Ce genre fait partie de la famille des Anacardiaceae. Cette famille décrite en 1818 par le botaniste écossais Robert Brown comporte plusieurs plantes économiquement importantes : pistachier – Pistacia, manguier – Mangifera indica, noix de cajou – Anacardium occidentale… mais aussi des sumacs – Rhus…
On compte environ 25 à 30 espèces dans le genre Schinus.
Amérique Centrale et du Sud.
Et plus particulièrement :
∙ Schinus lentiscifolius du Sud du Brésil, Paraguay, Uruguay, Argentine.
∙ Schinus molle du Pérou.
∙ Schinus polygama d’Argentine et du Chili.
∙ Schinus terebinthifolius du Brésil, d’Argentine et du Paraguay.
Plusieurs espèces se sont naturalisées dans de nombreux pays jusqu’à en devenir très envahissantes.
– Schinus L.
Nom donné par Carl Von Linné en 1753.
Schinus est issu du grec ‘shinos’ signifiant lentisque désignant une autre plante de la même famille, l’arbre au mastic – Pistacia lentiscus. Nom donné en référence à la production d’une résine semblable à celle des lentisques.
Une autre version mentionne aussi un terme grec mais signifiant ‘se fendre’ en référence à la tendance de l’écorce à se fendre mais cette version ne fait pas l’unanimité.
– Faux-poivrier et pepper tree sont les noms vernaculaires (populaires) en référence aux graines ressemblant à des grains de poivre et d’ailleurs utilisées comme épice. D’autres noms vernaculaires concernent souvent plusieurs espèces différentes et il en résulte parfois des confusions.
– Noms de quelques espèces :
∙ Schinus lentiscifolius est le nom donné en 1869 par Léon Marchand, spécialiste de la famille des Anacardiaceae, en référence à la ressemblance des feuilles avec celles du lentisque, Pistacia lensticus.
Weinmanniifolia est l’épithète synonyme attribué en 1876 par le botaniste allemand Adolf Engler en honneur à un autre botaniste allemand Johann Wilhelm Weinmann.
Molle ceniciento est son nom populaire espagnol en référence au Schinus molle mais avec des feuilles de couleur cendrée – ceniciento (pour certaines variétés). Il est parfois appelé aroeira, nom vernaculaire souvent employé pour l’espèce terebinthifolius.
∙ Schinus molle : l’épithète vient du nom quechua ‘mulli’ donné par les Incas signifiant doux en référence à la saveur de ses drupes ; les conquistadors ont transformé le nom en ‘molle’ et conquis par les multiples qualités de cet arbre l’ont aussi appelé ‘arbol de la vida’.
∙ Schinus polygama fut d’abord classé dans le genre Amyris de la famille des Rutaceae, du grec ‘amyron’ – ‘fortement odorant’ en référence à l’odeur de la résine caractérisant les Amyris; ce nom fut donné en 1795 par Antonio José Cavanilles. L’épithète polygama vient du grec en référence à la présence de fleurs mâles ou/et femelles et hermaphrodites. On trouve parfois le nom de polygamus mais ce nom est impropre aux règles grammaticales de la botanique.
Cette espèce fut reclassée dans le genre Schinus en 1798 par le botaniste espagnol Casimiro Gomez de Ortega qui organisa des expéditions scientifiques en Amérique du Sud. Il attribua l’épithète dependens du latin dependeo – dependere signifiant pendant.
En 1937, les botanistes Angel Lulio Cabrera et Ivan Murray Johnston ont conservé le nom du genre Schinus mais lui ont attribué le nom d’espèce de polygama.
Huingan est son nom vernaculaire dans la langue du peuple amérindien Mapuche d’Argentine et du Chili.
∙ Quant à l’espèce terebinthifolius, elle a reçu son nom du botaniste italien Guiseppe Raddi en 1820 en référence à la ressemblance des feuilles avec celles du pistachier – Pistacia terebinthus.
Terebinthus vient du grec désignant la ‘turpentine’, l’essence extraite du pistachier.
Au Brésil, Schinus terebinthifolius est aussi connu sous le nom d’aroeira apprivoisé en opposition à l’aroeira sauvage – Aroeira brava ou Molleoides lithraea qui est aussi de la famille des anacardiacées et dont la résine est beaucoup plus toxique que celle des Schinus. En Australie, une espèce est très répandue sous le nom de Schinus aroeira mais il s’agit en fait d’une variété de Schinus molle.
Généralement, les Schinus se développent sur toutes sortes de sols même pauvres, voire même sur des terres abandonnées mais toujours bien drainées.
On trouve l’espèce molle dans des vallées et des plaines sur des sols secs et sableux. Terebinthifolius pousse sur des dunes ou sur d’anciens marécages. Polygama prospère dans des forêts sclérophylles (tolèrent la sécheresse) de broussailles, de savanes ou à la lisière de bois.
Le plein soleil leur convient mais certaines espèces supportent un peu d’ombre.
Les racines se développent profondément ce qui leur permet de résister à la sécheresse à l’âge adulte, surtout l’espèce molle.
Il est nécessaire de les protéger des vents froids car généralement ils ne résistent qu’à -5°C même si l’espèce molle, la plus rustique, tolère un court gel jusqu’à -8/10°C.
Dans leurs pays d’origine, les faux-poivriers croissent en haute altitude, de 2 300 à 3 000 m.
Cette plante développe des canaux résinifères dans l’écorce et dans les vaisseaux des feuilles, ce qui n’est pas courant chez les feuillus.
La résine aromatique et le pollen peuvent être irritants au toucher et provoquer des réactions cutanées.
L’espèce molle est la plus répandue et la plus représentative.
– Généralement la croissance est rapide, de 1 m par an pour certaines espèces. La longévité est d’environ une trentaine d’années mais beaucoup plus pour certaines.
– Arbustes et arbres : certaines espèces se développent plutôt en arbustes de 3 à 5 m (polygama …), d’autres comme lentiscifolius peuvent parfois atteindre jusqu’à 9 m et jusqu’à 10 à 15 m pour molle et terebinthifolius… mais cela dépend fortement des conditions environnementales et pour exemple, l’espèce terebinthifolius peut rester naine et même former des fourrés impénétrables.
Leur tronc est souvent noueux et les arbustes présentent souvent des multi-troncs.
– Leurs nombreux rameaux sont parfois retombants, c’est le cas de l’espèce molle dont l’allure peut rappeler le saule pleureur.
– La racine principale est pivotante et l’appareil racinaire très développé.
– Présence de nombreux drageons (tige souterraine pouvant développer des bourgeons aériens).
– Selon l’espèce, l’écorce est du gris au brun rougeâtre, rugueuse ou lisse se desquamant par plaques.
– Les feuilles sont généralement persistantes, parfois semi-persistantes, alternes ou parfois regroupées en bouquet, au rachis (prolongement du pétiole) parfois ailé. Imparipennées (folioles impaires) ou paripennées ((folioles par paires), les folioles (divisions d’une feuille composée) peuvent être nombreuses, elliptiques ou ovales, acuminées (la pointe s’amenuise) ou arrondies, sessiles (directement sur un axe), vert brillant ; froissées elles ont une odeur poivrée ou de térébenthine selon l’espèce.
∙ Schinus lentiscifolius
Feuilles persistantes à semi-persistantes, au rachis ailé, paripennées, composées de 6 à 14 folioles oblongues à lancéolées ou linéaires, au bout arrondi ou étroitement cunéiforme, au bord entier parfois irrégulièrement denté, du vert au vert grisâtre.
∙ Schinus molle
Feuilles persistantes, longues de 10 à 30 cm, alternes, au rachis très légèrement ailé, imparipennées, composées de 19 à 30 folioles lancéolées étroites, pointues et dentées, à l’odeur de poivre ; la taille des folioles diminue de la base au sommet, la terminale est souvent plus grande que ses deux dernières voisines.
∙ Schinus polygama
Feuilles persistantes, alternes ou regroupées en bouquets sur les rameaux, polymorphes, lancéolées de 6 cm sur 2 cm ou elliptiques ou ovales, au bord entier parfois denté, vert brillant.
∙ Schinus terebinthifolius
Feuilles persistantes, de 13 à 15 cm, imparipennées, composées de 3 à 15 généralement 7 folioles glabres, elliptiques, plus larges et moins nombreuses que l’espèce molle, au bord entier ou dentelé, la foliole terminale est plus grande que les latérales ; froissées elles sentent la térébenthine.
– Ce sont des plantes généralement dioïques (fleurs mâles et femelles séparées sur 2 plantes différentes) mais on peut trouver sur le même arbre des fleurs mâles, des femelles et des hermaphrodites (bisexuées), on le dit alors polygame-trioïque, c’est la trimonécie. Pollinisation entomophile (insectes).
Certaines espèces comme molle fleurissent 1 à 2 fois dans l’année à l’automne/début hiver et au printemps ; terebinthifolius en automne majoritairement et parfois au printemps ; polygama et lentiscifolius au printemps.
Les fleurs sont abondantes, très petites, regroupées en inflorescences terminales et/ou axillaires, en panicules (inflorescences composées d’axes secondaires) plus ou moins longues et pendantes.
Blanc-crème à jaune-vert, elles sont mellifères et riches en nectar, elles sont appréciées des abeilles ; au Brésil, c’est la principale source de nourriture des abeilles – Tetragonisca angustula, productrices de miel.
∙ (4) à 5 sépales (pièces du calice) et (4) à 5 pétales libres et évasés – présence d’un disque nectarifère intrastaminal.
∙ La fleur mâle développe de 8 à 10 étamines aux filaments plus courts que la corolle, aux anthères (extrémités fertiles d’une étamine) orangées, ovales à rondes par contre l’ovaire est rudimentaire et le pistil avorté; le pollen par contact est irritant pour la peau.
∙ La fleur femelle n’a pas de style (tige reliant l’ovaire au stigmate) et l’ovaire arrondi est surmonté de 3 stigmates (partie réceptrice de pollen) réunis et ovales ; présence de 8 à 10 étamines mais dépourvues d’anthères, les staminodes (étamine atypique et surtout stérile).
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– Les fruits matures six mois après la nouaison (stade de transformation du pistil (de l’ovaire) en fruit) sont en drupe de 3 à 8 mm, rose foncé à rouge corail ou violet foncé, aromatique au goût poivré mais pas piquant ou au goût de térébenthine selon l’espèce. Chaque drupe contient 1 seule graine.
– Les graines sont dispersées par les oiseaux, les fourmis et parfois les mammifères. Elles peuvent se révéler toxiques chez certaines espèces.
– Toutes les espèces présentent des formes et des variétés différentes.
– Les larves des papillons du genre Cecidosidae forment des galles sur les rameaux.
– Multiplication par graines, bouturage, marcottage et drageons.
En Amérique du Sud, Schinus était utilisé dans des rituels religieux. La résine odorante servait d’encens et pour embaumer les rois Incas.
Les Incas considéraient l’espèce mulli comme un arbre aux milles vertus.
Dans son ouvrage du XVIe siècle, l’écrivain métis de langue espagnole, Inca Garcilaso de la Vega, vantait déjà les qualités de cet arbre ‘qui naît à la campagne sans être planté’.
– Médicinales
En Amérique du Sud, toutes les parties de la plante ont une utilisation médicinale – yeux, dents…
Autrefois dans son pays d’origine, l’espèce molle était vue comme une panacée.
Considérée comme une ‘plante chaude’, elle soigne les maladies dues au refroidissement.
L’extraction des feuilles permet de soigner les maladies des yeux.
L’écorce en poudre raffermit les gencives et les dents.
La sève soigne les plaies et les blessures.
L’huile essentielle est réputée pour la circulation du sang, comme diurétique, anti-inflammatoire, antifongique, antimicrobien…
– Bois facile à travailler, résistant dans le temps et aux termites. Dur et résistant, il servait à fabriquer des outils agricoles ainsi que des meubles.
Molle offre un excellent bois de chauffage au pouvoir calorifique élevé, il est alors taillé en têtard (arbre régulièrement étêté).
– Tanin et colorant. L’écorce de molle teint la laine en jaune.
– Les feuilles fournissent un excellent engrais organique.
– Insectifuges, les feuilles frottées font office d’un bon anti-moustiques.
Il est dit que les feuilles entassées au sol éloignent les serpents.
– Alimentaire
Les fruits de certaines espèces sont consommables avec préparation préalable.
Les drupes souvent appelées baies (à tort botaniquement parlant) sont utilisées comme condiment, substitut du poivre blanc ; celles de l’espèce terebinthifolius sont les meilleures et sont commercialisées sous le nom de ‘baies roses’.
L’île de la Réunion serait le producteur majeur pour l’Europe.
Auguste Fauchon (fondateur en 1886 de la marque de gastronomie de luxe) aurait dit : « Baie de rose est savoureuse, légèrement sucrée et parfaite pour saupoudrer les salades composées, les viandes et les fruits exotiques, entre autres plats« .
Avec la pulpe des fruits, les Indiens du Pérou fabriquent une boisson rafraîchissante. Cette boisson fermentée se nomme ‘la chicha de molle’ et était déjà consommée à l’époque préhispanique lors de fêtes et de rituels. On peut aussi la laisser macérer pour obtenir un vinaigre.
Autrefois, les enfants d’Amérique du Sud se régalaient des fruits comme des bonbons mais sans les mastiquer car alors c’est la saveur pimentée qui prend le dessus. En Afrique où il s’est implanté, les enfants mélangent les drupes avec de l’eau pour obtenir une boisson épicée qu’ils apprécient.
– Mastication avec la résine.
– Fourrage mais à forte dose, les feuilles sont toxiques.
– Les drupes sont utilisées dans l’industrie de la parfumerie comme alternative au poivre.
– En Amérique du Sud, ses branches couvertes de fruits rouges sont des objets de décoration lors de festivités.
– Les haies dans les pâturages forment des coupe-vent. Molle est planté contre l’érosion des sols.
– Ornementales
Arbre d’ombrage – arbre de rues – bonsaï (apprécié).
– L’arbre mulli est considéré par les anciens comme un arbre bienveillant et protecteur. Son élixir floral permettrait de ‘prendre conscience de ses limites’ et d’y travailler. Il a un rapport avec l’archétype paternel.
– Dans les Andes, cet arbre est considéré comme étant le refuge des défunts et il n’est pas conseillé de s’endormir sous son ombre. En Bolivie, les habitants continueraient à déposer des branches de molle dans les cercueils.
– La plupart des espèces peuvent se révéler rapidement envahissantes et sont inscrites sur la liste des 100 végétaux les plus envahissants au monde.
En Australie, cet arbre est considéré comme une mauvaise herbe et en Afrique du Sud, il est formellement interdit de plantation dans certaines provinces. En Amérique du Nord, il est considéré comme une des pires mauvaises herbes invasives, de plus il modifie la composition du sol, c’est une plante transformatrice.
Mise à jour février 2024.