches maîtresses étalées ou fastigiées (dressées verticalement).
– Les branches de certains vieux spécimens se courbent jusqu’au sol et certaines arrivent même à s’enraciner (principe du marcottage), il en existe un bel exemplaire à Aberglasney dans le Pays de Galles.
Il n’existe qu’une seule sorte de rameaux qui ont la facilité à bourgeonner ce qui facilite la taille.
– Contrairement à la majorité des conifères, il rejette de la souche.
– La racine pivotante est peu profonde mais les racines superficielles lui fournissent un bon ancrage.
– Les feuilles sont persistantes plusieurs années, de 3 à 8 ans. Elles sont disposées en spirale sur le rameau, sessiles (directement sur un axe) ou légèrement pétiolées (axes reliant la feuille à la tige), leur point d’attache se torsade et les fait apparaître comme étant disposées en 2 rangées ; la base du pétiole ou le limbe (tissu végétal) des feuilles sessiles se prolongent nettement sur la tige en l’embrassant de manière proéminente, particulièrement chez l’espèce baccata.
Ce sont des aiguilles toujours solitaires, simples, souples, plates, linéaires, courtement acuminées (la pointe s’amenuise fortement) ou pas, non piquantes, au bord du limbe souvent recourbé vers le bas, vert foncé brillant au revers vert pâle et mat, les jeunes feuilles sont vert clair. Elles sont plus ou moins longues et larges selon l’espèce, de 2 à 3 cm sur 2 à 3 mm pour l’espèce type. La nervure centrale est saillante. Au revers, on remarque la présence de deux bandes stomatiques vert pâle ou blanches entourées de papilles (petites excroissances épidermiques).
La pointe des feuilles de Taxus cuspidata, l’if du Japon et de la Corée, se rétrécit de manière plus abrupte que l’espèce type.
– Ces arbres sont généralement dioïques (fleurs mâles et femelles séparées sur 2 plantes différentes) avec une exception pour l’if du Canada – Taxus canadensis qui est monoïque (fleurs mâles et femelles séparées sur la même plante) ; il a été remarqué qu’il existait dans les ivaies (peuplements d’ifs) plus de plants femelles que de mâles mais aussi qu’occasionnellement (rarement) ils pouvaient devenir monoïques (organes sexuels sur des branches différentes mais sur le même arbre) ou même changer de sexe ( voir à ‘Arbres remarquables’).
Vivant très vieux, la maturité sexuelle n’intervient généralement qu’à partir de 30 ans mais dans de mauvaises conditions de luminosité cela peut être beaucoup plus tard, les cultivés sont matures plus tôt.
Comme tout gymnosperme qui se respecte, l’if présente des ‘fleurs’ dans leur plus simple appareil étant dépourvues de calice et de corolle.
∙ Les organes mâles sont regroupés en chatons pédonculés (axes portant une fleur ou une inflorescence), insérés à l’aisselle des aiguilles. Ce sont de petits cônes ovoïdes, écailleux, jaunâtres, de 2 à 5 mm portant de 6 à 14 étamines (pièces florales mâles) en forme de bouclier, chargées de pollen mature au milieu du printemps. Pollinisation anémophile (vent).
∙ Les organes femelles printaniers, minuscules, verdâtres sont positionnés sur les tiges courtes et latérales des branches de l’année passée ; ils ressemblent à des bourgeons pointus presque sessiles, ils sont moins nombreux que les mâles. L’if donne l’impression de développer des ‘fleurs’ femelles solitaires mais il s’agit bien d’une inflorescence très réduite dont une seule macrosporophylle est fertile, exception faite pour Taxus brevifolia var. polychaeta qui produit jusqu’à 5 ovules ce qui était le cas d’anciennes espèces aujourd’hui éteintes dont les fossiles ont démontré la présence de plusieurs ovules donc de plusieurs graines. Ce cône à ovule unique est une exception dans le monde des conifères dont chaque écaille de bractée du cône femelle porte de 2 à plusieurs ovules.
En savoir plus sur leur Sexualité.
– Une fois l’ovule fécondé, la fleur développe une partie charnue nommée arille de 1 à 2 cm enfermant partiellement la graine généralement unique. L’arille provient d’une hypertrophie du funicule (lien très fin qui relie l’ovule à la paroi de l’ovaire) et ne représente donc pas le fruit qui par définition est une transformation de l’ovaire, c’est pourquoi l’arille est une pseudo-baie. La forme de l’arille a donné son épithète latine à l’espèce type baccata signifiant ‘baie perlée’ (mais cela pourrait venir aussi de la goutte perlée produite par la fleur comme appât à pollen ?).
L’arille est à maturité 6 à 9 mois après la pollinisation, elle devient rouge vif ou rouge rosâtre, charnue, juteuse et sucrée ce qui attire les oiseaux qui dissémineront dans leur déjection la graine extrêmement toxique. D’autres animaux participent à la dissémination.
Cette participation de l’animal à la dispersion des graines paraît banale et pourrait sembler fortuite mais la couleur rouge de l’arille prouve l’interaction animale souhaitée par la plante. Les Taxaceae sont les premières plantes à utiliser volontairement l’animal. Bien sûr, il ne s’agit pas d’une pensée volontaire mais d’un long processus d’expériences conditionnées réussies.
– La graine noire est dite ‘dormante’ car elle n’est vraiment viable qu’après une période de 10 à 18 mois après le semis. Elle ne germe pas facilement.
La plantule développe 2 à 3 cotylédons (feuilles embryonnaires).
– De nombreux hybrides, variétés et cultivars.
∙ Hybrides
Taxus baccata x Taxus cupidata : Taxus x media.
Taxus cuspidata x Taxus canadensis : Taxus x hunnewelliana.
∙ Il existe des variétés naines et des variétés à rameaux pleureurs.
∙ Cultivars
Les cultivars sont souvent issus de l’if européen (baccata) ou du japonais (cuspidata).
Les ifs de nos cimetières sont généralement des ifs dits ‘irlandais’ issus de la variété fastigiata qui comme son nom l’indique présente un port fastigié. Cette variété d’un pied femelle aurait été découverte à l’état sauvage vers 1773 en Irlande d’où son nom populaire, beaucoup plus tard des pieds mâles auraient été découverts en Angleterre ; les spécimens de nos jardins sont donc issus de cultivars (généralement femelles) très appréciés en ornementale avec leur grand développement colonnaire de 6 à 10 m ; leur port est compact mais les branches finissent par retomber légèrement contrairement à ‘Fastigiata Robusta’ dont le port reste plus étroit, ses feuilles sont aussi plus foncées ; le cultivar ‘Fastigiata Aurea’ amène de la lumière dans un jardin.
Autres cultivars :
‘David’ : trapu (2m) et compact.
‘Rependans’ : couvre-sol en coussin arrondi.
Et bien d’autres…
– Multiplication par graines, marcottes et boutures.
– Ennemis
Cet arbre sait se protéger toutefois il peut subir des attaques de champignons tel le phytophtora entrainant un pourrissement des racines souvent dû à un sol trop humide.
Les acariens et certains insectes peuvent attaquer les bourgeons et les feuilles, leurs piqûres forment alors des galles.
– Arbres remarquables de Taxus baccata
∙ L’if de Fortingall en Écosse se trouve dans un cimetière de l’ancien comté du Perthshire. Les estimations de son âge penchent pour 2 à 3 000 ans. En 1769, ses troncs multiples formaient une circonférence de 52 m soit 16 m de diamètre mais à l’heure actuelle il a bien sur perdu de son faste. Par contre, cet arbre que beaucoup considèrent comme un des plus vieux arbres d’Europe a de quoi nous étonner encore : en effet en 2015 la BBC annonçait que cet arbre de sexe mâle portait une petite branche qui avait changé de sexe et développait donc des pseudo-baies rouges ! Le Docteur Max Coleman du Royal Botanic Garden Edinburgh, tout en s’étonnant, ajoutait que d’autres ifs et conifères ont aussi été observés dans ce changement de sexe ; ceci reste inexpliqué pour l’instant.
∙ En Angleterre, il est question d’un sujet à Defynnog près de l’église St Cynog estimé à 3 000 ans, ce serait donc un des plus vieux arbres du pays ; d’ailleurs c’est en Grande-Bretagne que l’on trouve la plus forte concentration de vieux ifs.
∙ On trouve de nombreux arbres millénaires en Normandie et en Bretagne : Saint Ursin et Estry en Normandie – Pommerit le Vicomte dans les Côtes d’Armor – Offranville en Seine Maritime…
Dans le cimetière du village de La Haye-de-Routot en Normandie près de l’église on peut découvrir deux ifs datés du VI° siècle. Un des deux avait le tronc tellement creux qu’une petite chapelle y a été installée, l’autre un oratoire.
L’if dit ‘de Bossuet’ dans le parc de Champs sur Marne en Seine-et-Marne est plus large que haut, ce sont ses branches basses qui se marcottent sur une étendue de plus de 20 m. Cet arbre mâle aurait été planté en 1875.
Les ifs de la Lande-Patry dans l’Orne sont appelés « les ifs amoureux » car dans ce qui fut l’ancien cimetière on peut voir un arbre mâle et une femelle (qui produit toujours des arilles !). Le plus imposant a une circonférence de 11,80 mètres. L’un aurait été planté vers le VI° siècle et l’autre vers le IX° mais difficile à confirmer. En 1820 un barbier y avait élu domicile pour raser les paroissiens à la sortie de l’église !
Un peuplement d’ifs est une taxaie ou une ivaie.
– Bois orangé-rougeâtre de bonne qualité, robuste et souple, imputrescible, durable.
Utilisé en ébénisterie – lutherie (qualités acoustiques exceptionnelles) – marqueterie – fabrication de béquilles, de cannes, de pieux, de canoés… À Taïwan ce serait le bois privilégié pour sculpter des statues de Bouddha.
Depuis les temps les plus reculés et en toutes régions du monde les hommes ont utilisé les qualités de son bois pour fabriquer des arcs, cet objet considéré comme la ‘première machine inventée par l’homme’. L’arc le plus réputé le ‘longbow’ est un arc anglais, long, souple et robuste ; pour sa fabrication, on utilise une seule pièce de bois d’if qui comprend une partie de l’aubier (bois jeune en périphérie parcouru par la sève brute) et une partie du duramen (bois de cœur mort) ce qui lui confère des qualités exceptionnelles de traction et de compression conjuguées.
Lors de la guerre de cent ans, les Britanniques sont sortis vainqueur de la bataille d’Azincourt grâce à leurs longs arcs de grande portée.
– Médicinales
Autrefois, les différentes espèces faisaient partie des pharmacopées traditionnelles et soignaient plusieurs maladies.
∙ À partir de 1960 différentes études ont été lancées, il a été remarqué que l’écorce de l’espèce brevifolia contenait du paclitaxel connu sous le nom médical de taxol (décrit en 1971), alcaloïde agissant sur les tumeurs du cancer de l’ovaire et du sein ainsi que d’autres cancers, sur le diabète et les maladies cardiaques. Depuis longtemps, les civilisations utilisaient les pouvoirs du paclitaxel des différentes espèces sans le connaitre et les premières espèces utilisées en médecine moderne furent donc brevifolia (qui d’ailleurs faillit disparaître par surexploitation) et canadensis. La rareté des ivaies naturelles a poussé les scientifiques à chercher une molécule synthétique mais seule une synthèse partielle du paclitaxel à partir des feuilles fut possible grâce aux champignons Taxomyces andreana et Pestalotiopsis microscarpa trouvés dans les plis de l’écorce qui produisent l’alcaloïde mais en quantité infime ; les chercheurs se sont donc tournés vers la culture cellulaire mais là aussi les quantités étaient infimes ; puis ils se sont orientés vers les feuilles de l’if commun dont ils ont extrait un principe actif, le docétaxel (taxotère), des plantations d’ifs ont été envisagées exclusivement pour cet usage, la Chine fut un des principaux fournisseurs de matière première. En 2014, la Fondation contre le Cancer belge a fait un appel à la collecte de rameaux taillés d’if à la belle saison auprès des particuliers possédant une haie d’au moins 50 m, cette haie permettait de pratiquer la chimiothérapie d’un patient ce qui n’est pas négligeable. À l’heure actuelle, on arrive à synthétiser la molécule en laboratoire.
∙ Diurétique et astringent, antimicrobien c’est aussi un bon anti-inflammatoire bactérien par le tanin contenu dans ses feuilles. Des études menées dans des anciennes bergeries ont prouvé la présence de rameaux d’ifs probablement pour assainir la litière des animaux de ferme. Les moustiques et autres insectes auraient tendance à le fuir.
– Alimentaire : autrefois on mangeait des confitures d’arilles (sans la graine bien sûr !).
– Ornementales
∙ Isolé – haie – bonsaï (particulièrement l’espèce japonaise cuspidata et l’hybride x media).
Considéré comme le ‘Roi des haies’, les hybrides et les cultivars sont appréciés et particulièrement les mâles qui ne produisent donc pas de fruits attirants et toxiques mais attention au feuillage irritant pour les jardiniers qui les taillent.
∙ Apprécié pour son aptitude à supporter des tailles sévères et fréquentes, il est très utilisé dans l’art topiaire (taille des arbustes ou des arbres).
Les ifs taillés en forme d’animaux des Jardins de Versailles ont contribué à la renommée de ce lieu. En France il a été largement planté à cet usage au XVII° et XVIII° siècles et pourtant voilà ce que disait Voltaire dans ‘Dialogue entre un philosophe et un contrôleur général des finances’ :
« Il ne faut pas plus d’argent pour construire une vilaine prison que pour faire une maison agréable. Il n’en coûte pas plus pour planter un jardin bien entendu que pour tailler ridiculement des ifs, et en faire des représentations grossières d’animaux. »
La forme niwaki est aussi fort utilisé : l’art de la taille japonaise restitue en taille réduite les paysages de la nature ; en japonais ‘niwa’ signifie jardin et ‘ki’ arbre, la forme niwaki est la forme en nuages.
– En Chine, il peut remplacer le houx dans la confection de couronnes de Noël.
– Particularité
L’écorce de l’espèce sumatrana mélangée avec de l’huile fournit une crème utilisée comme marque rouge, le tilaka, appliquée sur le chakra du front des brahmanes.
– Le 6 février fut déclaré ‘jour de l’if’ dans le calendrier républicain français.
– Poison mortel, il symbolise la mort mais aussi le défi à la mort par sa longévité et ses qualités médicinales :
∙ Même si la plante entière est toxique, l’arille est comestible et agréable par sa saveur sucrée. Il ne faut surtout pas croquer la graine qui est mortelle mais son goût très amer évite souvent la catastrophe particulièrement chez les enfants insouciants.
∙ Tous les animaux n’y sont pas sensibles de la même manière. Après en avoir ingéré, l’homme développe des troubles qui peuvent aller jusqu’à la mort. Les équidés y sont particulièrement sensibles et meurent une heure après l’ingestion de 1 à 2 g de feuilles par kilo de poids alors qu’une chèvre peut en ingérer 60 g par kilo ; très présent dans les cimetières, il aurait décimé bon nombre de chevaux qui tractaient les corbillards. Les lapins, les chats, les cobayes y sont insensibles ; en Amérique du Nord, les orignaux, les wapitis et les cerfs sont insensibles aux espèces locales ce qui représente d’ailleurs un danger pour les ifs broutés allègrement. Les bovins n’y sont pas trop sensibles d’autant que leur corps s’immunise après ingestions raisonnées durant leur jeunesse. Les oiseaux mangent l’arille et rejettent la graine ; la grive est un bon client.
∙ Autrefois les braconniers pêchaient en endormant les poissons avec des branches d’if jetées dans l’eau.
∙ Ce fut aussi un poison utilisé par l’homme pour des actes funestes ou lors de guerre en empoisonnant leurs flèches.
Jules César, dans ses ‘Commentaires sur la Guerre des Gaules’ évoque le suicide par ingestion de feuilles d’if du chef gaulois Catuvolcus.
– Symboles
∙ Symbole d’immortalité (toujours vert et imputrescible) et du cycle vie et mort (poison/médicament).
Arbre funéraire des Celtes il était planté dans les lieux de culte. On suppose même que nos plus lointains ancêtres lui vouaient déjà un culte ; souvent planté dans les cimetières, l’origine de ce rite viendrait des Vikings pour qui il représentait le lien entre les vivants et les morts ; en Angleterre ils auraient été plantés massivement dans un but guerrier (confection d’arc) et certains pensent qu’au vu de sa toxicité le meilleur endroit était les cimetières. Quand le christianisme s’imposa en Europe les ifs (symbole païen) faillirent disparaitre des cimetières et autres lieux de cultes mais l’opposition du peuple à l’abattement de ces arbres fut si forte que les chrétiens récupérèrent ces rites païens et ces lieux rituels afin de symboliser la promesse d’immortalité dans l’autre monde.
Les grecs anciens pensaient que l’on pouvait mourir si l’on s’endormait sous un if. Les anciens pensaient que les ifs avaient le pouvoir « d’absorber les miasmes nocifs s’exhalant de la décomposition des cadavres ».
À l’heure actuelle, en France, on remplace parfois le buis par de l’if le dimanche des Rameaux.
∙ Autrefois les ivaies étaient considérées comme des bois sacrés mais c’est encore parfois le cas dans certaines régions (en Algérie par exemple).
C’est l’arbre sacré des druides, ils confectionnaient leurs baguettes dans son bois et écrivaient (entre autres) les oghams (runes : caractères de l’ancienne écriture alphabétique de langues germaniques) sur son bois.
La roue en bois, Roth Ramach du druide Mogh Ruth, le gardien du Nord, est taillée en bois d’if. Cette roue volante doit tomber du ciel lorsque la fin du monde arrivera ; c’est le symbole de l’apocalypse, de la révélation.
∙ En Chine, c’est une plante nationale protégée de premier niveau et toute récolte privée est condamnée, il est dans le monde végétal l’égal du panda géant dans le monde animal ; dans d’autres pays il est considéré comme ‘trésor national’.
∙ Taxus cuspidata est l’arbre symbole de la ville japonaise Kitami sur l’île de Hokkaido.
– Mythologie et légende
∙ Dans la mythologie celtique, l’if de Mugna (signifiant saumon) donne les fruits de la science qui en tombant dans une source sont mangés par le saumon, symbole de la connaissance. Cet arbre magique était réputé pour donner trois fois par an trois sortes de fruits : le gland, la pomme et la noix. Ces fruits n’ayant rien à voir avec l’if prouvent le caractère universel de cet arbre.
∙ Les mythes islando-norvégien considèrent qu’Yggdrasil, l’arbre cosmique, l’axe du monde, le domaine des dieux serait un frêne, pour les dano-suédois ce serait un if ; la rune eihwaz signifie if et pourrait représenter Yggdrasil. Les Vikings danois ont envahi la Normandie, une des régions où comme par hasard les ifs sont très largement représentés.
∙ Dans la mythologie nordique le dieu Ull, dieu de la chasse et de l’hiver possède un arc en bois d’if d’ailleurs il demeure à Ydalir, la vallée des ifs.
∙ Dans la mythologie grecque et romaine, l’if est dédié à Hécate, déesse de la lune, des ombres et des enfers, la gardienne des enfers.
Arbre de la mort, les Grecs tressaient avec son écorce des couronnes funéraires dédiées à Hécate.
∙ L’if faisait partie des cinq arbres magiques de l’ancienne Irlande. Les fruits de l’if de Ross donnaient la connaissance à ceux qui les mangeaient après une quête périlleuse pour le découvrir.
∙ La légende veut que Robin des bois aurait utilisé un arc en bois d’if pour ‘obtenir’ sa fiancée Marion ; il se serait fiancé sous un if et serait enterré sous un if (tout cela dans une forêt de chênes !).
– Dans le langage des fleurs il représente le chagrin.
– Un roi déguisé en if
Le fils aîné de Louis XV se marie ; afin de clôturer les festivités, le roi Louis XV organise dans la nuit du 25 au 26 février 1745 un bal masqué intitulé ‘Le bal des ifs’ durant lequel, déguisé en if taillé, il restera incognito accompagné de 7 autres compagnons déguisés aussi en if et résolument muets !
– Littérature
∙ Dans Macbeth de Shakespeare, les sorcières utilisent ‘des boutures d’if détachées pendant l’éclipse de lune’ contenues dans le chaudron d’Hécate, la déesse de la lune.
∙ En Chine, un poème de Wang Wei daté de l’an 1 000 met l’if à l’honneur, ce poème est particulièrement populaire.
∙ Agatha Christie s’est aussi inspiré de l’if responsable de mort troublante dans son livre ‘Une poignée de seigle’.
– Habitat prioritaire
Toutes les espèces ont été surexploitées et depuis 2013 font partie des espèces menacées de l’Union mondiale pour la nature.
C’est pourquoi, l’Europe a fini par considérer les peuplements de l’if commun comme habitat prioritaire (hormis en Suisse où il n’est pas en danger). En France à l’heure actuelle il existe une réglementation interdisant le ramassage ou la cession de plants d’ifs dans les habitats naturels ; des plants de restauration des ivaies se mettent en place notamment en Corse.
Les Américains et les Asiatiques furent confrontés au même problème.
– Fouilles archéologiques
En Angleterre et en Suisse on a retrouvé des arcs et des couteaux très anciens mais il est difficile d’avancer des dates car les chiffres annoncés sont souvent très fantaisistes.
Avec la découverte dans les Alpes de la momie Ötzi datée d’environ 5 000 ans il a été retrouvé aussi un arc en bois d’if.
Mise à jour le 21 août 2024.