Ce genre d’angiospermes (plantes à fleurs) est intégré dans les Fabaceae, les légumineuses, la 3ème plus grande famille de plantes après les Orchidaceae et les Asteraceae. Autrefois classé dans la sous-famille des Caesalpinioideae, il se trouve désormais dans la sous-famille des Cercidoideae (ex Cercideae de Bronn) ; en effet, différentes analyses génétiques ont modifié la classification des légumineuses et 6 nouvelles sous-familles ont été créées, mais ce point de vue scientifique complexe, même s’il est reconnu, ne fait pas l’adhésion auprès des amateurs de plantes qui continuent de reconnaitre seulement 3 sous-familles : Mimosoideae – Faboideae (ou Papilionaceae) – Caesalpinioideae.
À priori, la première classification des Cercideae du géologue allemand Heinrich Georg Bronn, en 1822, comptait 250 à 300 espèces réparties en deux sous-tribus : Cercidinae (3 ou 4 genres : Adenolobus – Cercis – Griffonia– (Lasiobema)) et les Bauhiniinae (2 genres : Bauhinia avec plusieurs sous-genres, et Brenierea), mais il y eut d’autres révisions qui élevèrent les Cercideae au rang de sous-famille sous le nom de Cercidoideae (dont l’espèce type est le Cercis), les Cercideae devenant une tribu.
En 2018, le NCBI (National Center for Biotechnologie Information) propose une classification indicative :
Sous-tribu des Cercidinae : Adenolobus – Cercis – Griffonia– Lasiobema. Certains classent le genre Lasiobema dans la sous-tribu des Bauhiniinae, et particulièrement dans le genre Phanera.
Le plus connu en France de cette sous-tribu est Cercis siliquastrum, l’arbre de Judée dont les fleurs sont apparemment différentes des bauhinies mais les feuilles entières présentent toutefois une certaine ressemblance.
Ce genre comporte de sept à plus d’une dizaine d’espèces, mais leur classification n’est pas encore définitive, et certaines sont parfois considérées comme des variétés ou des sous-espèces ou des synonymes :
Siliquastrum – gigantea (parfois inclus dans chinensis) – chinensis (glabra inclus) – griffithii – racemosa – canadensis (mexicana – reniformis – texensis incluses) – occidentalis.
D’après le botaniste américain Richard Sumner Cowan, les Cercideae seraient un des groupes les plus primitifs de la famille. Le genre Cercis serait apparu au Paléogène, vers 37,2 à 33,9 millions d’années.
Les espèces se sont implantées dans les régions subtropicales et tempérées.
– Sud-Est de l’Europe – Ouest de l’Asie : siliquastrum. Espèce introduite en Europe occidentale probablement au XVIe siècle à l’époque des croisades, ou bien grâce à un des plus grands scientifiques du XVIe siècle, Pierre Belon.
– Asie du Sud-Est : chinensis de Chine et du Japon, mais particulièrement de Chine Centrale – gigantea de Chine – racemosa endémique de chine.
– Asie centrale et Afghanistan : griffithii.
– Amérique du Nord : occidentalis sur la côte Sud-Ouest des USA – reniformis au nord des USA – canadensis sur la côte Est des USA malgré son nom, en fait, le botaniste et collectionneur britannique John Tradescant le Jeune l’a découvert à l’ouest des Appalaches, région appelée autrefois Canada.
– Cercis vient du grec ancien ‘kerkis’ signifiant navette de tisserand. Le nom kerkis fut attribué par Théophraste au Cercis siliquastrum ainsi qu’en synonymie du peuplier tremble, certains y voient une ressemblance de feuilles, d’autres suggèrent la référence du bruissement d’une navette.
Un des plus illustres botanistes de son époque, Joseph Pitton de Tournefort avait défini le genre sous le nom de Siliquastrum (à partir de l’arbre de Judée), mais Carl von Linné en 1753 valida le nom Cercis pour le genre et garda l’épithète siliquastrum pour l’espèce type.
Siliquastrum vient du latin siliqua désignant une gousse, une cosse, et tout particulièrement la gousse du caroubier – Ceratonia siliqua.
– Gainier nom botanique donné en 1587 aux arbres de la famille des légumineuses (Fabaceae) dont le fruit en gousse ressemble à une gaine de couteau.
– L’appellation ‘Arbre de Judée’ est issue de Arbor Judæ attribuée en 1549 par Pierre Belon, en référence à une légende (qui viendrait du Nouveau Testament) selon laquelle Judas Iscariote, après avoir trahi Jésus, fut pris de remords et se serait pendu aux branches de cet arbre dont les fleurs blanches, les larmes du Christ, devinrent rouge sang de honte ; la tribu de Judas venait de Judée, une des régions montagneuses originaires de cet arbre.
Ce nom particulièrement attribué à l’espèce siliquastrum est, toutefois, utilisé aussi pour d’autres espèces.
– Redbud nom anglophone signifiant ‘bourgeon rose’.
– 紫荆属 nom scientifique chinois. Le gainier en chinois populaire porte le nom de bauhinia, les Chinois distinguent alors le bauhinia du Nord (Cercis) et le bauhinia du Sud (Bauhinia x blakeana).
– En arabe, l’espèce siliquastrum se nomme Arǧuwān, nom persan signifiant pourpre en référence aux fleurs et à la teinture obtenue de certaines espèces (peut être griffithii).
On les trouve dans des régions sèches et rocheuses, en plein soleil de préférence et même à mi-ombre, et à l’abri des vents froids.
Comme la majorité des légumineuses, ces arbres vivent en symbiose avec des bactéries, elles se contentent alors d’un sol pauvre, mais elles ont une légère préférence pour un sol riche et calcaire ; elles s’adaptent à tous les sols, l’espèce racemosa pousse sur un sol légèrement acide. Le sol doit surtout être bien drainé car elles ne tolèrent pas l’humidité ; Cercis siliquastrum est présent dans la garrigue ; en général les espèces résistent bien à la sécheresse mais pas autant que siliquastrum.
Leur tolérance au gel va de -15°C (siliquastrum) jusqu’à -25°C (canadensis). Elles craignent toutefois les gelées tardives pendant l’éclosion des bourgeons.
Cercis siliquastrum est l’espèce la plus connue en France ; c’est l’espèce type.
L’espèce chinensis est très semblable à la variété américaine canadensis, elle en diffère surtout par une taille plus petite et un développement systématique en multi-troncs, mais aussi par des feuilles plus brillantes mais moins décoratives à l’automne, des fleurs plus grandes, et des gousses plus longues.
– La croissance est rapide les premières années pour siliquastrum et un peu plus lente pour les autres espèces. Longévité d’une centaine d’années (voire plus si l’on considère les rejets).
– Arbustes et arbres
Ils ont un port étalé et arrondi, parfois buissonnant avec plusieurs troncs souvent tortueux.
Arbustes de 2 m pour les formes naines et jusqu’à 5 m (chinensis – occidentalis).
Arbres de 7 à 10 m (racemosa) pouvant atteindre jusqu’à 12 à 15 m (siliquastrum – canadensis).
– L’écorce gris-brun plus ou moins foncé à brun-pourpre foncé finit par se craqueler en petites plaques formant des crêtes rugueuses.
– Les rameaux zigzaguent souvent et les jeunes pousses sont généralement pourpres.
– Des rejets se développent à la base du tronc.
– La racine principale est pivotante et n’apprécie pas la transplantation.
– Les feuilles caduques de 10 cm (gigantea 20 cm) sont à phyllotaxie (disposition des feuilles sur la tige) alterne spiralée. Elles sont simples, plus ou moins en forme de cœur (cordiforme), à 5/7 nervures dont la centrale est nettement marquée, à l’apex (sommet) arrondi ou pointu. Stipules (appendices membraneux) absentes ou rapidement caduques.
Les feuilles de siliquastrum émergent de couleur bronze puis deviennent bleu-vert foncé, plus pâles sur le revers, et enfin jaune cuivré à l’automne, d’autres espèces vertes deviennent jaunes (canadensis).
– La particularité principale des Cercis est de développer des fleurs pseudo-papilionacées représentatives de la sous-famille des Caesalpinioideae ce qui les distinguent des deux autres sous-familles de légumineuses (sur la base de l’ancienne classification des Fabaceae).
∙ Mimosoideae : inflorescence de petites fleurs régulières, actinomorphes (disposées en forme de rayon comme une étoile), gousse allongée.
∙ Faboideae ou Papilionoideae : fleurs généralement zygomorphes (pétales ou/et sépales sont disposés bilatéralement). Le pétale supérieur appelé étendard ou vexillum est généralement dressé ; deux plus petits pétales, les ailes, sont placés de manière latérale et symétrique ; sur la partie inférieure se trouvent deux autres pétales symétriques, très proches l’un de l’autre, c’est la carène.
∙ Caesalpinioideae : fleurs pseudo-papilionacées, généralement zygomorphes. Le pétale étendard dressé est plus petit ou de la même taille que les ailes qui l’entourent, seule la carène est à l’horizontal, les pétales de la carène peuvent être libres et ne pas former de carène. Selon la tribu, les étamines sont visibles ou pas.
La maturité sexuelle intervient vers l’âge de 4 à 5 ans.
Généralement présence de petites bractées (organes intermédiaires entre la feuille et le pétale) et de bractéoles (petites bractées).
Les petites fleurs se développent généralement avant les feuilles, de la fin de l’hiver au début du printemps, directement sur le bois des branches âgées de deux ans au moins (important à savoir si besoin de tailler), et même directement sur le tronc vers l’âge de 10 ans, on les dit alors cauliflores ; l’espèce racemosa est une des plus tardives vers mai.
Les fleurs hermaphrodites sont pédicellées (axes portant une fleur sur l’inflorescence), regroupées en inflorescence (grappes de fleurs) simple, en grappe fasciculée (en faisceaux) de 4 à 10 fleurs, exceptée racemosa avec ses longs racèmes (les fleurs s’échelonnent par alternance le long d’un axe) pendants.
Parfumées, elles sont très nectarifères et donc mellifères.
Selon l’espèce, la couleur varie du rose pâle au magenta.
∙ Présence d’un hypanthium (réceptacle floral) court et hémisphérique.
∙ Calice à 5 sépales soudés (gamosépalé) en forme de cloche à dents courtes, d’une couleur plus soutenue que les pétales.
∙ 5 pétales inégaux : 1 étendard dressé (plus court et souvent tacheté) – 2 ailes dressées – 2 pétales horizontaux formant une carène qui protège les organes sexuels avant maturité.
∙ 10 étamines (pièces florales mâles) libres cachées dans la carène. Pollinisation par les insectes – entomogamie – et particulièrement les abeilles à langue longue.
∙ 1 ovaire supère (pièces florales en-dessous) à 1 carpelle (loge) contenant de 2 à 10 ovules.
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– Les fruits apparaissent très tôt après la nouaison (stade de transformation de l’ovaire en fruit), ils sont matures en fin d’été.
Ce sont de longues gousses aplaties de 10 cm, pendantes, engainant les graines, demeurant sur l’arbre après la chute des feuilles, déhiscentes (ouverture spontanée) ou pas, verdâtres devenant pourpres puis brunes.
– Petites graines ovoïdes, brunes. Dissémination barochore (gravité) ou entomophile (insectes).
– Variété, sous-espèce et cultivars les plus connus
À priori, les espèces ne s’hybrident pas entre elles.
Il existe des cultivars à feuilles panachées, à fleurs rose plus soutenu, à fleurs doubles, à gousses pourpres, à forme pleureuse…
∙ Cercis siliquastrum ne présenterait qu’une seule variété – var. alba, et les autres dénommées comme telle sont des cultivars, contrairement à ce qui est souvent annoncé.
La variété alba a des fleurs blanches et un feuillage vert clair et plus petit.
Le cultivar ‘Bodnant’ tient sa réputation par ses fleurs rose foncé et son nom du célèbre jardin botanique du Pays de Galles.
∙ Cercis chinensis
Le cultivar ‘Avondale’ est très prisé ; il tient son nom d’un quartier d’Auckland en Nouvelle-Zélande où il aurait été découvert, il s’agirait d’une mutation naturelle, repérée et cultivée vers 1975. C’est un arbuste qui n’atteint pas plus de 2 m avec un port compact et une floraison rose abondante en fin de printemps.
∙ Cercis canadensis
La sous-espèce mexicana présente des feuilles exceptionnellement brillantes.
Le cultivar ‘Royal White’ ou ‘Texas white’ a une floraison blanc pur.
‘Hearts of Gold’ a des feuilles couleur d’or, ‘Melon beauty’ des feuilles jaunes.
‘Lavender Twist’ est un cultivar récent qui offre une forme pleureuse aux branches tortueuses. Il aurait été créé en Israël.
‘Forest Pansy’ est un des cultivars les plus réputés ; il a été créé en 1981 aux USA. C’est un petit arbre de 5 à 10 m, aux feuilles rouge pourpre foncé toute la saison, aux boutons de fleur rose pourpré, et aux fleurs rose violacé devenant roses. Il est souvent taillé en buisson.
– Multiplication par graines, boutures, marcottes faciles, greffes.
– Ennemis
Pas de ravageurs connus. On peut évoquer la maladie du corail ou une attaque de psylles – Psylla pulchella, petit insecte qui sécrète un miellat support de fumagine – tâches noires dues à un champignon.
– Principalement ornementales
En isolé et en bonsaï. Certaines espèces comme chinensis peuvent être cultivées en bac pour les terrasses.
– Médicinales
Les savants anciens (Dioscoride, Pline…) n’évoquent pas cet arbre car, à l’époque, seule l’espèce type, l’arbre de Judée était connu et on ne lui attribuait aucune qualité médicinale. Il faudra attendre les ouvrages du médecin botaniste arabe Ibn al-Baytar pour que soit évoquée une utilisation médicinale de l’écorce des racines comme vomitif, mais l’espèce n’est pas signalée.
L’utilisation en pharmacopée chinoise est beaucoup plus évidente. L’écorce de l’espèce chinensis est utilisée comme antiseptique, elle calme la fièvre, détoxifie, favorise la circulation sanguine, soulage les douleurs, réduit les inflammations… Le fruit lutte contre la toux.
En gemmothérapie, les bourgeons de feuilles traitent les troubles de la circulation sanguine.
– Alimentaire
Les fleurs piquantes et sucrées peuvent être consommées en salade, en beignet, en gelée ou mélangées au vinaigre comme condiment ; les jeunes fruits sont sautés à la poêle.
Les rameaux de canadensis peuvent servir d’assaisonnement pour le gibier sauvage (au Sud des Appalaches), il est alors appelé spicewood – bois épicé.
Les bourgeons d’occidentalis sont consommés comme des câpres.
– Avec les graines de chinensis, on produit des insecticides.
– Écologie
En Europe, l’espèce siliquastrum fait le régal des oiseaux, et particulièrement des mésanges qui apprécient ses graines, certains papillons l’utilisent pour nourrir leurs larves. L’écorce peut être broutée par les cerfs.
Une plantation de gainiers autour des vergers permet de les protéger des psylles car, souvent attaqués par les psylles, ils attirent leur prédateur, les punaises du genre Anthocoris.
– Le bois présente des fibres cloisonnées.
L’écorce des jeunes tiges des espèces gigantea et occidentalis est utilisée en vannerie, celle de racemosa peut remplacer le chanvre pour fabriquer la rayonne.
Certaines espèces fournissent une teinture rouge (occidentalis par exemple).
– En Amérique du Nord, l’arboretum J.C Raulston propose une collection nationale de Cercis avec 7 espèces et 40 taxons (entités).
– En France, le plus vieux gainier aurait 400 ans, il a été planté par Pierre Richer de Belleval dans le premier jardin botanique de France, celui de Montpellier, mais, en fait, le tronc original a disparu, et il ne reste de l’arbre que des rejets qui se sont malgré tout bien développés.
Un des plus impressionnants en France (même s’il n’a qu’une centaine d’années) est l’arbre de L’Haÿ-les-Roses dans le val de Marne dont les troncs torsadés sont particulièrement étonnants.
– Symboles et légendes
∙ L’État de l’Oklahoma est riche en flore, et se représente par plusieurs symboles floraux, mais, en 1937, l’espèce canadensis a été choisi comme arbre officiel. (Choisir un arbre, certes particulièrement présent en cette région mais un arbre symbole de trahison envers Jésus, demande une certaine intégrité, alors que penser de cet état d’Amérique qui depuis 40 ans bafoue allègrement les droits des femmes et prône la tolérance zéro envers ses compatriotes ?)
∙ En Chine, le gainier est souvent planté dans les cours des maisons, il symbolise l’harmonie familiale. Une histoire raconte que trois frères s’étant disputés décidèrent que le lendemain ils se partageraient l’arbre gainier en le coupant en trois parties, chacune la sienne. Le lendemain matin, toutes les fleurs étaient fanées et étaient tombées. Les frères, sidérés, se réconcilièrent, et l’arbre reprit le cours normal de sa vie.
∙ Une légende (voir les noms) voudrait que les fleurs poussant directement sur le tronc soient les larmes du Christ, et que la couleur rose violacé des fleurs soit la couleur de la honte.
– Certains auteurs parlent de la fondation de Rome en évoquant les collines ‘recouvertes de sang’ en référence à la présence de nombreux Cercis.
Mise à jour septembre 2024.