La floraison est le critère d’identification le plus probant, mais ces plantes nous jouent des tours avec des floraisons aléatoires dépendant particulièrement des conditions (précipitations, luminosité, chaleur alternant avec le froid), et surtout tardives chez les agaves et certains yuccas.
Selon l’espèce, les yuccas sont matures sexuellement de 3 à 25 ans, mais parfois beaucoup plus tardivement, ce serait le cas de l’espèce brevifolia ; pour les agaves, il faut attendre de 5 à 10 ans pour les petites espèces et de 20 jusqu’à 40 ans pour les plus grandes, de plus la floraison ne se produit qu’une seule fois dans la vie de la plante ; la majorité des aloès serait mature de 3 à 5 ans.
Généralement les espèces de yuccas fleurissent du printemps à la fin de l’été, mais l’espèce gloriosa a choisi l’automne. Les agaves fleurissent généralement durant l’été, quant aux aloès la floraison se déroule de l’hiver au printemps sous nos contrées, ce qui correspond à leur floraison estivale australe (novembre à avril) ; mais pourquoi ces plantes (comme certains Acacia) conservent-elles les mêmes saisons de floraison dans les deux hémisphères durant des mois bien différents ? La différence de chaleur et de luminosité entre le jour et la nuit est-elle déterminante ? Ce sujet me questionne depuis très longtemps et si quelqu’un peut l’expliquer, merci d’écrire à « [email protected] ».
La floraison de ces genres consistent en la formation de hampes (axes dépourvus de feuilles supportant une inflorescence, une grappe de fleurs) protégées par des bractées (organes intermédiaires entre la feuille et le pétale). En fait la hampe florale n’est rien d’autre qu’un très long pédoncule (axe portant une fleur ou une inflorescence) !
La hampe florale se développe au cœur de la rosette mais aussi à l’aisselle des feuilles proches du cœur pour les yuccas et les aloès ; quant à l’agave, la hampe florale unique se situe dans la continuité du bourgeon foliaire qui, alors, devient un bourgeon florifère.
Chaque rosette de yucca et d’agave ne développe qu’une seule hampe florale et certains aloès peuvent en développer 2 ou 3.
Après la floraison, la hampe desséchée persiste très longtemps sur la plante, de plusieurs mois jusqu’à plus d’un an selon l’espèce.
Généralement les hampes florales sont dressées mais il existe toujours des exceptions !
– Agave
La hampe florale des agaves a une structure différente de la tige foliaire qui l’a précédée puisqu’elle devient suffisamment ligneuse pour s’élever et porter les fleurs.
Les Agave ne fleurissent qu’une seule fois dans leur vie, elles sont monocarpiques, sauf une : l’Agave attenuata qui en plus de développer une hampe florale courbée et d’être peu épineuse, se distingue à nouveau en fleurissant plusieurs fois dans sa vie, cette agave appelée agave queue de renard ou cou de cygne est donc polycarpique.
La hampe florale des agaves atteint généralement de 3 à 5 m jusqu’à 10 à 12 m pour les plus grandes ; les Furcraea qui ne fleurissent aussi qu’une seule fois dans leur vie développent une hampe florale de 2 à 4 m. La hampe florale des agaves et des fourcroyas se déploie à toutes vitesses, avec des records jusqu’à 17 cm en 24h !
Les bractées des agaves sont particulièrement remarquables, elles assurent la protection des inflorescences jusqu’à ce que la hampe commence à être bien développée.
La floraison et surtout la fructification demandent beaucoup d’énergie à une plante ; l’agave ayant la folie des hauteurs pour sa descendance ne produit pas assez de nourriture pour elle-même et se sacrifie, ses feuilles commencent alors à dépérir jusqu’à l’issue fatale et ce parfois même avant la fructification ; il est parfois possible d’éviter ce drame en supprimant les fleurs donc les fruits mais couper la hampe est une opération dangereuse qui, plus est, favorise généralement la production de tiges souterraines donc le caractère invasif.
Heureusement, les agaves sont prudents et, en amont de la floraison, ils prennent soin de produire des bourgeons adventifs bien à l’abri sous les feuilles basales ainsi que des drageons ; la relève est donc assurée qu’il y ait des graines ou pas.
Certains rares agaves développent des œilletons (bourgeons axillaires) à l’aisselle des feuilles permettant la formation de nouvelles rosettes.
Une quinzaine d’espèces d’agaves ont préféré mettre en place un stratagème très astucieux : les bulbilles (bourgeons souterrains ou aériens qui se développent en une nouvelle plante) ; à la base des fleurs fanées, elles produisent des bulbilles, des rejetons parfois appelés soboles du latin signifiant progéniture ; ces bulbilles munies de très courtes racines finissent par tomber au sol (tout comme la hampe), leurs racines s’ancrent alors dans le sol et se développent et le tour est joué, un nouvel agave est né ! Le genre Furcraea, très proche des Agave, est aussi monocarpique et donne souvent naissance à de nombreux bulbilles.
– Aloe
Les inflorescences des aloès apparaissent de manière distincte au sein de la rosette bien avant leur hampe florale contrairement aux agaves qui développent d’abord leur hampe.
Les Aloe peuvent fleurir plusieurs fois dans leur vie, on les dit polycarpiques et, si les conditions sont adéquates, elles fleurissent chaque année. Certaines espèces produisent plus d’une hampe florale par rosette. La hampe florale dépasse rarement 1 à 1,50 m.
– Yucca
La hampe florale des Yucca peut atteindre de 50 à 80 cm voire même 2 m mais souvent elle se développe assez près de la rosette de feuilles, parfois même elle dépasse à peine la pointe des feuilles (glauca, torreyi) ou légèrement au-dessus (gloriosa var. gloriosa).
Les yuccas arborescents, développant plusieurs rosettes au cours de leur vie, peuvent donc fleurir plusieurs fois (polycarpiques), c’est une des raisons pour lesquelles le genre Hesperoyucca a été créé afin de distinguer deux espèces de yuccas monocarpiques : whippley (le plus connu) et newberryi, espèces acaules développant des hampes florales de 2,5 à 3,5 m, des bractées réfléchies, un pollen et un stigmate différents, et un fruit déhiscent. Le genre Hesperaloe avec 6 à 7 espèces fut créé pour d’autres yuccas acaules dont les feuilles fines ressemblent à certains yuccas mais dont les fleurs sont semblables à celles des Aloe, le plus connu est le yucca rouge – Hesperaloe parviflora.
Celles des Yucca sont en panicules (inflorescence lâche et irrégulière, composée d’axes secondaires) portant des racèmes (les fleurs s’échelonnent par alternance le long d’un axe).
Les inflorescences d’Aloe sont en épi (les fleurs sessiles ou les groupes de fleurs se développent alternativement le long d’un axe) ou en panicule de racèmes, parfois en candélabre. Les racèmes sont en grappe cylindrique ou conique ou globulaire ; ils sont dressés ou plus ou moins à l’horizontal (particulièrement pour une pollinisation par les oiseaux).
Les inflorescences d’Agave sont en épi ou en panicule d’ombelles simples ou composées, les ombelles sont des inflorescences dont tous les pédoncules de tailles différentes sont reliés à un même point.
Le botaniste et horticulteur français Martin Cels a identifié deux sous-genres, Agave et Littae, d’après la ramification de la hampe florale : le sous-genre Agave avec une hampe ramifiée en candélabre, constituée de fleurs légèrement pédicellées (petits pédoncules) et le sous-genre Littae avec une hampe non ramifiée, un épi portant des fleurs légèrement pédicellées ou sessiles (directement sur un axe).
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Généralement, chaque fleur est protégée par une bractée. Les nombreuses fleurs bisexuées de ces trois genres perpétuent la loi trimère des monocotylédones : 6 tépales (sépales et pétales se ressemblent) en 2 verticilles (organes d’une plante insérés autour d’un axe) – 6 étamines (pièces florales mâles) en 2 verticilles – 3 carpelles (loges de l’ovaire). L’ovaire des yuccas et des aloès est supère alors que celui des agaves est infère (supère ou infère : disposition des pièces florales par rapport à l’ovaire).
Les fleurs de yuccas, en forme de cloche globuleuse ou oblongue, sont bien différentes de celles des agaves et des aloès qui paraissent semblables uniquement par leur forme tubulaire.
– Yucca
Les fleurs de 2 à 3,5 à 5 (8) cm sont pendantes et légèrement pédicellées.
Les 6 tépales sont blanc crème, parfois concolores (même couleur sur le dessus et au revers) ou parfois aux tépales extérieurs, correspondant aux sépales, légèrement teintés de vert ou de rosâtre/pourpre.
Le pistil et les étamines restent entre les tépales. Les étamines sont blanches, le filet finit par s’élargir et devenir plus ou moins ventru tout en s’écartant à angle droit vers l’extérieur ; à leur sommet sont disposées les petites anthères (extrémités fertiles d’une étamine). Au centre, le style (tige reliant l’ovaire au stigmate) de couleur verte est constitué de 3 lobes (correspondant aux 3 carpelles) longs et larges, partiellement soudés, ils se réunissent pour porter leurs 3 stigmates (partie réceptrice de pollen) au sommet libre et bilobé.
– Le Furcraea est monocarpique comme l’Agave, mais son allure et ses fleurs semblent plus proches du Yucca, même si sa hampe florale est plus grande et plus ramifiée.
– Agave
Les fleurs des agaves comme celles des aloès sont tubulaires, mais elles sont toujours dressées contrairement aux aloès. Elles peuvent être légèrement pédicellées ou sessiles.
L’ovaire de l’agave est infère ce qui confère à la fleur une allure particulière : le réceptacle protégeant l’ovaire est tubulaire et généralement vert, à son sommet se développent les petits tépales plus ou moins soudés mais au sommet libre. Les tépales peuvent être blancs ou jaunes ou jaune-verdâtres rarement pourpres (celsii, fourcroydes…). Les étamines sont insérées à la moitié des tépales et les dépassent plus ou moins, mais on ne peut pas louper leurs très longues anthères médifixes, biloculaires. Les étamines sont généralement de la couleur des tépales ainsi que le pistil qui dépasse en hauteur tout ce beau monde ; le stigmate est trifide (3 parties).
– Aloe
Les aloès portent de nombreuses fleurs pédicellées ou presque sessiles, d’environ 5 cm selon l’espèce ; elles sont dressées puis pendantes à maturité, nettement plus colorées que celles des agaves, les tépales sont jaunes, orange, roses ou rouges (parfois à trois couleurs en même temps). Les 6 tépales sont nettement tubulaires toutefois les 3 extérieurs sont souvent partiellement libres. Les étamines et le style ne dépassent pas du périanthe (ensemble des pièces protectrices de la fleur) ou très peu, parfois seul le style dépasse.
Les fleurs de l’épi sont plus ou moins nombreuses selon l’espèce, leur apparence peut ressembler à celles des Kniphofia de la même famille.
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Ces genres de plantes sont particulièrement mellifères et nectarifères et peuvent attirer des pollinisateurs bien différents : insectes, oiseaux et chauve-souris, mais hormis les aloès qui ont gardé une pollinisation classique ouverte à tous, les yuccas se sont spécialisés ainsi que certains agaves.
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– Yucca
Les yuccas cultivés en intérieur n’ayant pas les conditions optimums ne fleurissent pas contrairement à ceux en extérieur bénéficiant de bonnes conditions d’ensoleillement.
Sous forte chaleur, les tépales ont tendance à se refermer vers l’intérieur jusqu’à l’approche de la nuit, puis ils s’ouvrent et dégagent un parfum plus ou moins agréable selon le pollinisateur visé ; la couleur blanche des tépales est particulièrement visible et attirante durant la nuit sous un clair de lune. Les fleurs attirent les abeilles mais sont pollinisées par de minuscules papillons de nuit primitifs, principalement des genres Tegeticula et Megathymus. Le Yucca aloifolia fait figure d’exception et accepte d’autres pollinisateurs comme les abeilles.
À chaque espèce de yucca correspond une espèce de papillon ; le botaniste allemand George Engelmann soupçonnait un ‘système mutualiste’ entre yucca et papillon et nomma les petits papillons du genre Tegeticula les ‘teignes du yucca’ (yucca moths) ; sous son impulse, Charles Valentine Riley et William Trelease étudièrent ces ‘teignes du yucca’ et déterminèrent différentes espèces sous le nom de genre de Pronuba qui sera remplacé par le nom Tegeticula par le Baron Walsingham.
En fait, la femelle de cette petite ‘mite’ collecte du pollen sur une fleur et la transporte sur une autre en prenant soin de former une petite boule de pollen sur les stigmates ainsi pollinisés, puis elle pond ses œufs dans l’ovaire dont les chenilles plus tard se nourriront des nombreuses graines ; les chenilles matures finissent par sortir du fruit en perçant un petit trou et se laissent tomber au sol afin de continuer leur mutation, les graines encore disponibles poursuivront leur destin.
Ces papillons primitifs sont absents en Europe, et si l’on souhaite une pollinisation elle doit être manuelle vu que les yuccas ne s’autopollinisent pas. Il y a bien longtemps, Sir Thomas Hanbury, conscient de cette difficulté, aurait introduit en Europe l’insecte Tegeticula yuccasella afin de fertiliser les fleurs ; s’est-il adapté ? existe-t-il toujours ?
Dans le genre Tegeticula, il y aussi des tricheurs (il y en a partout !) et les espèces intermedia et corruptrix ne participent pas à la pollinisation, mais profitent uniquement de l’accueil de la plante où elles pondent leurs œufs ; en cas de fortes attaques, la plante fait avorter ses fruits, non mais !
Les yuccas ne sont pas les seules plantes esclaves volontaires dépendant d’un seul type de pollinisateur, on retrouve cette particularité par exemple chez les Ficus (figuier) ou chez la vanille… Ces plantes ne connaissent pas le dicton : ‘Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier’!
– Agave
Contrairement aux yuccas, les agaves ne sont généralement pas inféodés à un pollinisateur même s’ils peuvent avoir leur préférence.
Les agaves peuvent être pollinisés par divers insectes (particulièrement les premiers agaves apparus sur terre), des oiseaux et souvent des chauve-souris qui se nourrissent de nectar et de pollen. L’Agave tequilana ou agave bleue est uniquement pollinisée par la chauve-souris Leptonycteris nivalis. D’après l’équipe de Luis Eguiarte, le genre Agave se serait diversifié il y a un peu plus de 12 millions d’années ce qui est assez récent mais étonnant pour un genre qui compte quand même 208 espèces ; les scientifiques parlent d’une radiation évolutive due à leur niche d’implantation, et en effet les chauve-souris nectarivores seraient apparues à la même époque. On comprend alors pourquoi les agaves développent une hampe florale aussi haute : elles cherchent à attirer les chauve-souris friandes de nectar, mais pas suffisamment aptes à voler à ras du sol ; d’ailleurs ce type de chauve-souris pouvaient initialement se contenter de déguster des insectes, mais comment résister à une plante qui vous offre le couvert avec un nectar (issu d’une longue évolution) spécialement conçu selon vos goûts. Évidemment, cette débauche d’énergie de la plante pour atteindre de telles hauteurs n’est pas sans conséquence et finalement sera mortelle, mais le ‘boulot est fait’ ! Les adeptes de l’anthropomorphie y verront une ‘intelligence’ des plantes alors qu’il s’agit, comme toujours, d’une très longue évolution d’expériences réussies ou ratées, directement liées aux conditions. Les chauve-souris couvrant de longues distances, on peut supposer que les agaves produisant une haute hampe florale ont ainsi optimisé leur implantation.
Selon l’espèce, les fruits du yucca sont en longues capsules déhiscentes (ouverture spontanée) ou indéhiscentes, sèches ou charnues ou spongieuses, remplies de nombreuses graines aplaties noires.
Les fruits en capsules des agaves et des aloès deviennent secs à maturité (hormis Aloe macra), ils sont déhiscents. Les graines des aloès sont ailées.
Sur la photo de l’agave, on voit bien les tépales séchés au sommet du fruit (ovaire infère) ; sur celle du yucca, les tépales séchés sont à la base du fruit (ovaire supère), il en est de même pour l’aloès mais les tépales desséchés sont parfois emportés vers le haut avec le grossissement du fruit.
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Mise à jour septembre 2024.