Ce genre fait partie de la famille des Casuarinaceae qui comporterait de 50 à 96 espèces réparties dans 4 genres mais selon les auteurs le nombre d’espèces et de genres varient considérablement.
De nombreuses espèces autrefois dans le genre Casuarina ont été reclassées dans les genres Allocasuarina – Ceuthostoma – Gymnostoma par le botaniste australien Lawrence Alexander Sidney Johnson.
Les genres Casuarina et Allocasuarina sont très proches mais ont été séparés en raison de caractères distinctifs : couleur du fruit – épaisseur des bractéoles et des dents (petites feuilles).
Le genre type est le Casuarina et l’espèce equisetifolia fut considérée, en 1989, comme l’espèce type par Johnson.
Le genre comporterait de 11 à 17 espèces selon les auteurs. Les espèces les plus communes sont equisefolia, cunninghamiana et glauca.
Les espèces présentent des sous espèces et pour les deux plus connues :
– 2 sous-espèces pour equisetifolia :
∙ equisetifolia originaire de l’Asie du Sud-est et du Nord de l’Australie, pouvant atteindre 35 m, aux rameaux glabres ; c’est la plus commune.
∙ incana originaire de l’Est de l’Australie, de la Nouvelles-Galles du Sud et du Sud du Vanuatu, petit arbre de 12 m aux rameaux pubescents.
– 2 sous-espèces pour cunninghamiana :
∙ cunninghamiana à l’est de la Nouvelle-Galles du Sud et du Queensland. Arbre de 20 à 35 m.
∙ miodon à l’extrême nord-ouest du Queensland. Le nom miodon vient du grec ‘meion’ signifiant peu et ‘odous’ signifiant dent en référence à ses petites feuilles. Plus petit, il dépasse rarement les 12 m. Il est rarement cultivé.
Le genre Casuarina est originaire des régions tropicales et tempérées chaudes d’Australie, d’Asie du Sud-est et des îles de l’océan Pacifique mais, il y a bien longtemps, la famille des Casuarinaceae était présente dans d’autres parties du globe puisque l’on a retrouvé des fossiles du genre Gymnostoma en Patagonie (n’oublions pas qu’après la dislocation de la Pangée, l’Amérique du Sud et l’Australie étaient réunies).
Certaines espèces ont été largement introduites dans de nombreux pays où elles se sont naturalisées et devenues parfois trop envahissantes.
– Casuarina L.
Ce nom attribué par Linné en 1759 donnera son nom à la famille – Casuarinaceae ainsi décrite en 1814 par le botaniste écossais Robert Brown.
Casuarina est issu du nom vernaculaire malaysien ‘kasuari’ en référence à la ressemblance des feuilles avec les plumes des casoars – Casuarius, grands oiseaux inaptes au vol, entre l’autruche et l’émeu.
Concernant l’espèce type – Casuarina equisetifolia, Linné la validera dans son ouvrage ‘Amoenitates Academicae’ sur la base de la planche Casuarina littorea de l’’Herbarium Amboinense’ de Rumphius mais lui attribuera l’épithète equisetifolia du latin equisetum, de equus-saetanom nom donné par Pline pour évoquer une queue de cheval, nom latin attribué aux prêles, et de folia de folium nom latin signifiant feuillage.
Étrangement, plusieurs auteurs attribuent cette validation à la famille Forster en 1775.
– On les trouve souvent sous le nom de ‘chêne’ en référence à leur qualité de bois similaire (mais inférieure), ils sont aussi parfois nommés ‘bois de fer’. Un des noms vernaculaires anglophones donné par les premiers colons australiens est sheoak (she-oak) qui littéralement signifie chêne femelle ; à ce nom, il est rajouté leur habitat de prédilection ce qui différencie les espèces les plus connues :
∙ beach sheoak ou coast sheoak – equisetifolia.
∙ river sheoak – cunninghamiana.
∙ swamp sheoak – glauca.
Le botaniste Richard T. Baker dans une étude sur ce genre écrit que les ‘sheoaks’ sont ainsi nommés « en raison du son particulier produit par le vent lors du passage à travers les branches » ???
– La couleur brun-rouge leur a valu le nom d’Australian beefwood, nom donné aux arbres australiens dont le bois a une coloration rouge ressemblant à du bœuf cru. Chez les Casuarina, ce nom est particulièrement attribué à l’espèce cunninghamiana.
– Les espèces australiennes sont souvent appelées ‘pin australien’ en référence à leur apparence et leur allure.
– Filao vient du malgache signifiant arbre ; c’est le nom créole de l’espèce equisetifolia à la Réunion, nom usité en France métropolitaine. Il est particulièrement attribué à l’espèce equisetifolia mais par extension d’autres casuarinas portent ce nom.
– Aito et Toa sont les noms polynésiens de l’espèce equisetifolia. (voir les Anecdotes)
En Australie, on les trouve souvent en association avec les acacias et les eucalyptus. L’espèce equisetifolia voisine aussi avec des banksias et glauca avec des melaleucas.
Généralement, les Casuarina apprécient le plein soleil sur des sols sablonneux et humides de préférence mais ils s’adaptent à toutes sortes de sols.
Leur tolérance au gel est assez limitée, jusqu’à -7 à -8°C pour certaines espèces telles cunninghamiana et glauca qui sont les plus rustiques.
L’espèce equisefolia privilégie les plages, cunninghamiana les rivières et glauca les marais mais malgré tout ces espèces supportent mal les inondations prolongées.
Equisetifolia propose une très bonne résistance à la salinité.
Ces espèces sont relativement sensibles au feu.
Autrefois, au vu de ses caractéristiques archaïques, les botanistes avaient tendance à penser que ce genre d’arbres pouvait constituer le plus ancien genre de plantes à fleurs – les angiospermes mais la science a modifié cet avis et désormais les particularités de cette famille sont plus envisagées comme des spécialisations dues à des conditions de vie extrêmes.
Selon l’endroit de culture, on trouve de grandes différences de croissance et de caractéristiques morphologiques.
– Leur croissance précoce est rapide – 3 m la 1ère année pour equisefolia – à moyennement rapide mais leur longévité est assez courte de 40 à 50 ans jusqu’à 150 ans.
– Ce sont des arbustes ou des arbres pouvant atteindre jusqu’à 35 m, il serait question d’un peu moins de 50 m pour cunninghamiana mais cela reste exceptionnel. Leur port est dressé et l’allure de la cime varie selon les conditions : pyramidale – conique – ovale, souvent irrégulière.
– Le système racinaire est vigoureux. Les racines vivent en symbiose avec les bactéries du genre Frankia et développent donc des nodules fixateurs d’azote – des actinorhizes, nodosités fixatrices d’azote sur les racines (parfois le tronc). Chez Casuarina equisetifolia, on peut trouver aussi des nodules sur le tronc.
Equisetifolia développe une racine tabulaire formant comme un contrefort chez les sujets âgés.
– Si l’espèce equisetifolia ne drageonne pas ou rarement et cunninghamiana très peu, ce n’est pas le cas pour glauca qui d’ailleurs se révèle très envahissante.
– L’écorce grise se fissure avec le temps jusqu’à parfois se détacher en bandes longitudinales.
– Les rameaux sont dimorphiques.
À partir de rameaux persistants à croissance indéterminée (tiges/branches) se développent des rameaux à croissance déterminée portant de fines ramilles articulées, constituées tout d’abord d’un verticille (inséré autour d’un axe) de feuilles qui fusionne avec la tige – le cladode, chaque feuille fusionnée se termine par une petite dent (la vraie feuille) ressemblant à une petite écaille gris-vert de 1 mm (souvent peu visibles) ; la base de ce verticille de petites dents forme une sorte de gaine juste dessous le nœud. De ce nœud se développe un nouvel entre-nœud… ainsi se constituent les phylloclades.
Ces entre-nœuds assurent la photosynthèse. Ils présentent des sortes de crêtes longitudinales appelées phyllichnies correspondant aux dents, les stomates (petit orifice) officient sur les rainures.
Les ramilles pleureuses ou dressées mesurent de 10 à 20 cm voire plus et n’ont pas plus de 1 à 2 mm d’épaisseur, elles persistent de 1 à 3 ans. Elles ressemblent aux tiges des prêles – Equisetum ou à des aiguilles de pins – Pinus.
Le nombre de dents et d’entre-nœuds sont des critères d’identification entre espèces.
Les espèces cunninghamiana, equisetifolia, et glauca présentent une apparence assez semblable mais en regardant de très près, on peut les distinguer (sortez les loupes) :
∙ equisetifolia : rameaux de plus de 20 cm – nombre de feuilles, dents du verticille de (4) 7 à 8, souvent 7, la gaine est blanchâtre.
∙ cunninghamiana : rameaux de moins de 20 cm – nombre de feuilles, dents pointues du verticille de (7) 8 à 10, la gaine est légèrement jaunâtre – cônes petits, environ 1 cm.
∙ glauca : rameaux de plus de 20 cm et assez épais – nombre de feuilles, dents du verticille de 10 à 18, la gaine est légèrement brunâtre.
– La maturité sexuelle est atteinte vers l’âge de 1 à 5 ans ce qui est précoce pour un arbre et rajoute à leur côté envahissant.
Selon les conditions offertes, la floraison peut se dérouler à tout moment de l’année et particulièrement de mars à octobre avec parfois un pic assez important à l’automne. Si les fleurs n’apparaissent qu’une seule fois dans l’année, la durée de floraison est assez longue, de 20 à 30 jours.
Selon l’espèce, les plants sont monoïques (fleurs mâle et femelle séparées sur la même plante) – equisetifolia, ou dioïques (fleurs mâle et fleur femelle séparées sur 2 plantes différentes) – cunninghamiana, glauca ; toutefois ceci n’est qu’une généralité à laquelle les espèces peuvent déroger.
Les minuscules fleurs sont assez insignifiantes et pourtant on les remarque ne serait-ce que par leur abondance du côté mâle et leur couleur chez les femelles.
∙ Les fleurs mâles à l’extrémité des ramilles sont disposées en verticilles et forment des épis de 1 à 4 cm, roussâtres à maturité. Chaque fleur n’est constituée que d’1 ou 2 petits tépales (sépales et pétales se ressemblant) à des écailles caduques, sous-tendues par des bractéoles (petit organe intermédiaire entre la feuille et le pétale) et d’une étamine au pollen allergène. Pollinisation anémophile (vent).
Décidément, cet arbre nous trompe énormément en arborant une allure de conifère et en produisant une telle quantité de fleurs mâles qu’en pleine floraison il donne plutôt l’impression d’un arbre se préparant à perdre toutes ses feuilles ! Ci-dessous, un Casuarina cunninghamiana en pleine floraison en janvier au Parc Phoenix à Nice.
∙ Les femelles sont regroupées par 50 à 60 formant des boules disséminées, en général, le long des rameaux latéraux courts.
La fleur apétale possède 1 bractée sous-tendant 2 bractéoles élargies en forme de dents protégeant 1 ovaire supère à 2 carpelles se terminant par un style (tige reliant l’ovaire au stigmate) court, bifide portant 2 longs stigmates (partie réceptrice de pollen) filiformes rougeâtres. La présence d’un ovaire justifie la classification de cet arbre chez les plantes à fleurs.
Après fécondation, les bractéoles se soudent en 2 valves et ne se rouvriront qu’à maturité des graines.
Le botaniste néerlandais Melchior Treub a découvert pour la première fois la chalazogamie (voir Sexualité) chez un casuarina monoïque.
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– L’infrutescence est constituée de la grappe de fleurs qui après fécondation forme une structure boisée aux aspérités plus ou moins piquantes et proéminentes (bractéoles et bractée soudées), ressemblant à un cône ovoïde ou légèrement allongé de 1 à 2 cm.
Les cônes sont généralement matures un an après fertilisation mais ils sont marcescents (restent secs et bruns sur la plante pendant l’hiver). Les cônes sont disséminés par le vent et par l’eau (cône imperméable et insubmersible).
Chez equisetifolia, les cônes de 2 cm sont abondants, légèrement plus longs que larges et parfois pubescents, poilus, les valves sont peu proéminentes. Ceux de cunninghamiana sont plus petits, 1 cm.
– Chaque carpelle contient une petite graine ailée – une samare aplatie, brun-rouge. Les graines sont généralement abondantes.
– Multiplication par semis, boutures et marcottes.
– Les espèces peuvent s’hybrider naturellement. Cunninghamiana et glauca sont des espèces particulièrement proches qui s’hybrident facilement.
– Ennemis
Champignons – bactéries – insectes. L’ennemi le plus important est le flétrissement bactérien – Ralstonia solanacearum.
Certains rameaux végétatifs peuvent être modifiés par des insectes du genre Coccoidae en formant des galles ressemblant aux cônes fructifères.
– Ce sont des arbres pionniers. Dans de nombreux pays où ils ont été introduits, ce type d’arbres est utilisé en agroforesterie comme haies et brise-vents. Ils sont très utiles pour la préservation et la restauration des sols pauvres, la reforestation et la fixation de dunes.
En Égypte, ce serait le genre d’arbres le plus utilisé en foresterie.
Ce sont des plantes très envahissantes et leur introduction doit être perspicace et surveillée. Dans certaines régions, ils sont considérés comme nuisibles dans d’autres ils sont indispensables.
– Le bois de grande qualité est souvent comparé à celui des chênes, il est très dur et lourd, résistant à l’eau de mer.
Construction navale – toitures – meubles – clôtures – divers objets… Les toitures peuvent durer une centaine d’années !
Autrefois les armes de guerre, les lances ou les massues étaient faites de son bois. En Australie, on fabriquait des boomerangs, des boucliers… d’ailleurs les archéologues ont trouvé dans le sud un boomerang estimé à 10 000 ans.
Utilisé pour fabriquer les tikis : statue sculptée représentant l »homme-Dieu’ qui engendra les humains mais généralement sa dureté est inappropriée à la sculpture.
C’est un des meilleurs bois de chauffage du monde : beaucoup de chaleur, peu de fumée et peu de cendre. Autrefois, à la Réunion, on l’utilisait pour les chaudières des locomotives.
C’est aussi un excellent charbon de bois.
– Ses ‘aiguilles’ brûlées servent au fumage du poisson.
– Écologie
Nourriture importante pour la faune : larves de lépidoptères, papillons et particulièrement des Hepialidae.
Les kangourous broutent l’herbe mais se nourrissent, entre autres, des tiges de Casuarina.
En Australie, les graines sont appréciées des pinsons, des loriquets arc-en-ciel et de nombreux cacatoès.
C’est un fourrage pour les moutons et les bovins mais à utiliser uniquement en cas de sécheresse intense donc en cas d’urgence.
Dans certaines régions du globe, leur installation peut gêner la ponte des tortues de mer.
– Médicinales
L’écorce riche en tanin est utilisée en médecine traditionnelle et particulièrement pour les maux de l’appareil digestif.
Blennorragie – dysenterie – diabète – contraception.
– L’écorce rentre dans la confection de produits pour le bronzage.
– Teintures
La sève de l’écorce permet de teindre les ‘tapas’, tissus à base d’écorce battue.
– Ornementales
Arbres de rues – en isolé.
La chute continue des ramilles forme une couverture qui en décomposition inhibe la croissance d’autres genres de plantes – allélopathie, il est donc inutile d’espérer avoir un beau gazon sous un casuarina.
Acceptant très bien la taille, ils sont prisés en bonsaï et en art topiaire.
– Aux Antilles et en Polynésie française, on l’utilise comme arbre de Noël.
– Symboles et légendes
∙ En Polynésie, c’est le symbole du courage et l’emblème de Oro, le Dieu de la guerre.
∙ À Tahiti, Toa était le nom initial du filao mais lorsque la famille royale prit le nom de Vairaa-toa, ce nom fut interdit, l’arbre Toa devait changer de nom et devint l’arbre Aito signifiant guerrier, champion.
Les ‘Aito’ seraient engendrés par des corps de guerriers, le sang devient la sève, les cheveux les feuilles.
∙ La lance du Dieu Tâne, dieu des Maoris, est en bois d’Aito ainsi que l’arc et les flèches du héros Paï-a-ara’i (Tahiti).
– Dans la Revue de Madagascar d’avril 1934, Jean-Joseph Rabearivelo, premier écrivain malgache d’expression française, écrit un poème sur l’espèce equisetifolia :
« Filao, filao, frère de ma tristesse,
qui nous vient d’un pays lointain et maritime,
le sol imérinien a-t-il pour ta sveltesse
l’élément favorable à ta nature intime?
Tu sembles regretter les danses sur la plage
des filles de la mer, de la brise et du sable,
et tu revis en songe un matin sans orage
glorieux et fier de ta sève intarissable.
Maintenant que l’exil fait craquer ton écorce,
l’élan de tes rejets défaillants et sans force
ne dédie aux oiseaux qu’un reposoir sans ombre,
tel mon chant qui serait une œuvre folle et vaine
si, né selon un rythme étranger et son nombre,
il ne vivait du sang qui coule dans mes veines! »
– À Monaco, sur la Place d’Armes à l’angle de la rue Grimaldi où vécut un des Casuarina equisetifolia pendant 180 ans, trône désormais son tronc de 6 m sculpté par l’artiste Marc Nucera offrant ainsi un banc monumental.
Mise à jour janvier 2024.