Ce genre est inclus dans la famille des Apocynaceae, famille de la pervenche – Vinca, et particulièrement dans la sous-famille des Apocynoideae. Cette famille est très proche des Asclepiadaceae.
La caractéristique de cette famille est la production d’un latex laiteux (très) toxique pour la majorité des espèces.
Apocynaceae est issu du latin Apocynum du grec ‘Apokun’ qui signifie ‘contre les chiens’ (‘Kuon’ : chien). Apocynum est le nom donné par le médecin botaniste grec Dioscoride pour désigner le Cionura oreophila (de la famille des Asclepiadaceae), nom redéfini par Carl von Linné pour l’Apocynum venetum considéré comme un poison violent pour les chiens. Le nom anglais des Apocynaceae est d’ailleurs Dog’s bane qui signifie fléau du chien en référence au caractère extrêmement toxique de cette famille.
On trouve trois espèces ou plutôt considérées par la majorité des auteurs comme des formes géographiques, des sous-espèces et la plus répandue dans nos régions est oleander que nous décrivons particulièrement dans cet article, c’est d’ailleurs l’espèce type.
∙ oleander pour le bassin méditerranéen.
∙ mascatence pour l’Oman.
∙ indicum du nord de l’Inde jusqu’au sud-ouest de la Chine et au Japon.
Les lauriers roses cultivés actuellement un peu partout dans le monde seraient des hybrides de ces trois formes et surtout des cultivars.
Des feuilles fossilisées datées du Crétacé supérieur (Crétacé supérieur : – 100,5 à – 66 MA) auraient été retrouvées en Europe.
L’habitat d’origine est inconnu mais beaucoup penchent pour une origine méditerranéenne et particulièrement des rives de l’Afrique du Nord, il se serait alors rapidement installé sur tout le pourtour méditerranéen (zones de l’olivier) et du nord de l’Inde jusqu’au sud-ouest de la Chine.
– Nerium L.
Décrit et nommé par Carl von Linné en 1753.
∙ Nerium est le nom issu du grec ancien nêrion donné par Dioscoride pour le désigner, repris par Tournefort en 1694.
Ce nom pourrait venir du grec ‘nêris’ issu de ‘neron’ signifiant humide, eau, élément qu’il affectionne même s’il est particulièrement résistant à la sécheresse. Nereus est le dieu grec de la mer Égée et de la Méditerranée.
Dans les écrits de Pline, on trouve 3 noms le définissant : nêrion – rhŏdŏdendrŏn du grec τό ῥοδόδενδρον signifiant arbre à rose – rhododaphnê du grec ῥοδοδάφνη. Ceci montre la confusion entre rhododendron et laurier-rose, on retrouve d’ailleurs cette confusion dans son évocation du ‘nectar qui rend fou’ ne pouvant être attribué qu’au ‘vrai’ rhododendron très toxique ressemblant au Nerium qui, lui, ne produit pas de nectar ; le nom de rhododaphnê porte aussi à confusion, il peut se traduire par laurier rose ou plutôt laurier de couleur rose ou à fleur de rose mais en fait le Daphne est un petit arbuste à fleurs roses très odorantes dont l’étymologie du nom est issue de la nymphe grecque Daphné transformée en laurier (Laurus nobilis, laurier sauce, laurier d’Apollon) afin d’échapper aux assauts amoureux d’Apollon.
∙ L’épithète oleander est issue du latin médiéval désignant une plante dont le ‘feuillage ressemble à celui de l’olivier’ – Olea.
C’est aussi le nom vernaculaire (populaire) anglophone.
– Laurier est son nom populaire mais il n’est pas approprié si l’on ne rajoute pas l’épithète rose ; en effet le laurier – Laurus nobilis, plus communément appelé laurier sauce, est un arbuste de la famille des Lauraceae dont les feuilles sont utilisées en cuisine, le rapprochement avec le laurier-rose vient de la similitude des feuilles ; l’épithète rose rappelle la ressemblance avec les fleurs des rosiers évoquée par Théophraste.
Laurier est aussi le nom du laurier cerise – Prunus lauroceracus souvent utilisé en haies, tout comme le laurier palme – Prunus laurocerasus ‘Rotundifolia’, qui font partie de la famille des Rosaceae.
Dans ce cas précis des lauriers, l’emploi du nom vernaculaire peut se révéler dangereux car si les feuilles du laurier sauce sont comestibles, ce n’est absolument pas le cas du laurier-rose hautement toxique.
– En Inde où il est très présent, on le trouve sous le nom de Kaner (en hindi).
– Jia zhu tao – 夹竹桃 est son nom chinois. Si les Européens rapprochent sa fleur de celle du rosier, les Chinois l’assimilent à la fleur de pêcher d’où certains noms populaires chinois.
– D’autres plantes portent aussi le nom populaire de laurier :
Laurier tulipier : Magnolia – Laurier tin : Viburnum tinus – Laurier-rose des Alpes : Rhododendron ferrugineum dont les feuilles et les fleurs ressemblent au laurier-rose – Laurier d’Alexandrie : Danae racemosa.
Il forme des fourrés sur les rocailles le long des cours d’eau ou dans le lit de rivières asséchées, au soleil (mi-ombre possible dans les régions très ensoleillées) et sur toutes sortes de sols.
Très tolérant à la pollution, on le voit souvent en séparation de routes. Il est aussi tolérant à la sécheresse, au vent et aux embruns marins.
Tolérance au gel au moins à -4° en général et parfois jusqu’à -12°C selon le cultivar.
Toute la plante est très toxique. Elle contient un suc laiteux qui provoque des réactions cutanées, son ingestion est mortelle.
– Croissance rapide.
– Arbuste persistant de 1 à 6 m, au port touffu, à l’écorce grise et lisse, aux rameaux dressés.
– Les feuilles persistantes sont en verticilles (organes insérés autour d’un axe) au bout d’un court pétiole (petit pied). Elles sont étroitement lancéolées, coriaces, vert glauque.
– La longue floraison de la fin du printemps au milieu de l’automne se développe en inflorescences terminales en cymes (inflorescence à une fleur terminale puis fleurs soit d’un côté soit symétriques) paniculées (plusieurs grappes) de fleurs hermaphrodites (bisexuées) parfois légèrement parfumées. Pollinisation entomophile (insectes).
∙ Calice aux sépales linéaires assez courts supposés porter à leur base des glandes charnues remplies de nectar mais, contrairement à certains écrits anciens (et récents), il n’en est rien car cette plante ne produit pas de nectar, particularité de la moitié des Apocynaceae ; la confusion vient probablement du fait que la couronne frangée de la corolle du laurier-rose fut appelée ‘nectaire’ par Linné ; dans le cours d’agriculture du botaniste et agronome français François Rozier (1786), on peut citer un passage se rapportant aux descriptions de Linné : « On remarque un nectar à l’ouverture du tube, formant une couronne frangée… » ; dans le cas du laurier-rose, cette couronne ne provient pas des sépales mais des pétales et une couronne pétaloïde est une paracorolle ou coronule présente aussi chez d’autres fleurs, c’est un verticille intérieur d’appendices surnuméraires de la corolle (Rozier emploie aussi le nom de nectaire pour la couronne nectarifère du narcisse), Linné a certainement considéré la couronne du laurier-rose comme un appendice nectarifère comme cela se produit souvent mais cette couronne est un leurre, un panneau de signalisation frauduleux censé diriger les insectes vers un breuvage convoité mais dans ce cas absent.
∙ Les 5 pétales sont soudés à la base formant un entonnoir puis s’évasent séparément. Le bouton floral est turbiné et les pétales se développent en hélice. Au cœur de la corolle et au bout de l’entonnoir, les pétales sont ornés d’une couronne plus ou moins frangée (voir à calice).
La forme sauvage présente des pétales simples de couleur rose, les cultivées offrent une palette du blanc au jaune et du rose au rouge, leurs pétales sont simples, doubles ou multiples et la couronne est souvent veinée de couleur différente.
∙ 5 étamines au filet court, dont les anthères surmontées d’un appendice barbu s’infléchissent et se soudent au style (tige reliant l’ovaire au stigmate), c’est une caractéristique de la sous-famille ; le style porte un stigmate (partie réceptrice de pollen) à 2 lobes correspondant aux 2 carpelles soudés contenant de nombreux ovules.
Comme le frangipanier de la même famille, le laurier-rose leurre les insectes en les attirant gratuitement à visiter le cœur de la fleur bien pourvu en pollen mais dénué de nectar, en revanche il offre ses feuilles aux chenilles de certains papillons ; le plus connu est le Daphnis nerii, le sphinx du laurier-rose, un grand papillon migrateur de l’Afrique vers l’Europe dont les chenilles se nourrissent de feuilles de laurier-rose mais aussi de pervenche.
Dans le sud de l’Amérique du Nord, on trouve Empyreuma pugione, un petit papillon originaire des Antilles qui a été séduit par le laurier-rose importé en Amérique au XVIIe siècle par les Espagnols, il a donc changé la nourriture de ses larves ; il en est de même pour le petit papillon Estigmene acrea ainsi que Syntomeida epilais dont les chenilles se révèlent particulièrement voraces et dangereuses pour l‘arbre. Ces chenilles ne sont pas gênées par la toxicité de la plante et d’ailleurs bénéficient de cette protection vénéneuse envers leurs prédateurs. Il est un autre papillon qui apprécie les plantes des familles Apocynaceae et Asclepiadaceae, c’est le papillon Euploea goudotii d’origine indoaustralienne, bien installé sur l’île de La réunion, dont la chenille se régale du limbe des feuilles en prenant soin, avant de consommer, de couper la nervure conductrice du latex, réduisant ainsi le flux : petite maligne ! La chrysalide de ce papillon est particulièrement belle avec ses reflets argentés.
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– Fruits secs en follicules (fruits secs s’ouvrant d’un seul côté) à 2 valves (2 carpelles soudés), de 8 à 16 cm, déhiscents (ouverture spontanée), remplis de graines à l’extrémité plumeuse pour une dissémination anémophile (vent).
Les espèces à fleurs doubles sont stériles.
– De très nombreuses variétés, cultivars et hybrides. Il existe aussi des formes naines.
Parfois sur un même arbuste issu de culture, certaines tiges développent des fleurs de type ancestral : pétales simples et roses.
– Multiplication par graines et par boutures.
– Ennemis : cochenilles – pucerons – bactérie qui provoque des galles ou des boursouflures sur l’écorce – champignons – acariens.
Utilisé depuis l’Antiquité, vers le 15e siècle avant J.-C., les textes anciens le nommaient ‘rose du désert’. Très présent en Grèce, le laurier-rose fut largement documenté par les grands savants scientifiques grecs comme Théophraste, Dioscoride ou encore Pline.
– Plante ornementale considérée comme le roi des jardins méditerranéens : en pleine terre dans les régions à climat doux ou en pots pour les vérandas en climat plus rigoureux. En régions subtropicales il peut faire office de haies. Souvent planté en abords ou en ligne médiane des autoroutes pour sa résistance à la sécheresse et à la pollution, il aurait aussi la capacité d’absorber les substances polluantes, raison pour laquelle, en Chine, il est nommé ‘gardien de la protection de l’environnement’.
– Médicinales
Tous les organes de ce laurier contiennent de l’oléandrine.
Largement utilisé en médecines traditionnelles pour de nombreux maux : antiseptique – anti-cancérigène – éruptions cutanées (feuilles) paludisme (feuilles et fleurs) – morsures de serpent… C’est un bon tonus cardiaque. La racine en poudre traite les hémorroïdes et les ulcères des organes génitaux ainsi que le cancer et la lèpre.
Ses effets sont proches de ceux de la digitale – Digitalis purpurea et dans le cas de traitement anticancéreux, il peut la remplacer auprès des personnes allergiques à la digitale.
Dans certains pays, l’extrait de laurier rose rentre dans les traitements du VIH.
– Autrefois utilisé comme raticide et insecticide.
– Écologie
Plante hôte de papillons de nuit tel Daphnis nerii dont les chenilles se nourrissent de feuilles (voir plus haut à la pollinisation).
– La beauté de ses fleurs a bien sûr inspiré les artistes. On a retrouvé sa représentation sur des peintures murales à Pompéi. Ci-dessous une peinture de Van Gogh de 1888 faite à Arles intitulée ‘Vase aux lauriers roses’.
– Toxicité
∙ Les anciens déconseillent de dormir sous un laurier rose (courbatures, vertiges, sueurs) ou de boire l’eau où puisent ses racines. La toxicité est telle que respirer la fumée des tiges brûlées peut être dangereux, la sève peut provoquer des dermatites.
Alexandre le grand aurait perdu des militaires qui auraient mangé de la viande cuite sur des branches de laurier rose. Même mésaventure en 1808 durant la campagne d’Espagne pour les soldats de Napoléon.
Les graines sont parfois utilisées à des fins suicidaires !
∙ Ayant un goût excessivement amer, les humains ne risquent pas de manger les feuilles par contre les chèvres et les chevaux peuvent se laisser tenter et cela sera à leur dépens car l’ingestion de 30 à 60 g de feuilles peut se révéler fatal.
– Au Maroc, le laurier a la réputation de détourner le mauvais œil et de protéger des mauvais sorts.
– Dans le langage des fleurs, c’est le symbole de méfiance.
Mise à jour le 2 février 2023.