Ce genre de conifères est inclus dans la famille très ancienne des Pinaceae et particulièrement dans la sous-famille des Abietoideae qui regroupe 6 genres existants : Abies – Cedrus – Keteleeria – Nothotsuga – Pseudolarix – Tsuga. Cette sous-famille a parfois été traitée comme une famille à part entière ; ses genres se distinguent généralement par l’absence d’umbo (protubérance) et de mucron (pointe dure et raide) sur les écailles des cônes.
Les sapins – Abies seraient le genre le plus proche des cèdres.
Malgré l’ancienneté du genre Cedrus sur la planète, il n’existe au maximum que 4 espèces reconnues. De nombreuses espèces de conifères sont appelées communément cèdres, c’est pourquoi les quatre espèces du genre Cedrus sont souvent identifiées comme de ‘vrais cèdres’ : Cedrus libani – Cedrus atlantica – Cedrus deodara – Cedrus brevifolia.
Il est souvent difficile de les différencier en culture car selon l’habitat ils peuvent avoir des caractéristiques légèrement différentes, de plus ils ont tendance à s’hybrider. Autrefois, certains botanistes ont considéré les espèces atlantica et brevifolia comme des sous-espèces du Cedrus libani mais à l’heure actuelle seule l’espèce brevifolia est particulièrement définie comme sous-espèce.
Contrairement aux autres nombreuses espèces de conifères existantes, les cèdres n’ont jamais été présents naturellement en Amérique ni en Asie et leurs régions d’origines aujourd’hui reconnues se situent au Nord-Ouest de l’Afrique du Nord, au Moyen-Orient et à l’Ouest de l’Himalaya, toutefois leur présence en Europe avant les dernières glaciations est validée par certains paléobotanistes.
Les cèdres seraient apparus sur terre un peu avant les pins. Les premiers ancêtres des cèdres (aujourd’hui disparus) auraient fait leur apparition lors du Crétacé inférieur (145 à 100,5 MA), il y a environ 120 millions d’années mais la souche des espèces actuelles remonterait de 25 à 1 millions d’années. Certains auteurs leur attribuent des descendants communs aujourd’hui disparus mais une filiation commune supposée ne repose pour l’instant sur aucun fondement validé, certains émettent même l’hypothèse d’une origine commune européenne mais là encore rien ne l’atteste définitivement.
Origines particulières :
∙ Cedrus libani s’est développé dans les montagnes du Liban, à l’Ouest de la Syrie et au Centre-Sud de la Turquie ; la sous-espèce libani au Liban, en Syrie et en Turquie et la sous-espèce stenocoma au Sud-Ouest de la Turquie.
∙ Cedrus atlantica provient des montagnes de l’Atlas et du Rif au Maroc et de l’Atlas en Algérie.
∙ Cedrus deodara vient de l’Himalaya occidental mais s’est naturalisé en Chine.
∙ Cedrus brevifolia est endémique de Chypre et particulièrement des montagnes de Troodos ; à l’heure actuelle, son implantation est assez limitée et on le trouve particulièrement dans la forêt de Paphos, cœur de la ‘Vallée des Cèdres Bleus’.
∙ Cedrus libani
Lors de croisades sous l’époque de Saint-Louis, il aurait été ramené en France des pieds de cèdre qui ne se seraient hélas pas acclimatés ; même déconvenue pour les cèdres probablement introduits par Pierre Belon. Si en Angleterre, il est question d’une introduction réussie dés 1630, concernant la France il faudra attendre 1734 date à laquelle Peter Collinson offrit à Bernard de Jussieu deux petits cèdres dont un des exemplaires se trouve toujours au Jardin des Plantes de Paris. Une des légendes veut qu’à la fin du voyage d’Angleterre, Jussieu cassa le pot et ramena les cèdres dans son chapeau, d’autres sources évoquent le fait que Jussieu ne voulant pas les abîmer les ramena dans son chapeau afin de les protéger…
De nos jours, cet arbre nous expose encore sa beauté.
∙ Cedrus atlantica aurait été découvert vers 1826 par Philipp Barker Webb dans le Rif marocain. Il a été multiplié et de ce fait propagé en France en 1839 par les pépinières d’Adrien Sénéclauze.
∙ Cedrus deodara aurait été introduit du Népal en Europe en 1822 mais l’acclimatation n’aurait peut-être pas réussie ou en quantité très restreinte, c’est pourquoi il est plus retenu l’introduction de 1831 via des graines envoyées en Angleterre par l’officier naval britannique David Leslie Melville. En France, ce serait Joseph Neumann qui l’aurait introduit d’Angleterre en 1836 au Jardin des plantes de Paris.
∙ Cedrus brevifolia était connu de Théophraste et de Pline qui citaient ses forêts importantes mais par la suite oublié car surexploité, il ne fut vraiment découvert qu’en 1879 par l’explorateur Samuel Baker.
Un vrai casse-tête !
En effet, initialement les cèdres ont été répertoriés comme des Pinus (pin) ou des Abies (sapin) avant d’être reclassés dans le genre Cedrus. On retrouve cette même problématique pour les noms vernaculaires (populaires) ; d’ailleurs cette confusion démarre dés l’Égypte ancienne où le cèdre et le pin parasol portaient le même nom !
– Cedrus Trew
En 1753, Linné nomme le cèdre du Liban Pinus cedrus mais en 1757 Christoph Jakob Trew crée le genre Cedrus du latin issu du grec ancien κέδρος – kedros désignant les arbres résineux à bois odorant et le fruit du cédratier – Citrus medica. On peut s’étonner du lien entre cèdre et cédratier mais il faut remonter loin dans le temps où, lors de leurs rituels, les Juifs ont remplacé le cône du cèdre par le fruit du cédratier qu’ils ont alors appelé ‘pomme de cèdre’ – kedromêlon, le cèdre se nommait kedros.
– شجرة الأرز est le nom arabe issu du nom araméen se traduisant par ‘arzà’ et désignant le cèdre. En arabe, en hébreu ou en syriaque, le mot cèdre évoque la fermeté et la stabilité.
– Cèdre et cedar en anglais sont issus du latin Cedrus. Une autre source relie le nom cèdre à une dérivation du mot arabe ‘kedre’ signifiant puissance.
– Voici quelques exemples du nom usurpé de ‘cèdre’ :
∙ Autrefois, les naturalistes grecs et romains nommaient ‘cèdre’ non seulement les cèdres mais aussi le genévrier cade – Juniperus oxycedrus ce qui entraîna des confusions. D’ailleurs, dans le commerce on trouve l’appellation ‘huile de cèdre’ mais il s’agit de l’huile du genévrier de Virginie – Juniperus virginiana, huile autrefois utilisée pour l’observation microscopique. Cette huile connue aussi sous le nom de ‘cèdre de Virginie’ rentre dans la composition de parfums dont le nom arabe Arz el-Rab se traduit par ‘forêt des cèdres des Dieux’…
∙ En Guyane le nom cèdre désigne des arbres de la famille des Lauraceae tels les Ocotea – cèdre blanc et cèdre noir, le Licaria cannella – cèdre cannelle etc. Le cèdre acajou de la famille des Meliaceae est un Cedrela odorata – acajou de Guyane.
∙ En Australie, le cèdre blanc est un Melia azedarach var. australasica.
∙ Au Japon, on trouve souvent le Cryptomeria sous le nom de cèdre du Japon.
∙ Le Calocedrus de la famille des Cupressaceae est souvent appelé ‘beau cèdre’ ou ‘cèdre à encens’.
∙ On trouve l’appellation ‘red cedar’ dans le commerce du bois mais il s’agit en fait du bois du Thuja plicata – thuya géant de Californie appelé aussi ‘cèdre de l’ouest’. Au Canada, le nom cèdre désigne souvent les thuyas. En France, ce bois se trouve sous l’appellation de ‘cèdre rouge d’Amérique’.
En Amérique du Nord, le cèdre des Hopis est en fait un Thuya occidentalis.
∙ Pinus sibirica est communément appelé cèdre de Sibérie ; Pinus koraiensis – cèdre de Corée…
– Noms des espèces
∙ Cedrus libani A.Rich
Il fut décrit et nommé officiellement en 1823 par Achille Richard en référence à son origine géographique.
أرز لبنان est son nom arabe.
L’épithète stenocoma de la sous-espèce Cedrus libani subsp. stenocoma vient du latin stenoloma du grec signifiant ‘liseré étroit’ probablement en référence au bord des écailles du cône.
∙ Cedrus atlantica (Endl.) G.Manetti ex Carrière
Tout d’abord décrit et nommé Pinus atlantica par Stephan Ladislaus Endlicher puis Cedrus argentea par l’explorateur de l’Algérie Émilien Renou, il fut nommé Cedrus atlantica à la fin de 1844 par Giuseppe Manetti, nom qui fut officialisé en 1855 par le spécialiste des conifères Elie-Abel Carrière. On le trouve aussi sous le nom de Cedrus libani var. atlantica.
Il est désigné par le nom arabe أرز أطلسي qui rappelle son lieu d’origine de l’Atlas.
∙ Cedrus deodara (Roxb. ex D.Don) G.Don
Il fut d’abord classé dans les Pinus par Bourke Lambert, nom officialisé par William Roxburgh mais il fut incorporé dans les Cedrus par David Don, nom validé en 1830 par George Don.
L’épithète deodara est issue du sanskrit देवदार – ‘devadaru’, ‘deva’ – dieu et ‘daru’ – bois signifiant ‘arbre divin’ ou ‘bois des dieux’ qui rappelle aussi certains noms vernaculaires, on le trouve aussi sous le nom de cèdre de l’Himalaya – Himalayan cedar.
∙ Cedrus brevifolia (Hook.f.) A.Henry ou Cedrus libani subsp. brevifolia (Hook.f.) Meikle
En 1879, Joseph Dalton Hooker le considéra comme une variété qu’il nomma Cedrus libani var. brevifolia. En 1908, Henry John Elwes et Augustine Henry l’ont élevé au rang d’espèce mais en 1977 Robert Meikle l’a défini comme une sous-espèce.
En chypriote κυπριακό-κέδρο tout comme en latin, son épithète signifie ‘feuilles courtes’.
Dans leur habitat, les peuplements de cèdres sont présents en altitude dans des régions montagneuses aux étés chauds et secs et aux hivers rigoureux et neigeux qui assurent l’apport en eau nécessaire dans les nappes phréatiques, le système racinaire profond fait le reste. En Europe, ils ne quittent pas les vallées et souvent les plus clémentes.
Ils se développent assez bien dans différentes conditions mais des études faites sur leur capacité actuelle d’adaptation dans divers habitats ont révélé que leur développement était limité par un manque de compétitivité avec les autres genres de plantes vivant dans des conditions similaires ; d’après certains auteurs cette compétitivité réduite pourrait s’expliquer par l’ancienneté de la lignée.
Les cèdres ne sont pas très regardants sur la nature du sol dés qu’ils ne sont ni lourds ni argileux et surtout dépourvus d’humidité stagnante ; en général ils supportent bien le calcaire. Ils apprécient la pleine lumière mais supportent la mi-ombre. Malgré leur résistance au froid, ils sont sensibles aux gelées tardives et aux neiges lourdes. Ils sont plutôt résistants à la pollution et particulièrement l’espèce atlantica.
∙ Cedrus libani croît dans des zones montagneuses entre 1 300 à 2 100 m d’altitude toutefois il s’adapte en plaines. Au Liban vers 1 500 m d’altitude, il est en compagnie du sapin de Cilicie – Abies cilicica, du pin noir – Pinus nigra et du genévrier – Juniperus.
Il apprécie un climat aride aux hivers rigoureux. Sa tolérance au gel atteint jusqu’à -25°C et pour la variété stenocoma jusqu’à -30°C maximum.
∙ Cedrus atlantica peut former d’importants peuplements dans les régions montagneuses du Maroc ; en Algérie les cédraies sont plus petites et plus dispersées. On le trouve rarement au-delà de 2 200 m. Adapté aux conditions méditerranéennes, en France il cohabite dans les mêmes zones que le chêne pubescent entre 300 et 800 m d’altitude.
Il supporte une certaine sécheresse mais apprécie les versants humides sur des sols bien drainés et aérés. En culture, il est moins sensible aux gelées tardives que les autres espèces, sa tolérance au gel est en-dessous de -25°C.
Après un incendie, Cedrus atlantica a une grande capacité de régénération.
∙ Cedrus deodara forme des forêts montagneuses de 1 500 à 3 000 m d’altitude. Indifférent à la qualité du sol, il est soumis dans son habitat d’origine à des conditions climatiques bien différentes ; en Europe, c’est un arbre apprécié dans nos régions méditerranéennes.
Un climat aride favorise sa tolérance au froid jusqu’à -25°C mais il est sensible aux gelées tardives et n’apprécie pas les climats froids et secs. Le cultivar ‘Kashmir’ résiste jusqu’à -30°C.
∙ Cedrus brevifolia se développe en régions montagneuses de 900 à 1 400 m. Il apprécie l’humidité (non stagnante) dans son habitat. Sa tolérance au gel va de -15°C jusqu’à -23°C.
L’espèce type est le cèdre du Liban.
– Leur croissance monopodiale (développement de la tige à partir du bourgeon terminal) est généralement assez lente, un peu plus rapide pour l’espèce atlantica. Leur longévité atteint de 300 à 1 000 ans mais peut atteindre jusqu’à 3 000 ans voire plus pour l’espèce libani ; l’espèce deodara aurait une longévité inférieure aux autres espèces.
– Arbres de 25 à 50 m pouvant atteindre au maximum 60 m, au tronc massif de 1,5 à 3 m, au port pyramidal ou tabulaire.
Assez souvent les arbres âgés développent plusieurs troncs.
∙ Cedrus libani est un arbre de 40 m pouvant atteindre jusqu’à 60 m dans son habitat, en Europe il dépasse rarement les 20 à 25 m. Le tronc est massif, le port conique devient tabulaire (en forme de table,branches à l’horizontal) avec l’âge car la cime a tendance à se ramifier en grosses branches et de ce fait est fortement aplatie ce qui le caractérise des autres cèdres; cette caractéristique annonce la fin de croissance en hauteur.
Cedrus libani est parfois divisé en deux sous-espèces ou considérées comme deux variétés : libani et stenocoma ; la sous-espèce libani a un port tabulaire et stenocoma un port dressé, colonnaire.
Les branches imposantes sont horizontales mais ont tendance à retomber avec l’âge. Les branches basses persistent souvent sur l’arbre âgé et finissent par toucher le sol. Les rameaux sont gris-foncé, généralement lisses ou parfois très légèrement pubescents, poilus, pour les provenances turques.
∙ Cedrus atlantica est un arbre de 30 à 40 m dans son habitat, en Europe où il est cultivé il dépasse rarement les 20 à 25 m. Le tronc est épais jusqu’à 2 m, le port pyramidal devient tabulaire avec l’âge pour les branches latérales. Les branches horizontales ont tendance à se redresser légèrement vers la pointe. Les rameaux sont gris-jaunâtre et pubescents.
∙ Cedrus deodara est le plus imposant des cèdres ; c’est un arbre de 50 m pouvant atteindre jusqu’à 60 m pour un diamètre de tronc de 3 m. Le port pyramidal devient globuleux avec l’âge mais la cime reste pointue et a la caractéristique de s’incliner. Les branches horizontales ont les pousses terminales pendantes ce qui lui donne un aspect pleureur, les rameaux sont légèrement pubescents.
∙ Cedrus brevifolia est le cèdre le moins vigoureux, il atteint dans son habitat de 30 à 35 m mais plus couramment de 15 à 25 m au maximum, avec un port pyramidal et une couronne étroite, conique et souvent irrégulière. Les branches sont courtes et horizontales, les rameaux glabres.
– L’écorce gris clair à gris foncé est tout d’abord assez lisse puis elle finit par se craqueler en écailles de tailles irrégulières sur les arbres âgés.
Ces arbres sont des résineux.
– La racine principale est pivotante, le système racinaire puissant et profond. Ces caractéristiques lui permettent d’affronter des sols superficiels et rocheux mais elles excluent une transplantation réussie, ils n’apprécient pas non plus les plantations à racines nues.
Les racines vivent en symbiose avec un champignon mycorhizien – la pézize Geopora sumneriana – très présent à leurs pieds. Ce champignon est étonnant par sa forme en coupe mais attention cru il est toxique.
– Les rameaux au bois dépourvu de canaux résinifères sont dimorphes : les rameaux longs, auxiblastes, soutenant les rameaux courts, mésoblastes, à croissance extrêmement lente et limitée, regroupant au moins une rosette de 10 feuilles.
Le cèdre ne développe pas de réitérations lorsqu’une branche est coupée.
– Les feuilles persistantes de 3 à 6 ans selon l’espèce sont en aiguilles courtes de (1) 2 à 5 cm en moyenne. Elles sont insérées en spirales, en isolées sur les jeunes auxiblastes mais surtout en rosettes denses sur les rameaux courts. Les lignes de stomates (petits orifices) sont bien visibles.
∙ Cedrus libani
Feuilles vert foncé en aiguilles de 3 à 3,5 cm. La sous-espèce stenocoma possède des aiguilles plus petites et des cônes plus étroits.
∙ Cedrus atlantica
Feuilles vertes à gris-bleu, de 2 à 2,5 cm.
Il existe un type à feuillage vert foncé et un type à feuillage glauque. Ces deux types portent souvent le même nom de Cedrus atlantica et si le type glauque est parfois considéré comme une variété on le trouve plutôt dans le commerce comme un cultivar – Cedrus atlantica ‘Glauca’.
∙ Cedrus deodara
C’est le cèdre qui a les plus grandes feuilles et les plus gros cônes. Les feuilles du vert clair au gris-vert sont en aiguilles de 2,5 cm jusqu’à 5 cm de longueur. Souples, elles lui confèrent un aspect plumeux. Le cultivar ‘Robusta’ présente de longues feuilles de 8 cm.
∙ Cedrus brevifolia
Les feuilles vert foncé ne dépassent généralement pas les 0,80 cm au maximum de 1 à 2 cm, elles sont épaisses et incurvées.
– La fertilité de ces arbres monoïques, fleurs mâles et femelles séparées sur la même plante, n’apparait que tardivement vers 25 à 40 ans.
Les ‘fleurs’ mâles et femelles se développent sur le même arbre mais sur des branches différentes, les femelles généralement sur les plus hautes.
Les strobiles (inflorescences compactes en forme de cône) mâles et femelles sont des inflorescences en chatons solitaires, dressés, axillaires ou terminaux, apparaissant à l’extrémité des rameaux courts, en général de juin à septembre en Europe ; l’espèce deodara, dans son habitat, fleurit de septembre à octobre. Les mâles apparaissent environ un à deux mois avant les femelles. Si au stade juvénile les mâles sont plus grands et étroits que les femelles, à maturité ils sont nettement plus petits que les femelles.
∙ Les strobiles mâles sont nombreux, ovoïdes, généralement jaune-marron. Ils sont constitués d’écailles sessiles (directement sur les rameaux) disposées en spirale. Chaque écaille, nommée sporophylle (microsporophylle), porte 2 sacs polliniques qui expulsent à l’automne des grains de pollen à ballonnets abondants assurant ainsi la pollinisation anémophile (vent), ensuite ils se dessèchent et tombent. Le grain de pollen a une belle taille de 50 à 90 micromètres, il est généralement peu allergisant.
∙ Les strobiles femelles sont moins nombreux, vert bleuté. Ils sont formés d’écailles sessiles disposées en spirale, protégées par de petites bractées (organe intermédiaire entre la feuille et le pétale). Chaque sporophylle (macrosporophylle) porte 2 ovules.
Les femelles apparaissent après les mâles. À l’automne, elles n’ouvrent leurs écailles à la pollinisation que sur une courte période de quelques jours et généralement après libération du pollen de leurs mâles afin d’éviter la consanguinité. Les femelles pollinisées referment leurs écailles et rentrent en dormance durant la période hivernale. Elles sont fécondées au printemps suivant. La fécondation déclenche le grossissement assez rapide des cônes et comme pour les sapins – Abies, ils restent toujours dressés.
En savoir plus sur leur Sexualité.
– À l’automne suivant la fécondation, les cônes sont devenus brun violacé à brun grisâtre mais les écailles restent encore fermées. Ils sont en forme de petits tonneaux très résineux, aux écailles très serrées, lisses (les Abietoideae ne développent pas d’umbo et de mucron). Ils ont un sommet légèrement aplati ou concave et seule l’espèce deodara peut présenter des cônes au sommet nettement arrondi.
Les cônes terminent leur maturation encore quelques mois sur l’arbre puis après l’hiver les écailles commencent à s’ouvrir mais les cônes restent connectés à l’arbre.
Le vent et autres intempéries finissent par désarticuler les cônes alors que leur axe central, le picot persiste plus longtemps sur l’arbre.
Les cônes de l’espèce libani de 8 à 12 cm sont un peu plus grands que ceux de l’atlantica de 5 à 8 cm ou de brevifolia de 5 à 10 cm mais le record revient à l’espèce deodara avec des cônes de 10 à 13 cm.
En résumé et en général car l’espèce deodara a un cycle plus court :
∙ 1er printemps à automne : apparition des inflorescences.
∙ 1er été à automne : pollinisation.
∙ 2ème printemps : fécondation.
∙ 2ème automne : forme mature du cône.
∙ 3ème printemps à automne : fin de maturité du cône – dislocation du cône et dissémination.
– Les graines triangulaires de 2,5 à 3,5 cm sont munies d’une grande aile membraneuse bordée d’un liseré marron. Elles sont recouvertes de poches de résine à l’odeur très forte censée éloigner les prédateurs comme les écureuils friands de graines. Les graines de la base et de l’apex (sommet) du cône sont stériles.
Les plantules développent de 6 à 10 cotylédons.
– Cultivars
Les pépiniéristes horticulteurs ont créé de nombreux cultivars : feuillage doré, glauque ou panaché, des ports fastigiés ou pleureurs, des formes naines… mais il en est un dont il faut absolument parler :
Cedrus atlantica ‘Glauca Pendula’ au feuillage bleuté et au port pleureur.
L’histoire commence dans un ancien vallon de la Vallée aux loups à Chatenay-Malabry (Hauts de Seine – France) jouxtant l’ancien domaine de Chateaubriand. C’est une ancienne terre de chasse de Louis XIV devenue propriété d’aristocrates qui fut rachetée en 1890 par l’horticulteur Louis Gustave Croux, un passionné qui va y créer un arboretum où l’on peut encore découvrir de splendides arbres et entre autres le cèdre bleu de l’Atlas pleureur qui a reçu le label ‘Arbre remarquable de France’ en 2001 et fut élu ‘Arbre de l’année 2015’ par le Prix du Jury.
Ce cèdre pleureur est issu d’une graine de Cedrus atlantica glauca planté en 1873 par les pépinières Paillet. Mystère de la nature, cette graine a subi une mutation naturelle et Louis Croux qui s’intéressait aux plantes rares l’a installée en 1895 dans son arboretum. Cet arbre stérile est toutefois considéré comme un pied mère et en effet tous les cèdres bleus pleureurs du monde sont issus initialement de boutures ou de greffes de cet arbre.
Pour information, la pépinière Croux créée dés 1679 et considérée comme la plus ancienne entreprise sylvicole au monde existe toujours mais à Crisenoy dans le 77.
– Multiplication
Les graines ont besoin de fraîcheur pour germer. Les boutures et les greffes sont praticables.
– Ennemis : chenilles processionnaires – insectes – certains champignons.
De tout temps, le plus grand ennemi des cèdres fut la chèvre qui raffole des jeunes pousses et les rabote à ras du sol mais à l’heure actuelle c’est surtout le réchauffement climatique combiné à l’utilisation de pesticides et à la chasse aux oiseaux dont l’extinction favorise l’invasion d’insectes nuisibles aux cèdres !
Une forêt de cèdre est une cédraie.
– Reboisement
Leur résistance à la sécheresse en fait de bons clients face au réchauffement climatique pour une adaptation sur les terres arides du sud de la France. De toutes les espèces méditerranéennes, le cèdre est le moins inflammable par ses feuilles et le moins combustible par son bois.
Il permet une reconstitution et une revalorisation de forêts dégradées. Toujours dans la perspective de lutte contre le réchauffement climatique, des cônes de cèdre ont été prélevés afin de reconstituer les forêts décimées d’épicéas dans l’est de la France. Le résultat sera t-il à la hauteur ?
– Le bois possède de grandes qualités, il est dense, solide, durable mais n’est pas adapté aux chocs. Coloré de brun jaune, il est très beau et odorant, il est imprégné de résine.
∙ En Égypte antique, le bois de l’espèce libani était exploité pour fabriquer divers objets funéraires, sarcophages et tombeaux. La résine servait à embaumer les momies ; les Celtes aussi l’utilisaient pour embaumer les têtes des vaincus courageux !
∙ Imputrescible, ce bois était prisé pour la construction navale et parfois utilisé pour les charpentes (le bois de certaines espèces peut être cassant).
Déjà à leur époque, Théophraste et Pline vantaient les mérites du bois de l’espèce brevifolia qui fut largement utilisé dans les anciennes églises comme portes et fenêtres ainsi que pour les iconostases, les chaires…
En référence à ses qualités imputrescibles et insecticides, le philosophe théologien Origène au IIIe siècle disait :
Actuellement, ce bois serait surtout utilisé en artisanat, en revêtement de murs, de toits et de terrasses.
En Inde, le bois de deodar a une importance économique. À Srinagar au Cachemire, on peut encore découvrir des constructions navales et des temples ainsi que des maisons flottantes en bois de cèdre.
∙ Insecticide, il est encore utilisé pour la fabrication de coffres et de coffrets, de meubles. Son huile protège de la pourriture. Son odeur éloigne les moustiques et les mites.
Le bois de l’espèce deodara est le plus parfumé, c’est le plus résineux des cèdres.
∙ L’encens tibétain ‘Cedar wood’ est depuis toujours et encore utilisé dans les temples tibétains car il favoriserait la spiritualité. Au Liban, la résine de cèdre servait d’encens dans les cérémonies religieuses.
– Médicinales et cosmétiques
Au Liban, considéré comme sacré, il était supposé repousser les mauvais esprits, guérir les malades et empêcher les épidémies.
Moïse l’aurait conseillé pour soulager les maux de dents et les maladies cutanées telle la lèpre.
Le médecin arabo-andalou Abu Muhammad Ibn Al-Baytar vantait les bienfaits de la résine du cèdre utilisée depuis 1240 contre les gelures.
L’espèce deodara fait partie de la médecine ayurvédique.
∙ À l’heure actuelle, les bourgeons de cèdre sont réputés efficaces dans le drainage cutané et sont utilisés dans les préparations cosmétiques, dans les soins d’eczéma et de psoriasis.
∙ L’huile essentielle extraite du bois par distillation à la vapeur d’eau est antifongique – antiseptique – cicatrisante – astringente – décongestionnante – antidiabétique.
Elle est utilisée pour des massages drainants et comme shampooings, elle est efficace dans les soins capillaires.
∙ Le miel de cèdre est produit à partir de miellat récolté par les abeilles, il est de couleur très foncé ; ses propriétés médicinales seraient équivalentes au miel de pin réputé surtout comme antitussif.
∙ Sur les écorces de différents arbres se développent souvent des mousses. Autrefois on récoltait ces mousses comme produit astringent, anti-vomissement, anti-diarrhées et contre les hémorragies. La mousse des cèdres était prisée pour ses qualités ainsi que celle du chêne. Autrefois, les parfumeurs préparaient la ‘poudre de Chypre’ à partir des mousses de certains arbres tels le chêne et le cèdre (Chypre de Guerlain en 1840). La plus utilisée actuellement en cosmétologie est la mousse de chêne associée entre autres au cèdre.
∙ C’est un bon antiparasitaire animal.
– Écologie
Les cèdres offrent la nourriture à certaines larves de lépidoptères.
Les forêts algériennes du Cedrus atlantica abritent le macaque de Barbarie et le lynx. Les réserves naturelles situées dans la chaîne des montagnes de l’ouest du Liban protègent des loups et des lynx.
– Ornementales
∙ Les cèdres du Liban ont apporté la richesse aux civilisations phéniciennes et égyptiennes mais en Europe au XIXe siècle, ce fut un véritable marqueur social qui trônait dans les parcs de toutes habitations de prestige, châteaux, propriétés, hôtels… Cette renommée commença avec Napoléon Bonaparte vainqueur de la bataille de Marengo en Italie ; afin de lui rendre hommage pour cette victoire, l’Impératrice Joséphine de Beauharnais fit planter un cèdre du Liban la même année en 1800 dans son parc de Malmaison. Influenceuse (déjà à l’époque), elle lança cette mode auprès des aristocrates et des bourgeois qui ornèrent ainsi les parcs de leurs plus belles demeures.
∙ Les cyclamens aiment la compagnie des cèdres. L’espèce cyprium endémique de l’île de Chypre apprécie les forêts de pins et de cèdres. En France, le cyclamen de Naples – Cyclamen hederifolium orne les pieds des arbres en automne et le cyclamen de Cos – Cyclamen coum en hiver.
∙ En Californie l’espèce deodara fait office d’arbre de Noël.
∙ Malgré leur grande taille, on peut toutefois les cultiver en bonsaï, l’espèce brevifolia s’y prête particulièrement bien.
– Les cédraies
Menacées d’extinction, les cédraies sont en nette diminution et plus particulièrement le cèdre du Liban en son pays et le cèdre chypriote inscrit sur liste rouge, le cèdre de l’Atlas n’échappe pas à cette menace et est considéré en danger par l’UICN (Union Internationale pour la conservation de la nature).
∙ Les grandes qualités du bois de l’espèce libani entraînèrent sa perte par une surexploitation prolongée. Le cèdre est donc devenu rare au Liban malgré les différentes tentatives pour le protéger ; entre autres en 1876, la reine Victoria finança sur le Mont Liban à Bcharré la construction d’un mur afin de protéger une forêt des troupeaux de chèvres. Une petite partie de cette forêt a continué d’être sauvée par une des plus importantes églises catholiques du Liban, l’Église Chrétienne Maronite qui la considère comme un sanctuaire. Les arbres de cette forêt sont appelés ‘les cèdres de Dieu’ et depuis 1998 ils font partie du patrimoine mondial sur la liste de l’UNESCO. On doit la dernière tentative de protection de ces arbres au médecin humaniste Youssef Tawk qui à partir des années 1980 s’évertua à replanter jusqu’à 130 000 arbres tout en luttant pour le droit des habitants des montagnes.
C’est désormais en Turquie que l’on trouve des peuplements importants et particulièrement dans la chaîne montagneuse du Taurus.
∙ Dans le bassin méditerranéen, la cédraie de Cedrus atlantica la plus importante avec ses 134 000 hectares se trouve au Maroc où cette espèce est considérée comme un ‘trésor national’. Ses immenses cédraies attirent les touristes, le bois est prisé des ébénistes…
∙ La surface naturelle de boisement du cèdre deodar serait en Inde la plus importante au monde.
∙ Cedrus brevifolia faillit disparaître par sa surexploitation en bois d’œuvre et par le surpâturage des chèvres, après quoi il bénéficia de mesures de protection mais il reste assez rare et classé comme vulnérable.
∙ La plus grande forêt de cèdres en Europe avec ses modestes 300 ha est intégrée au parc naturel du Luberon à Bonnieux (Vaucluse – France) ; elle fut créée en 1861 par des graines provenant d’Algérie. À l’heure actuelle, les cèdres se développent de 300 à 800 m d’altitude du Mont Ventoux aux Pyrénées et occuperaient une place prépondérante sur 20 000 hectares. Voir l’article sur la Forêt de cèdres.
– Symboles et emblèmes
∙ Cedrus libani
C’est l’arbre d’Osiris, Dieu des morts, de la fertilité et protecteur du développement végétal. Une des nombreuses légendes entourant Osiris raconte que tué par son frère Seth, son corps fut retrouvé par Isis, sa sœur et épouse, au sein d’un grand cèdre coupé qui servait de colonne dans le palais du roi de Phénicie.
Pour les Libanais, c’est un symbole d’immortalité, d’espoir, de liberté et de mémoire.
En 1920 lors de la proclamation de l’autonomie du Grand Liban un des textes déclarait :
« Un cèdre toujours vert, c’est un peuple toujours jeune en dépit d’un passé cruel. Quoique opprimé, jamais conquis, le cèdre est son signe de ralliement. Par l’union, il brisera toutes les attaques. »
Symbole souvent utilisé par les partis politiques libanais. On parle d’ailleurs de la ‘Révolution du cèdre’.
C’est l’emblème national du Liban représenté sur le drapeau depuis 1943 et sur les armoiries.
Il est aussi représenté sur le passeport libanais et apparaît dans l’hymne national «…Sa gloire est son cèdre, son symbole d’éternité…».
Il figure aussi sur la monnaie, les piastres libanaises.
Il est le ‘gardien et le protecteur des calamités naturelles et de tout agresseur’ de l’armée libanaise.
Depuis plus de 500 ans, c’est l’emblème de l’Église Maronite.
Hautement symbolique, on attribue à son bois de nombreuses réalisations :
Le premier Temple de Jérusalem aurait été construit avec son bois par Salomon (mentionné dans la Bible) mais les fouilles archéologiques ne valident pas forcément cette hypothèse. L’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem et l’église de la nativité seraient en partie construites avec son bois ainsi que les croix, les autels, les statues… Les Romains aussi appréciaient ses qualités et l’auraient largement utilisé et pour exemple dans les ornements de l’église Saint-Marc à Venise…
∙ Cedrus atlantica est l’essence emblématique des paysages Nord-Africain : fanions – emblème d’équipes sportives – appellation de lieux…
∙ Au Pakistan, Cedrus deodara symbolise la force et la sagesse; c’est d’ailleurs l’arbre national.
∙ À Chypre, on peut trouver Cedrus brevifolia sous le nom de ‘Pin de la Vierge’ car selon la légende, la Vierge Marie touchée par les pins du monastère de Kykkos qui s’étaient agenouillés à son passage les transforma en de magnifiques cèdres.
– Religions
Le cèdre est mentionné dans les trois grandes religions monothéistes, il représente la fermeté et la beauté.
∙ Dans la Bible, où il serait cité au moins 75 fois, il est écrit dans le psaume 91 verset 12 : « Le juste fleurira comme un palmier et il se multipliera comme le cèdre du Liban.»
Cedrus libani inspira plusieurs légendes : Adam et Ève auraient habité au Liban et passaient l’été dans la forêt des Cèdres de Dieu où Adam offrait des sacrifices ; une autre version met en cause aussi Adam dont le corps donna naissance à trois arbres – le cèdre incorruptible, le cyprès illustrant le deuil et le palmier symbole de résurrection – les arbres de la Sainte Trinité. Le prophète Noé aurait construit son bateau avec du bois de cèdre. Saint Joseph aurait confectionné le lit de Jésus avec du bois de cèdre…
∙ D’après le Talmud, les Juifs brûlaient du bois de cèdre sur le Mont des oliviers pour la nouvelle année.
∙ Abou Hourayra, un des compagnons du prophète, surnommé le ‘Messager d’Allah’ a dit : « Le croyant est comme une plante cultivée qui croît et que le vent fait pencher, car le Croyant aussi ne cesse de subir des épreuves. L’hypocrite, quant à lui est comme le cèdre que rien ne peut secouer jusqu’à sa chute ».
∙ Cedrus deodara est vénéré chez les hindous, plusieurs légendes l’honorent. Les anciens sages voués au Dieu Shiva vivaient dans les forêts de cèdres qui devenaient alors des lieux sacrés.
– Noces de cèdre : 49 ans de mariage.
– Littérature
∙ De nombreux auteurs firent son éloge : Gibran Khalil Gibran – Ameen Rihani – Antoine de St Exupéry… Il est un élément indispensable cité dans le récit légendaire ‘L’épopée de Gilgamesh’.
Alphonse de Lamartine dans son ouvrage ‘Voyage en Orient’ l’évoque :
« Les cèdres du Liban sont les reliques des siècles et de la nature, les monuments naturels les plus célèbres de l’univers. Ils savent l’histoire de la terre, mieux que l’histoire elle-même. »
∙ La revue franco-libanaise apparue en 1990 sous le titre de ‘Cedrus Libani’ a pour vocation de faire connaître le Liban et le Proche-Orient.
– Le sculpteur, poète et peintre libanais Rudy Rahme (né en 1967) a sculpté une centaine de visages humains (dont le plus illustre : le Christ) sur trois vieux cèdres de la forêt des dieux, cèdres morts mais encore debouts. La sculpture nommée ‘Lamartine cedar’ mesure 39 m de haut.
Mise à jour décembre 2023.