Les charmes, Carpinus, appartiennent à la famille des Betulaceae, famille du bouleau, Betula, du noisetier, Corylus, de l’aulne, Alnus…
Cette famille est composée de 2 sous-familles, Betuloideae et Coryloideae, qui se différencient particulièrement par la morphologie de leurs fleurs et de leurs fruits.
Autrefois classé chez les bouleaux, le genre Carpinus est désormais inclus dans la sous-famille Coryloideae et la tribu des Carpineae. Cette sous-famille est parfois considérée comme une famille à part entière, elle comporte 4 genres : Carpinus, Corylus, Ostrya et Ostryopsis.
Certaines espèces asiatiques de charme, cordata, fangiana, japonica et rankanensis, sont très proches du genre Ostrya et certains botanistes leur ont même créé la section (parfois considérée comme un sous-genre) Distegocarpus afin de les différencier de la section Eucarpinus (majorité des Carpinus) dont les bractées (organes intermédiaires entre la feuille et le pétale) des inflorescences (grappes de fleurs) femelles sont peu nombreuses et peu imbriquées.
De 30 à 50 espèces selon les auteurs.
L’espèce type est Carpinus betulus ; elle est proche du bouleau, Betula de la même famille et du hêtre, Fagus sylvatica de la famille des Fagaceae.
Les charmes seraient apparus au début du Tertiaire, vers 60 MA.
Généralement en régions tempérées de l’hémisphère nord.
∙ Asie du Sud-Est
La majorité des espèces est originaire de Chine tempérée où l’on compterait jusqu’à 27 espèces endémiques. Rien d’étonnant à cela puisque le berceau de la famille des Betulaceae serait situé en Chine.
En Asie du Sud-Est, 2 espèces tolèreraient les climats subtropicaux : londoniana et viminea.
∙ Amérique
Une seule espèce se développe en Amérique du nord (à l’est des USA et au sud du Québec) : Carpinus caroliniana (americana).
Une seule espèce a trouvé refuge dans les zones subtropicales du Mexique au Nicaragua : Carpinus tropicalis, parfois considérée comme une sous-espèce de caroliniana.
∙ Europe/Moyen-Orient
2 espèces européennes : betulus (vulgaris) et orientalis (duinensis).
L’espèce type, betulus, se développe en Europe continentale et centrale, de l’est de la France jusqu’au Caucase. On ne trouve pas de charme dans le midi de la France remplacé par le charme-houblon, Ostrya carpinifolia.
L’espèce orientalis se développe en Asie mineure (Anatolie) de la Sicile à la Crimée, sa taille et ses feuilles sont plus petites que l’espèce betulus.
– Carpinus L.
Nom donné par Linné en 1753, du latin désignant le charme commun.
Nom qui viendrait du celte ‘karr’ désignant le bois et ‘penn’ la tête en référence à son utilisation pour confectionner les jougs, carpentum, et les roues des véhicules romains.
Le nom donné par Linné pour l’espèce type Carpinus betulus vient du latin en référence à la ressemblance de ses feuilles avec celles de certains bouleaux.
– Charme : nom de l’ancien français qui vient du latin carmen signifiant chanson, formule magique d’enchantement et par extension charmant. L’espèce type est souvent nommée charmille.
Comment est-on passé du joug des bœufs au charme enchanteresse ?
– Nom chinois : 鹅耳枥属 – Eerlishu.
– Hornbeam nom anglophone en référence à l’utilisation et la qualité de son bois ; littéralement ‘poutre en corne’ soit poutre dure.
– On peut trouver les charmes, comme d’autres arbres, sous le nom de ironwood pour leur bois dur ou musclewood pour l’aspect du tronc.
Ombre ou mi-ombre de préférence.
Sol argileux ou limoneux, bien drainé. Ne supporte pas les sols trop acides et marécageux.
L’espèce type, Carpinus betulus, occuperait 6% des forêts françaises jusqu’à 1 000 m d’altitude, à égalité avec les châtaigniers et les hêtres. Elle s’adapte mieux que le hêtre a un sol pauvre et un habitat exposé. Si cette espèce a besoin de chaleur pour la maturation de ses graines, elle ne supporte pas le climat méditerranéen et laisse la place à l’Ostrya, le faux-charme.
Tolérance à la sécheresse et généralement à la pollution atmosphérique.
Tolérance au gel de -15°C jusqu’à -30°C selon l’espèce.
– La croissance est de lente à rapide selon l’espèce, pour exemples : orientalis très lente, betulus lente, japonica moyenne, caroliniana rapide… mais cela dépend aussi des conditions de culture.
Si la longévité ne dépasse pas les 120 à 150 ans, il existe bien sûr des exceptions tel le charme commun de Rheinberg-Orsoy en Allemagne estimé à 470 ans !
– Grands arbustes ou arbres pionniers d’étage secondaire, de 8 à 15 m, rarement jusqu’à 25 m, à la cime ronde ou ovoïde pour l’espèce type.
– Le tronc est rectiligne et cannelé, facilement reconnaissable il se différencie du hêtre, Fagus, par ses cannelures.
– L’écorce fine et lisse devient parfois avec l’âge fissurée ; celle de certaines espèces asiatiques de la section Distegocarpus, proches des Ostrya, devient même écailleuse. De couleur gris foncé parfois marron elle est souvent tâchée de blanc par la présence de lichens.
– Racines traçantes et superficielles pouvant le rendre sensible aux vents violents. Présence de rejets de souche.
– Les bourgeons sont fusiformes et pointus mais néanmoins moins longs et moins piquants que ceux du hêtre ce qui permet de les différencier durant l’hiver.
– Les feuilles sont assez semblables à celles du hêtre, Fagus mais se distinguent par la marge du limbe (tissu végétal) doublement dentée et non poilue ; elles sont proches aussi de celles de l’orme, Ulmus dont la base est souvent et nettement asymétrique mais on distingue assez facilement celles du charme par les nombreuses nervures très marquées offrant un aspect particulièrement gaufré ; en cela elle ressemble, à s’y méprendre, aux feuilles du Ostrya.
Les feuilles sont caduques, alternes, courtement pétiolées (axe reliant la feuille à la tige, le pétiole est souvent rougeâtre ; présence de stipules (appendices membraneux) rapidement caduques. Elles sont simples, plus ou moins acuminées (la pointe s’amenuise fortement), de (3) 8 à 12 cm sur 3 à 5 cm, à la base symétrique, aux 9 à 15 nervures resserrées donnant un aspect gaufré. Glabres et parfois légèrement pubescentes (poilues)sur le revers, vertes au revers glauque, elles deviennent à l’automne jaune à jaune orangé voire même rouge orangé pour certaines espèces (caroliniana) ; à l’émergence, les jeunes feuilles peuvent présenter une coloration rosâtre à rouge cuivré (japonica, londoniana…). Les feuilles sont marcescentes (demeurent sèches et brunes sur la plante pendant l’hiver).
Les feuilles de certaines espèces asiatiques sont particulièrement petites (laxiflora, turczninowii, kawakamii…) ce qui contraste avec celles de l’espèce fangiana qui atteignent jusqu’à 30 cm !
– Le charme est une plante monoïque (fleurs mâles et femelles séparées sur la même plante) portant des inflorescences printanières en chatons pendants – plante amentifère.
∙ Les chatons mâles ressemblent fort aux chatons des noisetiers. Ils sont axillaires, sessiles (directement sur un axe), cylindriques, pendants, solitaires en général ou groupés, jaune pâle, de 3 à 7 cm. Leurs bourgeons s’épanouissent au début du printemps avec les feuilles.
Les fleurs mâles sont dépourvues de périanthe (ensemble des pièces protectrices de la fleur) et ne développent que des étamines (pièces florales mâles) libres, de 3 à 6 jusqu’à 20, protégées par des écailles imbriquées ; les anthères (extrémité fertile d’une étamine) sont bifides (fendues en deux).
∙ Les inflorescences des femelles solitaires ou en grappe de 2 à 3 sont en racèmes (les fleurs se développent de la base vers la pointe) vert tilleul. Elles se développent avec ou après la feuillaison printanière, à l’extrémité ou à l’axe des rameaux courts de la pousse annuelle, elles sont pédonculées (axe portant une fleur ou une inflorescence). Assez petites, vers 2 cm, elles finissent par s’allonger de 5 à 14 cm à la fructification.
L’inflorescence plus ou moins dressée puis pendante est constituée d’un involucre (collerette à la base d’une inflorescence) de bractées peu imbriquées entre elles, généralement trilobées, 1 bractée et 2 bractéoles (petites bractées), et dentées irrégulièrement ; chaque bractée/bractéoles protège 2 fleurs mais un seul fruit sera produit.
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Les fleurs sont apétales mais elles ont un calice adné (adhérant) à l’ovaire infère à 2 loges, le pistil rouge porte 2 stigmates (partie réceptrice de pollen).
Pollinisation anémophile (vent).
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– L’infrutescence (ensemble de fruits) à maturité devient pendante. La morphologie et la taille sont différentes selon l’espèce, de 4 à 15 cm, l’espèce fangiana se fait encore remarquer avec des infrutescences de 40 à 50 cm ! Les bractées sont généralement lâches et ne scellent pas le fruit dans une sorte de vessie mais les espèces asiatiques du sous-genre Distegocarpus resserrent un peu plus l’étreinte au point d’être confondues avec les infrutescences closes des ostryers ; l’espèce type betulus produit des infrutescences particulièrement lâches.
Le fruit est un akène (fruit sec à graine non soudée) ligneux, de 3 à 6 mm ; il est relié à la bractée/bractéoles faisant office d’ailes ce qui permet sa dissémination ; les bractées sont d’origine foliaire, c’est pourquoi on parle de fausse samare (fruit sec ailé). Maturité à l’automne.
10 à 30 petites graines côtelées se développent par chaton. Les graines n’arrivent à maturité qu’après un été chaud.
– De nombreuses variétés et de nombreux cultivars.
Le cultivar ‘Fastigiata’ reste un must chez les Carpinus. Celui de Kew est remarquable, même si avec l’âge, il s’est développé un peu plus en largeur que le voudrait son épithète.
Une forêt constituée de charmes est une charmaie ou une charmeraie. La plus grande charmeraie française se trouve en Alsace dans la forêt de Hardt vers Mulhouse, on y trouve aussi des pelouses steppiques, très rare en Europe occidentale, et des chênes sessiles, Quercus petraea.
L’utilisation forestière est faible hormis le bois de trituration, en revanche la production ornementale en pépinières est importante.
– Bois très dur, dense, blanc ivoire, cassant et peu résistant à l’humidité, difficile à travailler, utilisé pour les étals des bouchers, les manches d’outils, les panneaux agglomérés, la parqueterie… À l’heure actuelle, en France, il est surtout recherché et apprécié comme bois de trituration, contreplaqué et pâte à papier.
Autrefois utilisé pour confectionner les roues des chars et les jougs des bœufs ainsi que les engrenages de moulins…
Bois de chauffage idéal à combustion lente, aux flammes vives, très apprécié pour son pouvoir calorifique, de plus il n’éclate pas et peut être utilisé en foyer ouvert. On utilisait ses braises dans les forges. Bon charbon de bois.
– Les graines contiennent une huile utilisée autrefois en Asie pour fabriquer du savon et une huile lubrifiante.
– Alimentaire
∙ Champignons
Arbre truffier : les pépiniéristes proposent des charmes, Carpinus betulus, dont les racines ont été mycorhizées (association symbiotique entre champignons et plantes) avec Tuber melanosporum, la truffe noire ou truffe du Périgord. On retrouve l’utilisation de ce procédé chez les Ostrya.
Pour la culture du fameux champignon asiatique shitake, Lentinula edodes, les bois de chênes sont privilégiés mais l’utilisation du bois de charmes asiatiques n’est pas négligeable.
∙ Fourrage.
∙ Haies mellifères.
– Écologie
Les feuilles donnent un humus de qualité.
– Médicinales
Ajoutés à d’autres éléments, feuille, écorce ou bourgeon améliorent les défenses naturelles de l’organisme et les cicatrisations ; on peut les trouver dans des gargarismes.
Son utilisation en gemmothérapie améliore le sang et une bonne coagulation, il agit positivement sur le foie et diminue le cholestérol.
Il est très prisé en ‘Fleurs de Bach’ car réputé déjouer les incertitudes et les découragements ; c’est une fleur ‘starter’.
– Ornementales
En isolé – en plantation routière – en allées – en haies brise-vent, les charmilles – en tonnelles.
Bonsaïs particulièrement avec les espèces turczninowii, japonica, laxiflora et le plus prisé tschonoskii.
C’est au XVIIème siècle que les paysagistes ont révélé les qualités du charme en créant des labyrinthes et en développant l’art topiaire (taille des arbustes ou des arbres) des jardins à la française. C’est d’ailleurs en 1669 que le mot charmille apparaît. À cette époque, une charmille désignait une haie de style naturel, la plus connue, aujourd’hui disparue, était celle des jardins du château de Versailles avec ses 7 à 8 m de haut.
– Dictons
∙ Un dicton bien connu : « Le charme d’Adam est d’être à poil » permet de différencier le charme aux feuilles dentées du hêtre aux feuilles poilues.
∙ Un autre dicton : « Se porter comme un charme » ferait référence à la résistance de cet arbre à d’éventuels ennemis.
– Dans le calendrier républicain, le nom du ‘charme’ était attribué au 12ème jour du septième mois, le germinal, c’est à dire le printemps. Dans l’astrologie celtique, le charme correspond à la période du 4 au 13 juin mais représente aussi la période du 2 au 11 décembre ; il était considéré comme un symbole de loyauté et de dévouement.
– Au Moyen-Âge, la récolte du bois était réglementée, afin de récupérer du ‘bon’ bois de chauffage, certaines personnes, peu délicates, blessaient volontairement certaines tiges de charme qui de ce fait pouvaient être récoltées, c’était donc du bois volé que l’on nommait alors bois charmé.
– Certains rapprochent l’aspect gaufré des feuilles au miura ori, un système de pliage qui doit son nom à l’astrophysicien japonais Koryo Muria, inventeur du procédé de pliage d’une surface plate afin de rendre son aire plus petite ; c’est une sorte d’origami rigide.
– En Chine, certaines espèces sont particulièrement menacées. C’est le cas de Carpinus putoensis dont il ne resterait qu’un seul spécimen sauvage dans la province du Zhejiang.
Publié le 12 septembre 2023.